J’ai toujours préféré le mot ‘tendance’. Tout de suite, cela fait moins disgracieux que ‘mode’. Moins prompt à s’attirer l’immédiatement l’ire aussi avouons-le… Donc allons-y tout de go : le death-metal ‘à la finlandaise’ est donc tendance. Il faut dire que vu le comeback que son cousin punk suédois a effectué ces deux dernières années, il était un peu normal qu’il s’engouffre dans la brèche. Surtout que cette sous-sous-scène a toujours été un peu en manque de reconnaissance car elle n’a jamais eu SON ‘Left Hand Path’ ou son ‘Like An Ever Flowing Stream’, soit ces fameux un ou deux disques phares permettant au « grand public » death-metal (oui, les guillemets sont à prendre avec des pincettes) d’immédiatement l’identifier. Il y a eu bien sûr le premier album de DEMIGOD (‘Slumber of Sullen Eyes’) ou encore le premier AMORPHIS (quoique le groupe est devenu populaire après coup, et une fois ses sonorités édulcorées) mais ces quelques références surgies des fin fonds des limbes underground servent surtout à meubler les conversations de comptoir de quelques nerds. Mais sinon, balancez le nom de FUNEBRE à un fan de base d’OBITUARY et vous verrez combien il vous regardera avec des gros yeux ronds pleins d’interrogation…

Bref, toujours est-il qu’aussi négligée qu’elle fût au début des années 90, cette variante bien précise du son death-metal, plus lourde et parfois à la limite du doom mais misant tout sur les atmosphères de caveau humide, est en train, doucement mais sûrement, d’envahir la scène mondiale. Ce qui est d’ailleurs marrant, c’est que même si on parle seulement d’une poignée de forcenés, on remarque aussi que le phénomène n’est pas que limité à la Finlande en elle-même (où KRYPTS, ASCENDED et LIE IN RUINS se tirent la bourre) et que certains autres pays se mettent aussi au finnois. Exemple aujourd’hui avec l’Angleterre et la deuxième démo de CRUCIAMENTUM, projet parallèle de deux membres du tout aussi respectable et caverneux GRAVE MIASMA où l’on retrouve aussi un membre d’IMINDAIN, les potos de nos ATARAXIE nationaux.

Preuve de son attachement aux ‘vraies’ valeurs, ce groupe formé il y a quatre ans a déjà suscité le buzz mais à l’ancienne, c’est-à-dire non pas en saturant myspace et facebook de communiqués dès que l’un d’entre eux allaient pisser un coup mais en cultivant une imagerie mystérieuse, en sélectionnant bien leurs (rares) apparitions scéniques et surtout en accouchant de deux enregistrements démos qui ont déjà fait leur petit effet, poussant par exemple le très respectable Anastasis Valtsanis de NUCLEAR WINTER RECORDS mais aussi DEAD CONGREGATION ayant déclaré que c’était l’un des meilleurs groupes de death qu’il n’ait jamais entendu, signant immédiatement le groupe en vue d’un maxi vinyl à paraître d’ici à la fin de l’année. Alors même si j’avoue ne pas avoir écouté leur premier méfait (‘Rotten Flesh Crucifix’), le fait est qu’à part sa durée un chouia un trop courte (et encore, on a droit à un bon quart d’heure quand même), ‘Convocation of Crawling Chaos’ défonce quand même pas mal sa mère. Surtout lorsqu’il joue à fond la carte finlandaise pour être plus précis et lorsqu’il appesantit au maximum le ton et qu’il laisse planer une odeur de pourriture venir chatouiller nos racines, leurs rares accélérations un peu chaotiques (et le son alors irritant de la caisse claire) ayant tendance à les reléguer au rang de xième clone d’INCANTATION. Car c’est bien lorsqu’une guitare lead distille quelques notes de mélodies morbides sur fond de rythmique pachydermique, de mid-tempo et de grosses cavalcades de double grosse caisse, et lorsqu’il évoque alors BOLT THROWER s’éveillant lentement d’un long sommeil au fin fond d’une caverne de l’Antarctique, que l’on frissonne de plaisir. Le tout se conclut d’ailleurs sur une version réenregistrée du seul titre de leur première démo, « Rotten Flesh Crucifix », à la ASPHYX et à la limite du doom (mais un doom méchant, suggérant une fin du monde proche et sans pitié) avec trois nappes de claviers lugubres saupoudrées par dessus. Dans ces moments-là, bien amplifiés par leurs paroles à la fois très occultes et mystérieuses, CRUCIAMENTUM laisse entrevoir un énorme potentiel, venant chatouiller les parties sensibles de NECROS CHRISTOS dans l’art de faire bouillir un chaudron ardent en direct de l’Enfer, voire en le dépassant grâce à son approche plus immédiate et plus viscérale.

Alors je sais que je vous ai déjà bassiné niveau ‘death old-school en direct de votre caveau humide’ (c’est bon, vous avez tous acheté la démo de DISMA ?!), sans parler du fait que ces Anglais nous font aussi le coup du format K7 ultra-limité-de-la-mort-comme-ça-cela-fait-plus-true. Mais s’ils confirment, voire s’ils appuient sur le côté épique et gomment leurs deux/trois éléments plus ‘communs’, le résultat pourrait être juste énorme. Et pour une fois, l’une des phrases visibles sur leur page myspace dans la rubrique ‘sonne comme’ résume bien leur état d’esprit : « a spiked fist of the face of trendy death-metal ». En tous cas, moi, j’accepte d’être reconvoqué sans problème.


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 4/5 | Nb de lectures : 11291