CRUACHAN - Pagan (Karmageddon/PHD/Season of Mist) - 21/06/2004 @ 09h05
Le moins que l’on puisse dire de l’Irlande, c’est qu’elle ne jouit pas d’une grande tradition métallique. Pourtant, aussi loin que je m’en souvienne, les noms de Cruachan et de Primordial ont toujours rôdé quelque part dans un coin de mes listes de VPC favorites, à chaque fois avec une mention pour l’époque exotique du type « la rencontre du black metal et du folklore celte ». Ca doit remonter à 1995, puisque c’est cette annéee là qu’est paru « Thuata na Gael », le premier (très bon) album de la bande à Keith Fay. C’est dire que l’on n’est plus présence de jeunes premiers. Au niveau de l’hommage congénital rendu au riche héritage de leur nation, Cruachan sont un peu le contre-exemple de Primordial: là où ces derniers intègrent très sobrement des pans de culture et de tempérament insulaire dans un metal rocailleux et blessé aux accents résolument pathétiques, Cruachan font pour leur part un usage indissociable de motifs mélodiques au fifre et au violon, plutôt dansants et caractéristiques de ce qu’on peut écouter en boucle dans les pubs irlandais ou dans les festivals de rue du côté du vieux Cork. Je ne vais pas m’étendre sur celle des deux démarches qui me parle le plus – je crois que c’est clair pour tout le monde – mais plutôt insister sur le fait que « Pagan » traine hélas son petit catalogue de lacunes ou de choix embarrassants qui en font un album certes convivial, mais au final très peu marquant.
La plus vaste zone d'ombre - une éclipse - recouvre les vocaux, qui tâtonnent comme s'ils se cherchaient un recoin dans une pièce circulaire. Fay veut s'essayer au chant clair, mais sa performance reste plutôt poussiéreuse, d'autant qu'il ne tient pas toujours les tons recherchés; et puis il pousse quelques râles comme au bon vieux temps, mais pas trop longtemps pour pas que ça ne se voit trop; la chanteuse prend la main quand personne ne le lui demanderait vraiment et son timbre autoritaire masque maladroitement la légèreté des mélodies - si l'idée de Doro fredonannt « Green Sleeves » vous fait vomir, vade retro !
La seconde zone d'ombre - un cumulonimbus - est une limite récurrente des accouplements du metal et de la musique folklorique: en faisant de cette dernière le focus de leurs préoccupations actuelles, Cruachan rétrogradent dangereusement la partie électrique en seconde division. Les riffs perdent presque toutes leurs dents pour se retrouver confinés en palissades planes et économes de cordes, garantes du côté « hard » de la musique - et la méthodologie de Cruachan commencerait presque à ressembler à celle de groupes aussi acclamés que dévitalisés, au hasard Nightwish... A la différence que, ne capitalisant ni sur un arsenal de claviers kitsch, ni sur une voix d'exception, Cruachan ont tendance à « affectionner » les passages à vide de plus en plus étirés. Attention, il n'en faudra guère plus pour ne plus ressembler à rien!
La dernière zone d'ombre - un halo - concerne le batteur qui, en se mettant au diapason de guitares souvent blémissantes, se contente de garantir un rythme convenu et omet d'injecter l'audace qui pourrait relancer l'intérêt dans le nombreux moments creux.
Au-delà, on butte surtout sur un obstacle qui ne pardonne pas pour une musique voulue énergique et festive: le manque manifeste d'envie qui parvient de l'écoute. Peut-être est-il faux de la reporter sur le dos des musiciens eux-mêmes, il n'empêche que le sentiment est bien là et qu'il stagne, à peine contourné par une poignée de refrains malicieux qui font oublier un peu la fadeur engourdie de l'entier - je mets entre parenthèses « Some Say the Devil is Dead », reprise badigeonnée de testostérone d'une chanson paillarde traditionnelle.
Ecouter « Pagan » c’est un peu comme mater un film sympa sur un écran de miniTV noir et blanc avec une réception enneigée : on saisit bien tout de l’histoire et de son pourquoi, mais il lui manque le goût, la proximité, l’élan : en deux mots une injection de contexte qui nous ferait croire au moins cinq minutes que la musique pourrait servir de toile de fond adéquate à une excursion dans les panoramas idylliques desquels Cruachan se réclament. Au-delà de l’incongruité géographique pour le coup très ironique, un groupe comme Thuata de Danann (Brésil !) donne avec son pétillant et fort bien joué « The Delirium Has Just Begun… » un visage largement plus radieux à l’Irlande des mythes et des grands espaces livrés aux éléments.
Du petit folk metal pépère qui flotte dans une réalisation trop snob pour lui… Si l’on me confirme que les albums de Cruachan entre « Thuata na Gael » et « Pagan » sont les coups de pelle successifs du fossé qui les sépare, je me rangerai à la maxime de l’immense Hervé Villard : je ne crois pas que j’y retournerai un jour…

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Rédigé par : Uriel | 10,5/20 | Nb de lectures : 8664




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Commentaire
Prometheus
Invité
Posté le: 22/06/2004 à 12h09 - (9216)
Excellente chronique. Je n ai pas ecouter le CD mais apparemment le groupe continue dans la lignée de Folklore, le precedent album: une musique sympathique mais vite soulante et qui ne transmet pas grand chose. On ets bien loin du premier album, pas mauvais du tout.

mydrin
Invité
Posté le: 22/06/2004 à 21h45 - (9223)
Pas du tout d'accord avec la chronique, on a pas du écouter le même album ;-)

Uriel
Invité
Posté le: 23/06/2004 à 05h24 - (9224)
Oui, certes Mydrin j'ai oublié d'apposer le commentaire "les fans des précédents albums ne seront pas décus bla bla bla...." qu'on retrouve dans 90% des chroniques de groupes arrivés au crépuscule de leur carrière ;-)

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