6 ans, c’est long, très long même pour l’industrie métal. Cela a cependant permis aux membres de la famille Crowbar de se dégourdir les jambes ailleurs (Down, Soilent Green, Kingdom of Sorrow...). Je pensais donc les revoir remontés, créatifs et affamés à l’idée de rejouer ensemble cet hymne au groove du sud des Etats-Unis. Je pensais me faire surprendre par une évolution, fruit des années qui passent. Je pensais que les ex-problèmes d’alcool de Kirk Windstein allaient davantage plomber son timbre déjà poignant de papi résigné. Je pensais me faire rooster la tête par une prod’ éléphantesque. Je pensais beaucoup de choses en fait, qui ne se sont que partiellement vérifiées. "Sever the wicked hand" suit la voie tracée par les précédentes productions du combo de la Nouvelle-Orléans, sans aller défricher d’autres terrains. Crowbar fait du Crowbar, ne change pas d’un iota, mais le fait toujours aussi bien.

Certains groupes reviennent après une longue absence et écrasent tout sur leur passage avec des albums aussi bons voire meilleurs que ceux qui leur avaient permis d’accéder à leur statut (Asphyx ou Celtic Frost me viennent à l’esprit). La bande au barbu ne fait pas partie de cette catégorie. Il est donc bon de prévenir l’auditoire que personne ne sera surpris par ce petit nouveau. La triplette "Broken Glass" / "Odd Fellows Rest" / "Equilibrium" ne sera pas inquiétée et continuera à régner en maître sur leur discographie. La prod’ gentillette et peu rugueuse dérange un poil. Ce que l’on aime chez eux, c’est le coup de massue infligé par chaque riff, que tu recevras grâce au talent de composition et non grâce à l’ingé son. La basse, elle aussi, n’est pas assez ronflante, quasi inexistante. Quant au jeu de savoir qui a la cover la plus laide, une fois de plus, le combo louisianais se place aux avant-postes pour la course finale.

Le nouvel opus des Américains est une machine à riffs (212 riffs selon les syndicats, 107 selon la police). Cette mélancolie, ce mal-être à fleur de peau donne un gros capital sympathie au combo, qui sait comment te parler. Gros riffs et émotion, c’est ce que l’on recherche globalement. T’as presque envie que ces gros matoux viennent te chuchoter ces chansons avant d’aller au lit. Là où les ballades larmoyantes de certains passent pour du racolage, Crowbar maîtrise cet art à la perfection. Plus stoner que sludge, cela respire toujours autant le sud, renforcé par cet accent propre à leur région.

Les mots comme thérapie ? C’est en tout cas sur ce terrain-là que le père Kirk semble se tourner. Les paroles sont tristes et montrent un homme déçu. Apprendre à se relever des échecs semble être la préoccupation du monsieur. Renoncer à l’alcool aussi. Nombreux sont les morceaux avec une thématique religieuse. Ecoute "Let me mourn", un vrai hymne à la gloire de Dieu. Il a tellement dû se mettre la tête avec Anselmo, Bower et Co. qu’il en faudra des prières pour obtenir la rédemption. Dans un sens, combien d’Américains ayant perdus leurs repères souhaitent revenir dans le droit chemin et se tournent alors vers le petit Jésus ? Intéressant donc de lire les paroles pour comprendre l’environnement du groupe. Vous saurez donc pourquoi le premier remerciement du livret s’adresse à : God.

"Sever the wicked hand", que Kirk a lui-même composé, chanté, joué et produit, est personnel et répond totalement au schéma des Sudistes. Cet artiste répand à travers ses compositions un charme que lui seul délivre dans cet univers musical. Le style reconnaissable entre mille te saute aux oreilles. Je n’ai pas vraiment retrouvé les frissons qu’un « Command of Myself », « Planets Collide » ou tant de morceaux avaient pu me procurer par le passé, mais n’aie crainte, cet album homogène va tout de même te posséder.

Après un si long silence, on était en droit d’attendre un peu plus de ce pilier de la scène sludge/stoner. Crowbar ne prend aucun fan à contre-pied, et poursuit le style qu’il a lui-même créé. Même si le groupe ne force pas son talent, et propose un opus qui fait légèrement office de redite, il complète de belle manière leur discographie déjà exemplaire. Un album ‘facile’ de leur part oui, mais quand ça vient des trippes et c’est fait avec classe, c’est putain de jouissif.


Rédigé par : Bras Cassé | 15.5/20 | Nb de lectures : 14046