On a déjà ouï un Cromlech breton sévir brièvement il y a quelques années de cela - titre sur une compilation Metallian à l’appui - mais je doute qu’il s’agisse ici de la même entité. Ce Cromlech-ci a plutôt le profil de la jeunesse inexpérimentée, comme en atteste cette démo 3 titres au parfum de déflorage. En général j’aborde les réalisations de ce type avec au moins autant d’appêtit que les albums de groupes confirmés, car de nombreux exemples m’ont enseigné que bien des satisfactions ingénues jaillissent du vide, des découvertes en aveugle. On peut y objecter qu’il est plus facile de s’enflammer pour un petit groupe auteur d’un CD frais et sympathique, quoique modeste, que pour un groupe d’envergure que l’on maîtrise en long, en large et en travers, et pour lequel on aura tendance à exercer une critique plus sévère point par point, aussi exemplaire soit le produit - cela relève de la plus évidente psychologie, autant d’une part d’indulgence bien compréhensible. Le problème qui se pose avec Cromlech, c’est que les hypothèses ci-dessus sont brouillées du fait que j’ai l’impression d’écouter à la fois du novice et de l’établi. Par quel prodige, me direz-vous ? Elémentaire… « Invoking the Pagan Ages » comporte trois chansons. 1° « Triumphant March » : l’un des riffs clés provient d’un morceau de Dawn (« Falcula », album « Slaughtersun - Crown of the Triarchy »). 2° « Enter the Pantheon » grouille de proches déclinaisons de riffs de Mithotyn (entre autres « King of the Distant Forest », album du même nom). 3° « Dragonblood » : la chevaleresque mélodie d’ouverture peut payer des droits aux ¾ des groupes de metal vaguement médiéval, en particulier Enid qui, à deux détails près, en possèdent la paternité (« Bondage’s Coronation », album « Abschiedsreigen »). Ne me comprenez pas de travers, je sais pertinemment que Cromlech ne s’est pas adonné à du plagiat prémédité, et encore moins je ne souhaite remettre en cause les vertus bien concrètes de cette première démo. Mais au final le constat est le même, à savoir que le rayon de créativité du metal d’obédience païenne un tant soit peu mélodique est étriqué, et qu’il est très difficile de ne pas, à un moment ou à un autre, trébucher sur un air générique déjà joué par un second groupe, qui lui-même le tient d’un tiers camarade, et ainsi de suite jusqu’à remonter au répertoire déjà particulièrement elliptique emprunté aux ménestrels, et banalisé (en plus de ça). A moins de s’appeler Primordial ou Vintersorg (et donc de s’évader à terme de la tourbière avec une individualité), on a beau suer sang et eau pour forger sa propre signature, il est vain d’espérer ne pas flirter plus souvent qu’on le voudrait avec la fâcheuse neutralité du domaine commun. Et c’est ainsi qu’on se retrouve aujourd’hui avec une constellation consanguine de groupes, de Thyrfing à Suidakra en passant par Windir ou Nydvind, qui s’alignent tous sur la même recette, de maigres variations dans la manière de la cuisiner comme seuls agents de spécificité. Cromlech devrait convenir à ceux des fans des groupes ci-dessus qui ont les plus étroites accointances avec le black metal cru à la production spongieuse, à laquelle le leader Luggh nous invite d’ailleurs à ne pas prêter trop attention - pourquoi ? Elle cadre au poil cette production ! Une fois qu’on a remisé ses a prioris au placard et qu’on a pénétré l’écorce de la musique, Cromlech parvient bel et bien à stimuler l’imaginaire à force de bouffées de rébellion hymniques couplées à des démarrages pied au plancher sous le fouet caustique des guitares, même si les caprices quincailliers de la boîte à rythmes sont un boulet à la cheville des parties les plus brutales. Le côté copier-coller dans les enchaînements, souvent indissociable des projets solo, ressort ici avec insistance - l’adjonction intermittente de la deuxième guitare a un rendu très abrupt qui cause de grosses irrégularités de volume, sans parler des coupures nette d’un train de guitares en plein milieu d’une note. Lorsque toutes ces imperfections d’ordre technique (liées au matériel utilisé ?) seront gommées, sans doute aura-t-on loisir de s’attarder un peu plus longuement sur le contrôle assuré du jeu de cordes, dont on perçoit ici et là, à travers quelques solos d’appoint, des signaux de tout à fait encourageants. Et puis saluons la bravoure de Luggh lors de ses essais au chant clair, qu’il nous livre cash sans le moindre filtre ni doublage de vocaux. Ca ne sonne pas franchement juste mais ça en jette rien que pour l’initiative… Enfin, il n’en reste pas moins qu’on aura du mal à voir en ce Cromlech, pour l’instant, davantage qu’un bourgeonnet de plus sur une branche surchargée de feuillages analogues - et je ne parle même pas de la gueule de l’arbre… Pour parachever de manière originale une liste d’emprunts déjà au moins aussi longue que la barbe du prophète, on reconnaîtra à Cromlech la prouesse à ma connaissance unique de faire figurer le logo d’un autre groupe (en l’occurrence Mayhem si le scan est mal passé) sur sa propre pochette…
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Rédigé par : Uriel | 2,5/5 | Nb de lectures : 8404
Ah bin mince ! J'ai écouté ce machin pour la premiere fois ce soir, et j'ai même pas repéré de Dawn ou de Mithotyn, dont je connais bien les morceaux que tu cites pourtant... Je devais pas être super attentif sur le coup. En revanche, le thème principal 2eme morceau par contre est une repompe quasi intégrale du riff de Mother Russia de Maiden.
Sinon, ta chronique correspond parfaitement à ce que j'ai ressenti à l'écoute de cette démo. Rafraichissant, mais pas un poil d'originalité, effectivement n'est pas Primordial qui veut :)
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Rédigé par : Uriel | 2,5/5 | Nb de lectures : 8404