Cheveux longs, mèches de côté, petites lunettes de 1er de la classe, Cough made in Virginia revient avec son second album grâce à leur récent deal avec Relapse records. "Ritual Abuse" est un bloc linéaire de doom aux relents sludge et surtout stoner, reprenant l’héritage des piliers du genre. C’est bien évidemment casse-gueule de vouloir jouer dans la cour des grands, surtout à l’évocation des noms de cette scène. Mais le groupe essaye tant bien que mal lui aussi d’invoquer les forces obscures et de proposer sa version de la musique doom. Ces 5 morceaux épiques m’évoquent-ils pour autant le rituel habituel de noirceur et de nihilisme ? Oui et non, mais ce que les Ricains proposent est réellement intéressant.

J’avoue qu’après les premières écoutes, je criais à l’amateurisme. Cette messe noire de seconde division ne me touchait pas. Nous sommes dans ce style où une technique ras-des-pâquerettes peut être amplement suffisante, ce qui est le cas ici. Chaque instrument passe relativement inaperçu de prime abord, sans lourdeur excessive ni moment particulièrement trippant. En 12min par titre, on ne vagabonde que trop peu. Le chant aigu de puceau m’a aussi tout de suite refroidi. Non, ne t’arrête pas après le passage en voix claire sur "Crooked Spine", ridiculement dérangeant tant le frontman est à côté de la plaque, car tout de même de nombreuses éclaircies et passages plaisants arriveront rapidement par la suite. Voix claire pas toujours très juste donc, voix criarde pas toujours très convaincante, où même les très nombreux ‘Yeah’ sonnent limite faux. Comment peut-on gueuler des louanges à Lucifer avec ce timbre d’adolescent ?
Et puis, comme toujours, un album s’écoute, prend forme, se digère, pour arriver à un jugement plus mûri.

Cough reprend là où Electric Wizard s’est arrêté après "Dopethrone". Il faut en effet se tourner vers les premiers efforts des Anglais pour trouver un comparatif. Malheureusement, ce "Ritual Abuse", même s’il semble avoir cerné toutes les subtilités des classiques du genre, n’a pas encore le charisme ni le génie des Britishs. Galette trop peu appétissante dans un premier temps où les morceaux longs comme le bras ne lassent pas (3 des 5 titres à 12min), mais qui n’apporte rien de neuf. Pour une musique de dévotion au pentagram, l’aspect incantatoire et troublant ne saute aux oreilles. Même si l’on passe plutôt un agréable moment, cela manque de moments forts et on ne sent que trop peu la soi-disant détresse de ses créateurs. Où est le côté plombé et misanthropique ? Je trouve ça lancinant mais quelque peu inoffensif. Cette voix pourra être le point fort ou faible de cet album, selon chacun, tant elle est originale. Perso, je trouve qu’elle gâche un peu le bon boulot réalisé par l’ensemble des musiciens. Et ce son de gratte, légèrement abrasif avec ces riffs étouffés, pose à lui seul ce brin d’ambiance occulte. La guitare est clairement le point fort de ce disque.

Cette nouvelle offrande Relapse records vient tout de même revigorer une année mitigée pour le label de Philadelphie, qui a donc décidé de miser sur ce doom relativement propret. Il a confié les manettes au surbooké Sanford Parker, qui délivre une production trop peu dégueulasse et profonde pour le style pratiqué, mais qui permet de mettre en lumière les judicieux arrangements et la guitare planante et travaillée. Et c’est là où l’album prend tout son sens. Cette gratte soliste est belle, délicate, avec cette fragilité à fleur de peau, et donne une vraie valeur ajoutée à ce CD. Celle-ci, mêlée à ces arrangements et samples propres aux musiques de fumeurs de joints, donne du crédit à la démarche du groupe. Les riffs sont d’une simplicité incroyable mais ils ont du cachet, rien que ça. Ils te plombent le propos, posent l’ambiance et une certaine tension. Cela aurait pu se solder par un album anecdotique, mais la guitare maintient à elle seule le groupe à la surface et sublime les compositions du combo.

Le dernier album de Unearthly Trance est bon sans que je n’éprouve de plaisir à son écoute. Chemin inverse ici puisque je ne trouve pas ce "Ritual Abuse" vraiment extraordinaire, bourré de défauts même, mais ce petit côté addicitif et cette gratte hypnotique me poussent à le remettre encore et encore dans ma platine. Il y a quelque chose de quasi romantique qui m’envoute. Depuis quand le métal serait une science exacte ? Par ailleurs, la cover et le packaging sont fort jolis et appropriés, filant un petit coup de pouce à l’ensemble.

Je n’avais jamais autant modifié une chronique, à revenir sans cesse sur mon jugement et ma note, preuve qu’il y a quelque chose d’intéressant à découvrir. Cet opus, qui ne s’écoute pas encore calfeutré à la bougie, est pourtant captivant et épique. Même si son feeling est plus gris que noir par moments, il a une dimension quasi spirituelle. Sans être complètement réussi, il ne laisse pas indifférent et mérite que les amoureux de doom psyché/stoner y prête attention. Avis aux amateurs…


Rédigé par : Bras Cassé | 15/20 | Nb de lectures : 13952