Pffffffff! C'est la quatrième fois que je reprends mon intro, et je me trouve à chaque fois trop dithyrambe, donc je lâche l'affaire et j'assume, j'espère que vous ne m'en voudrez pas. Je vais d'abord supposer que certains d'entre vous ne connaissent toujours pas Converge (ça existe ?) pour vous récapituler quelques infos sur eux, pour que vous mesuriez l'ampleur du phénomène que constitue ce groupe.

Converge, c'est l'inventivité, la création, l'avant-garde. Ils sont les inventeurs du metalcore chaotique, plus tard appelé aussi mathcore, rien de plus rien de moins. Ils existent depuis 1990, à une époque où le mot 'Hardcore' était toujours accolé au mot 'Punk' et où de rares groupes comme Integrity ou Ringworm tentaient le mariage délicat avec le metal. Converge, c'est la maitrise absolue de toutes les formes d'art: de l'artwork à l'écriture en passant par les compositions en elles-mêmes, tout respire le talent et le perfectionnisme. Converge, c'est aussi l'extrême, que ça soit sur disque ou en concert, leur musique renverse tout sur son passage et leur état d'esprit incroyable entièrement dévoué à la scène et au DIY force le respect. Et justement Converge, c'est l'unanimité, le respect, l'un des très rares groupes autant appréciés et vénérés par le milieu metal que le milieu HC ou punk. Enfin, Converge, c'est Hab In A Haystack, c'est Petitioning The Empty Sky, c'est Jane Doe. Des albums qui ont mis tout le monde d'accord , des bombes successives qui ont ébranlé le monde de la musique extrême, des chefs d'oeuvre aussi différents qu'évidents.
Il y a peu de groupes qui pondent un album majeur, une oeuvre-étalon, dans quelque style que ce soit. Et ils sont souvent frappés par ce que j'appellerais le 'syndrome Slayer', la 'malédiction' qui les condamnent jusqu'à la fin de leur carrière à ce qu'on leur rappelle sans cesse combien ils furent inspirés et géniaux 'avant', sous-entendu 'depuis, c'est fini'. Et de ce point de vue-là, Converge, c'est l'intelligence. Les Bostoniens n'ont jamais essayé de reproduire ce qui les avaient amenés à une telle notoriété, ils nous ont proposé des oeuvres à chaque fois différentes, évolutives, complémentaires. Jacob Bannon et Kurt Balou, les 2 membres fondateurs du groupe, ne nous ont pas proposé UNE oeuvre-étalon, mais toutes leurs oeuvres constituent les éléments d'un puzzle qui LUI fait office de référence et les impose en chefs de file incontestés et incontestables du metalcore.

Bref, cette 'courte' parenthèse dithyrambique pour vous dire (rappeler?) à quel monument du metal et du hardcore je m'attaque avec cette chronique. Ainsi, ce n'est que doux euphémisme de dire que tous les gens appréciant Converge attendaient ce No Heroes avec la plus grande impatience.

Je me rappelle comme il m'avait été difficile de 'rentrer' dans ce groupe, une décennie plus tôt, quand la bombe 'Petitioning The Empty Sky' fut larguée sur nos têtes. 10 ans déjà, putain...Car la musique de Converge se mérite, elle échappe à toute écoute distraite, il faut se plonger dedans. En ressortir vainqueur ou vaincu, mais se plonger dedans. Le terme 'chaotique' du genre dont ils ont quasiment défini l'alpha et l'omega prend effectivement tout son sens avec leurs compositions: ils ne sont pas précurseurs pour rien. Maintenant, 3 albums plus tard, je suis paré, je sais à quoi m'attendre. Et pourtant...
Les premières écoutes de ce No Heroes me permettent d'abord de juger le chemin parcouru par le groupe: tout est différent et pourtant tout sonne tellement Converge. Le son me semble moins travaillé, moins explosif qu'auparavant , beaucoup plus brut et étouffé. On n'est jamais mieux servi que par soi-même: Kurt était derrière les manettes et ça s'entend. La voix de Jacob est toujours aussi abrasive et déjantée: il hurle toujours autant, mais arrive à insuffler plus de nuances dans ses aboiements, encore plus d'intensité. Et ce qu'on avait constaté de façon éparse dans les précédents albums se confirme d'une façon éclatante ici: il sait chanter, et alors de quelle manière! Je vais résumer tout le bien que je pense de son travail avec un seul titre: Grim Heart/Black Rose. Une baffe d'un peu plus de 9 minutes et 35 secondes, où Jacob est certes accompagné par Jonah Jenkins (Only Living Witness et surtout Milgram), mais vous m'en direz des nouvelles. Seulement, son chant serait surement moins impressionnant s'il n'était appuyé par des musiciens hors pair. Et là aussi, on peut mesurer le travail accompli: Nate Newton et Ben Koller nous font totalement oublier leurs prédécesseurs à leurs postes de bassiste et batteur, oui, même Stephen Brodsky (leader de Cave-In). Monsieur Kurt Balou lui, est tout bonnement incroyable, tout simplement, je n'arriverai pas à trouver de mot plus juste: incroyable.
Les écoutes suivantes me permettent de constater à quel point tout ce talent au service de la créativité et de l'inspiration peut donner comme titres aussi variés que géniaux. Il y a l'inquiétant et étonnant 'Weight Of The World' qui s'inscrit dans la lignée 'progressive' de You Fail Me, un titre tout en nuances. On découvre aussi l'incroyable 'Plagues', un titre suffocant, crasseux, un sludge que n'aurait pas renié EyeHateGod. Il y a le tumultueux et pourtant mélodique 'Orphaned', où le talent de tous les zikos explose littéralement (cette batterie !). Puis le très Refused 'Lonewolves', un titre rock qui renvoie tous les groupes en 'The' à leurs gammes. Ah, il y a aussi 'Sacrifice' qui lui ne déparerait pas dans la discographie d'Orchid tellement il est d'inspiration 'screamo'. Les titres restants sont plus traditionnels, si tant est que ce terme s'applique à un tel groupe. Ils sont pourtant tout aussi impressionnants les uns que les autres et constituent une série de crochets et de jabs dont il est difficile de ressortir indemne. Et quand on se prend 13 mandales d'affilée, arrive fatalement l'uppercut qui vous allonge définitivement: 'To The Lions'. Le titre qui nous renvoie 10 ans en arrière et nous laisse avec un goût de nostalgie, quand la bombe Petitioning The Empty Sky avait été largué sur nos têtes...Non, vraiment, j'avais beau m'être préparé, entrainé, conditionné, j'aurais pu, j'aurais du me douter que j'allais encore me faire atomiser.

Alors je pourrais rajouter que Kevin Baker, le leader de The Hope Conspiracy, l'autre génialissime groupe de Boston, vient aider de façon magistrale son pote Jacob sur les choeurs de 'No Heroes', 'Hellbound' et 'Trophy Scars'. Je pourrais dire aussi que les textes sont encore plus sombres et désespérés que jamais, mais toujours incroyablement intenses. Ou que l'artwork signé Jacob est peut-être moins abouti et joli que celui de Jane Doe, mais bien plus que celui de You Fail Me...Oui, je pourrais continuer des heures à vous dire à quel point ce disque est grand. Mais je vais me contenter d'être bref et concis, pour une fois: No Heroes est et sera le disque de l'année 2006 pour moi et pour beaucoup. Period.


Rédigé par : Candiria-Thon | 19/20 | Nb de lectures : 17152