Ceux qui hurlent que le black métal n'est pas un produit de consommation doivent rire jaune devant Chthonic, groupe officiellement estampillé "Made in Taïwan". Chthonic est une formation de black mélodique de Taipei à la discographie impressionnante et à la réputation assez énorme dans leur pays après dix ans de sévices. Chez eux, ils sont connus sous le nom de Shan-Ling. C'est d'ailleurs le brin pour trouver des informations fiables et lisibles à exploiter, à moins de pratiquer couramment le chinois. Cela explique peut-être que les asiatiques n'avaient pas eu les honneurs d'une distribution internationale, bénéficiant uniquement d'une promotion dans les contrées orientales où ils sont cantonnés (désolé). A moins que vous ne soyez tombés dessus au hasard du net.

Jusqu'à ce que sortent des rééditions des albums spécifiquement pour les marchés européen et américain. "Seediq Bale" datant de 2005 a eu les honneurs d'un pressage en octobre 2006 chez DownPort Music/RED. Et grâce à un contrat avec SPV Records, "Relentless Recurrence" datant de 2002 et le live "A Decade on the Throne" de 2006 ont été réédités fin juin et sont désormais distribués mondialement. Ces deux sorties sont identiques aux versions taïwanaises d'origine (et ça n'aide pas beaucoup pour lire le livret même si les idéogrammes sont très décoratifs). Précisons que SPV Records va également rééditer une compilation à l'automne, qui comportera des réenregistrements de morceaux. Le live faisant l'objet d'une chronique à part sur VS, nous nous intéresserons ici uniquement à la réédition de "Relentless Recurrence".

Le groupe fait actuellement pas mal parler de lui, par sa présence sur des planches connues : Wacken 2007, Ozzfest, puis tournée américaine. Ca enchaîne bien et les occidentaux vont bouffer du Chthonic. Mais revenons à notre album. Et ce qui frappe d'entrée de jeu dans cette réédition, c'est l'artwork. C'est du très haut de gamme. Le digipack ne contient pas de livret mais une pochette avec des photos où sont écrits les textes au verso. L'ensemble du travail graphique est magnifique, tout simplement, même s'il est un peu frustrant de n'y rien comprendre. Il est temps d'insérer respectueusement la galette dans le lecteur.

Une particularité de Chthonic est l'utilisation par le chanteur d'un violon oriental à deux cordes. Si vous ne visualisez pas la bête, rappelez-vous le doux son plaintif qui accompagne les mélopées des films chinois. L'instrument est présent dans de nombreuses BO asiatiques, dont les films à grand spectacle comme "Tigre et Dragon" ou bien "Le Dernier Empereur de Chine". Chthonic exploite avec justesse les sonorités particulières de cet instrument, et cela apporte beaucoup à l'ambiance du groupe. Et c'est à peu près tout ce qu'il y a de sympa.

Pour le reste, et je vais faire hurler les fans dans ce paragraphe, nous sommes dans le très commun d'un groupe de black avec synthé bien commercial. Synthé qui est d'ailleurs extrêmement envahissant dans le répertoire du groupe, sans jamais proposer de parties vraiment intéressantes. L'influence de Cradle est prépondérante dans la musique des Taïwanais, notamment dans les vocalises de Freddy et certains passages de guitare souvent en limite de repompage direct. Mais ce n'est pas la période dorée de Cradle qui est concernée, mais plutôt la suite plus poussive de leur pétillante carrière. Hormis cet emprunt volontaire, le groupe officie dans un métal assez lourdaud et maladroit. Chthonic pond des titres ampoulés qui seront des hymnes accrocheurs pour des ados rebelles intéressés par le black tendance gothique.

La production de "Relentless Recurrence" est de bon niveau, modulo un synthé bien trop en avant par rapport aux guitares. Le batteur est très juste sur certains passages, notamment des blasts, mais ça passe encore. Sinon, le chant clair de la bassiste Doris est faux. Je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'un problème de référence musicale, puisque les choristes du DVD live chantent juste à mon goût. D'ailleurs la bassiste semble la véritable star du groupe, jolie asiatique qui fait plus parler d'elle par ses jambes que son jeu… disons aéré.

Chthonic se veut très vendeur, concoctant des tubes mélodiques où l'aspect black métal est limité à la portion congrue et principalement un visuel. L'esprit du genre est même totalement absent derrière les maquillages. Vu le merchandising très étoffé (il y a même des poupées à l'effigie du groupe), des moyens financiers sont mis en place derrière nos taïwanais. C'est leur choix, après tout. Mais vous aurez compris que musicalement, c'est très grand public. En résumé, Chthonic concerne donc une large portion d'une audience jeune qui veut s'encanailler et quelques amateurs de mélodies sirupeuses. Si vous cherchez du black asiatique, je vous conseille plutôt Sigh ou Magane.


Rédigé par : Prince de Lu | Réédition/ | Nb de lectures : 10820