Dans l’underground, il y a toujours des noms « qui disent quelque chose » alors qu’en fait, on ne connaît pas du tout les groupes susnommés ou presque. CHRIST AGONY, j’ai déjà dû croiser ce nom plusieurs fois, mais je ne m’étais jamais penché dessus. Le nom dira peut-être quelque chose aux vieux de la vieille, le deuxième album de ce trio polonais (Daemonseeth - Act II, 1994) étant sorti chez Adipocère. « Ah ouais, je me souviens de l’époque du catalogue Adipocère, ils étaient classés "Melodic Mystic Dark Black Doom". Ah Adipo c’était la bonne époque, maintenant tout est aseptisé et les jeunes consomment de la musique jetable sur le net, et… ». Enfin bref. CHRIST AGONY a eu une longue carrière et après avoir fêté ses 20 ans avec une compilation regroupant leurs 3 premiers albums (UnholyDaeMoon), voilà que débarque leur 8ème album Nocturn. Etant donné que ce nom vous dit peut-être quelque chose, ou pas, ou un petit peu, je vais être professionnel et vous faire un historique…

Formé en 1990, CHRIST AGONY est un OVNI de la scène polonaise. Déjà, le groupe aura eu du mal à se trouver une place au sein des labels (ils seront passés par : Baron, Adipocère (donc), Cacophonous, Morbid Noizz, Hammerheart, Pagan, Metal Mind, Razor, Faithless puis Mystic, et jamais plus d’une sortie à la fois à la même enseigne hors rééditions), ainsi qu’un line-up stable. Autour du guitariste/chanteur et tête pensante du projet depuis le début, Cezar, se seront succédé des membres divers et variés de combos polonais comme (liste non exhaustive) ABUSED MAJESTY, ABUSIVENESS, CRIONICS, DEIVOS, DEVILISH IMPRESSIONS, DIES IRAE, MOON, SUPREME LORD, WITCHMASTER… en tout 10 (!) batteurs auront participé au projet ainsi que 5 bassistes, avec quelques stars au générique comme Mauser (VADER) et Inferno (BEHEMOTH, AZARATH) qui mitraille d’ailleurs les fûts sur la cuvée 2011, Nocturn.

Musicalement, le groupe pratiquera au fil des années un style bien à lui, une sorte de Dark/Black/Death tantôt mélodique, parfois nettement atmosphérique, souvent très expérimental mais toujours mid-tempo et pas foncièrement génial ni vraiment révolutionnaire. Une sorte de ROOT version polonaise sans le côté théâtral et les références à Satan de partout. Le groupe opta pour des morceaux assez longs à ses débuts (Unholyunion (1993) comptait 4 plages pour 52 minutes), avant de passer à des formats plus courts mais pas plus abordables pour autant. Darkside (1997) s’apparentait à leur sommet d’expérimentations doublé d’un pétage de plombs artistique, avec ses élucubrations bizarroïdes ponctuées de percussions tribales et de beats électro qui annonçaient Illud Divinum Insanus avant l’heure (ce qui rend donc l’œuvre de MORBID encore plus ringarde qu’elle ne l’était déjà). Le tout a toujours été accompagné de la voix poussive de Cezar, qui n’hésita jamais à partir dans les litanies en vocaux clairs à la qualité discutable. Musicalement, on naviguait entre des passages plus que corrects et d’autres franchement mauvais, et l’apparat du groupe oscillait entre des trucs intéressants et d’autres frisant le ridicule (voire le dépassant allègrement). Avec Elysium (1999), le groupe semblait avoir trouvé son équilibre et devenait plutôt séduisant même si les Polonais avaient dû pour cela rendre leur son plus « Heavy ». Mais à force de voir leurs camarades polonais commencer à percer avec du gros death qui tache, CHRIST AGONY a été tenter d’évoluer. Le groupe a alors tout plaqué pour opter pour le nom UNION, qui sortira un unique album (nommé… Christ Agony) un poil plus death mais toujours avec leur patte perso (mais malheureusement sans grande réussite), avant de reprendre leur patronyme d’origine. Après un Condemnation (2008) dans la lignée de ce projet éphémère, nous voici en 2011 pour la nouvelle offrande de l’agonie du Christ…

Le premier constat avec Nocturn, c’est que le groupe s’est enfin permis une prod digne de ce nom, plus « polonaise », bon c’est pas du Hertz non plus mais ça tient agréablement la route. C’est déjà ça de pris. Pour le reste, pas grand-chose n’a changé. CHRIST AGONY œuvre toujours dans un Black/Death mid-tempo parsemé de montées mélodiques et d’ambiances savamment orchestrées. Le chant de Cezar est toujours aussi limite, bien qu’un peu plus maîtrisé et agressif que sur les albums précédents. Et autre point positif, les accès en voix claire semblent avoir disparu du paysage, reste plus que quelques backings et murmures ici et là renforçant l’atmosphère mystique. Le groupe s’offre un début d’album plutôt intéressant, avec une intro superbe suivie d’un "Reign of Chaos" très percutant, avec des riffs bien sombres et écrasants évoquant le CELTIC FROST période Monotheist (d’ailleurs on pourrait presque apparenter dans la démarche Darkside et Into The Pandemonium). Cette impression est confirmée avec le plus lancinant "Frozen Path Unholy Fire" qui peut faire penser à du TRIPTYKON par moments, ou encore le plus martial "Flames of Several Suns". Mais CHRIST AGONY retombe très vite dans ses travers avec des morceaux peu variés et ennuyeux. "Silent Gods of Darkness", par exemple, paraît interminable alors qu’elle n’allonge que 5 minutes trente. Reste quelques passages remarquables, comme les breaks sombres de "The Stigma of Hell", le final épique de "Black Star Falling", les riffs bien pesants à droite et à gauche… Au final il n’y a pas grand-chose de croustillant au sein de Nocturn. Le groupe montre à nouveau 2-3 choses intéressantes, mais n’arrive pas à être au niveau pour maintenir la tension sur un album complet.

Si vous avez aimé Condemnation (ou plutôt, si vous l’avez découvert par hasard et que encore plus par hasard, vous en aviez gardé un bon souvenir), Nocturn pourrait vous brancher, étant dans la stricte lignée de l’opus précédent avec plus d’accès de riffs bien sombres. C’est à peu près tout. CHRIST AGONY n’est vraiment pas un groupe révolutionnaire, bien qu’en essayant de rentrer dans le rang « polonais » il parvienne à conserver son originalité. Reste 2-3 morceaux pas trop mal, une bonne prod et un album pas catastrophique, délivré pas un groupe à fond dans son trip pas très abordable ni gégé. Dans le genre « Death polonais ambiancé », je vous conseille plutôt le dernier album de NOMAD, d’ailleurs comparable à ce Nocturn sous plusieurs aspects.


Rédigé par : ZeSnake | 12.5/20 | Nb de lectures : 12698