Il y a des moments dans la vie où l'on se sent privilégié, pour des raisons plus ou moins valables. A l'heure où je pianote cette kro sur mon clavier, c'est l'impression que j'ai en écoutant le quatrième album de Chimaira. En effet, j'avais littéralement adoré leur précédent opus éponyme et j'attendais ce "Resurrection" avec une impatience non dissimulée. Du côté des nouveautés, Kevin Talley a laissé sa place derrière les fûts au profit de Andols Herrick (premier batteur du groupe) et le groupe a quitté Roadrunner pour établir ses quartiers chez Nuclear Blast. Et en ce qui concerne la musique ? Eh bien, chers lecteurs, je suis heureux de vous annoncer que ce "Resurrection" est dans la lignée directe de "Chimaira", à savoir un métal thrashisant lourd, complexe aux compositions longues et recherchées.
Partons donc, si vous le voulez bien, à l'assault de la bête. Néanmoins, il est dur d'en cerner toutes les facettes tant ce disque s'avère riche, intense, brutal mais mélodique à la fois et complexe.

Complexe... Le terme est lâché et toutes les compositions tournent autour de cette notion. Rares sont les titres qui passent sous la barre des 4 minutes ("Six" dure à lui seul presque 10 minutes) et tous possèdent une structure développée et recherchée. Là où le plan intro/couplet/refrain/couplet/refrain/pont/fin aurait pu être utilisé, Chimaira ne souhaite pas tomber dans la facilité comme en atteste le fabuleux titre "Six". Une fois n'est pas coutume, je vais vous décrire ce titre qui justifie presque à lui seul l'achat du disque.
"Six" démarre sur une intro sombre et malsaine avec des samples de cris, une guitare acoustique et la voix presque intimidante de Mark Hunter. La mélodie commence à peine à pénétrer notre esprit que la rythmique s'emballe pour offrir à l'auditeur un couplet thrash avant de ralentir pour atteindre le refrain. Entre temps, le rythme aura changé 3 fois de vitesse. Puis vient le pont instrumental et le temps fort de l'album. Deux minutes pendant lesquelles, guitares acoustiques, soli, double grosse caisse, nappes de claviers et breaks incessants s'alternent et accompagnent l'auditeur dans un autre monde. Il s'agit de loin du point fort de l'album et la longueur qui peut paraître excessive ne fait que justifer sa mise en place, lente mais indispensable au bon déroulement de ce morceau. Sublime tout simplement.
L'album se suit dans la continuité. Là où des groupes composent des chansons qui se succèdent, Chimaira a préféré que chaque fin de titre démarre le prochain. Il n'est en effet pas rare de voir l'instrumentation finale du morceau A débuter celle du morceau B (la doublette "Six" - "No Reason To Live" en est le parfait exemple). Ce qui ne peut paraître qu'un détail a son petit effet, rendant le CD homogène, sans temps mort.

Le jeu de batterie m'avait toujours marqué lors du précédent opus, alternant les vitesses et les registres musicaux, piochant à la fois dans le thrash, le death ou le heavy. Il faut dire que le précédent tappeur (Kevin Talley) était derrière les futs de Dying Fetus avant d'intégrer la chimère, ceci expliquant cela. Si reprendre le flambeau d'un batteur de brutal death peut s'avérer un défi, on constate que Andols Herrick a su le relever sans rougir. En l'espace des premières 40 secondes du premier titre éponyme, pratiquement tout le registre de batterie de l'album y passe : blast, mid tempo, rythme rapide, double grosse caisse.
L'instrumentation est également redoutable d'efficacité et de savoir-faire. On peut la situer à deux niveaux. Tout d'abord, les riffs métalliques : ceux-ci sont parfaitement orchestrés, louchent sans aucun doute possible vers le thrash de par ces rythmiques endiablées et agressives. Le seul reproche que je ferais réside dans le fait que les ptits gars de Cleveland abusent un peu trop des riffs joués sur une corde à vide (vous savez les tadadadada typique du metalcore) un peu comme Dagoba par exemple.
Mais Chimaira, c'est surtout des mélodies et des effets capables d'occulter le défaut cité précédemment. Chacune des chansons possède son ambiance, sa personnalité, son charme. Le regroupement de ces titres forme l'entité "Resurrection", véritable rouleau compresseur capable de séduire n'importe quel metalleux. "Killing The Beast" est de loin le titre le plus malsain de la galette, "Resurrection" et "Worthless" participent à la rage du combo. "The Flame" obscurcit encore plus le côté sombre de l'album en incorporant des samples de cris et "Six" laisse transparaître le talent des musiciens.

Chimira excelle également pour donner à "Resurrection" une ambiance malsaine, sombre presque oppressante. On le constate notamment lors des intros. Si "Six" l'est, il n'en est rien face à "Killing The Beast". Voix malsaine, samples discrets mais omniprésents, rythmique lourde, guitares mises en second plan, effets divers et variés... Tels sont les ingrédients pour mettre mal à l'aise l'auditeur.
La production n'est pas vraiment différente de celle du précédent disque. Elle est certes plus aboutie et massive mais conserve ce côté sombre. Le groupe voulait que "Resurrection" soit la continuité même de "Chimaira" et le son général ne fait que confirmer leurs propos.

Si "Chimaira" a posé les bases du renouveau du groupe, "Resurrection" en a défini la silhouette. Je pense pouvoir affirmer (même s'il est encore un peu tôt pour en être sûr à 100%) que ce disque figurera parmi les plus importantes sorties de 2007, d'où la note. Je ne pense pas que le groupe l'ait volée...


Rédigé par : Vision Of Beuh | 17/20 | Nb de lectures : 18377