Un éclair spectaculaire qui illumine le ciel d'un Z menaçant. Une pluie de grêlons fendant un épais brouillard poisseux. Une peur indicible, difficile à contenir, mais pourtant bien réelle. Voilà les quelques même scènes qui ne cessent de me revenir en pleine trogne à chaque écoute de ce "Dageraad" haut sans couleur. Comment ces quatre flamands s'y prennent-ils pour distiller ces paysages sonores brumeux, inquiétants et rageurs tout en dégageant en toile de fond une véritable mélancolie, une sensibilité à fleur de peau ?

A moins que...

Belges. Tout comme les parrains/patrons d'AMENRA. Voilà qui pourrait permettre d'y voir plus clair dans ce sombre tableau. Mais pas que. Comme il serait si simple de les ranger soigneusement dans une étagère Expedit, aux côtés d'un CULT OF LUNA première époque, d'un YEAR OF NO LIGHT cuvée "Aussenwelt" ou toute autre joyeuserie contrariée digne de ce nom. Oui mais non. Au delà de cette filiation paternelle difficilement reniable, notre quatuor de flammes va plus loin et fait voler en éclats ce cadre fragile pour enfanter un véritable monstre. De chair et d'os, de racines et de lichens, de compost et d'humus : une plongée dans l'obscurité infinie d'une forêt froide et hostile qui se matérialise sur "Daknam" par quelques sons diffus et lointains, bientôt rejoints par des élans électriques de mauvaise augure. "Daknam", ce nom porté en référence à la forêt humide qui surplombe ce petit village perdu quelque part dans les Flandres. C'est d'ailleurs au coeur de celle-ci, dans un studio champêtre et diabolique que l'ingé-son Toby Vandenbempt a façonné le son de la bête. Et quel son ! Massif, organique, profond...vivant. Tout comme ce vocaliste qui hurle un profond désespoir sur "Waeslandwolf", accompagné dans ses envolées gutturales par une section rythmique habile dans tous les registres, du sludge bien poisseux aux plans atmophériques introspectifs et chiadés.

Post-metal ? Drone ? Peut-être. Monolithique ? Pour sûr. Voire minimaliste comme sur ce "Het Dodenhuis" qui tombe comme un bloc de béton sur nos pauvres esgourdes déjà endolories par deux morceaux meurtriers. Les riffs sont puissants, acérés, la batterie se révèle teigneuse. Mais pas de panique, "Zielsondergang" calme le jeu et ralentit le tempo, avec ses ambiances en apparence presque paisibles comparées aux précédentes déflagrations mais c'est pour mieux nous assommer dès que les vocalises viennent reprendre leurs droits. Un morceau subtil et maîtrisé, tout en nuances. Tout comme le final "Dageraad", cinquième et dernier assaut, véritable tour de force de plus de 16 minutes qui réclame tripes, coeur et entrailles pour nourrir le feu divin allumé en l'honneur de l'ogre Baal. Affûtez couteaux de silex et réjouissez-vous : la fin est proche. A moins qu'il ne soit déjà trop tard.
Qui sait ?

Pour un premier effort, "Dageraad" est donc surprenant par la maturité qu'il dégage. Le disque est parfaitement équilibré, naviguant avec malice entre atmosphères tour à tour ténébreuses et éclairées qui s'installent progressivement et embardées sauvages où les grattes hurlent leur détresse à qui veut bien l'entendre. Aux cotés du superbe "Hemeltraan" sorti par ses compatriotes de KINGDOM il y a quelques années maintenant, CHARNIA et son "Dageraad" posent fièrement sur la photo de famille, marchant avec une certaine assurance sur le chemin tortueux tracé il y a plus d'une décennie par AMENRA. Lovely. Tout simplement.




Rédigé par : TarGhost | 16/20 | Nb de lectures : 8664