"La drogue, c’est mal.". Certes.
"Sauf si c’est employé à bon escient", me permettrais-je d’ajouter. A bon escient ? Oui, comme, par exemple, pour monter un groupe de Grind/Core/Death/Funk, et sortir des albums de tarés, qui associent pure folie musicale et aspect bénéfique de la weed, à la fois en terme de violence et d’idées, à la fois cohérent et déjanté. Si les responsables du Carnage Céphalique sont connus pour être fans de substances biologiques naturelles non commercialisées en grande surface, cela ne les empêche pas pour autant de jouir d’un statut de groupe incontournable sur la scène

'Anomalies', 4ème opus du groupe, représentait l’apogée musical de la schizophrénie déjantée du groupe, allant jusqu’à convaincre les plus puritains des effets bénéfiques de l’herbe. 'Xenosapien', bien qu’excellent, amorçait déjà une forme d’évolution musicale se traduisant par une certaine harmonie artistique, même si les prestations scéniques demeuraient toujours aussi jouissives. Avec 'Misled By Certainty', il semblerait que le combo ait diminué sa consommation de substances illicites, car l’aspect déjanté a franchement régressé...
La tendance est clairement annoncée : fini la weed et les titres enfumés, Cephalic Carnage a terminé sa cure de désintoxication... Et musicalement, l’impact est flagrant, puisqu’une réelle cohésion est désormais présente. Par cohésion, je fais allusion à des morceaux mieux structurés, et moins barrés.

Car oui, autant dire les choses telles qu’elles le sont : en comparaison, 'Xenosapien' vous paraitra terriblement déjanté et violent. Pourtant, ce n’est pas la brutalité pure qui manque. Mais, comme sur le précédent, le groupe a reconduit ses alternances marquées de rythmes, en accentuant encore plus le découpage entre titres construits et défoulement auditif. Par défoulement auditif, je veux parler de ces titres incisifs, déstructurés, purement Grind/Weed et percutants. Ils sont au nombre de 6 ici, ce qui est bien, mais pas top. Car la cohésion, la construction, la logique, gagnent un peu plus de terrain par rapport au pur défoulement jouissif. A mon grand regret.

Toutefois, tout n’est pas abject, bien au contraire. Une fois abstraction faite du passé (ce qui, avouons-le, n’est pas chose aisée quand on parle d’"Anomalies" ou de "Conforming To Abnormality"), 'Misled By Certainty' nous dévoile ses ‘charmes’, articulés autour d’une maîtrise technique toujours aussi présente mais moins hystérique. La majeure partie des titres est axée autour de mid-tempos ou de rythmes sautillants. Et si les injections de passages déstructurés, anarchiques ou déjantés sont encore présentes, elles semblent plus canalisées, plus réfléchies, et moins directe. Dans l’absolu, ce n’est pas rédhibitoire. Mais l’impression générale demeure dubitative, ces agencements semblent trop calculés, trop prévisible et pas assez inspirés.
Les riffs sont globalement moins simplistes, plus mélodiques ou étirés, presque typés "Stoner/HxC", pour résumer grossièrement. Certains morceaux sont toujours percutants, alliage subtile mais efficace de cassures rythmiques, de riffs évoluant entre leads déjantés et inspiration mélodico-technique, le tout supporté par les hurlements reconnaissables de Lenzig. A l’image des très bons 'When I Arrive' ou 'Dimensional Modulation Transmography', qui sont la fois structurés et déstructurés, l’alternance entre violence et adoucissement est plaisante, mais n’éclipse malheureusement pas les traces du passé du groupe, reliques de la gloire d’antan.

Car l’illusion ne dure malheureusement jamais bien longtemps, et les quelques titres purement Grind ne font finalement qu’accentuer la rupture avec le reste de l’album, témoignage d’un manque d’inspiration flagrant. Entre ‘Cordyceps Humanis’ qui se veut doomy, et qui s’avère être juste chiant, ou ‘Repangaea’ qui essaye vainement de se la jouer ‘Stoner/Metal/Prog’ étiré, sans succès ni charme, on ne peut s’empêcher de conserver la fumée du pétard en travers de la gorge.
Le côté impulsif et instantané qui faisait le charme du groupe auparavant, a quasiment disparu aujourd’hui.
"Dommage", dirons certains. "Tant mieux", répondrons d’autres. Et ce sont ces derniers qui prendront du plaisir avec 'Misled By Certainty', sans aucun doute.
Il faut croire que le groupe cible désormais un autre public, tout simplement. Moins Grind, plus « Metal » au sens large. Moins déjanté, plus calculé.

Si la proportion d’exubérance musicale a franchement été revue à la baisse, ce 6ème album est en contrepartie l’occasion de célébrer la fête du split, via une palette d’invités non négligeable. Plusieurs personnes se joignent en effet à Lenzig pour venir pousser la gueulante, à l’image de Ross Dolan (Immolation), Bruce Lamont (Yakuza), Travis Ryan (Cattle Decapitation) ou Alex Camargo (Krisiun), pour ne citer qu’eux. Plaisant, mais ces ‘guests appearance’ ne suffiront pas à ôter de nos esprits ce sentiment dubitatif et mitigé, symbole d’une gloire révolue.

Au rayon des points positifs, outre un artwork sympa et une prod puissante, il faut bien admettre que la recherche musicale n’est pas totalement en berne. Mais comparativement avec les anciens albums, le gouffre se creuse un peu plus. L’expérience et la maturité aidant, le quintet a ralenti le rythme et remisé sa folie impulsive. Mais objectivement, il manque une composante essentielle ici : l’inspiration. Et il y a de fortes chances pour que, comme moi, vous ressentiez un goût de déception inévitable, mélange de nostalgie et d’amertume.
Les plus optimistes y verront une forme de schizophrénie mieux canalisée. Les plus réalistes se diront simplement qu’une page se tourne. Il faut peut-être se rendre à l’évidence : La Marie-Jeanne se fait vieille, et n’est plus aussi stimulante que par le passé...


Rédigé par : ..::Ju::.. | 11,5/20 | Nb de lectures : 14862