Ce nom vaguement familier pour les plus jeunes d’entre vous ne suscitera probablement pas la même nostalgie chez les plus anciens. Et pour cause, cela faisait déjà seize ans que CELTIC FROST ne nous avait pas proposé de nouvelles compositions. 1990: alors que poupées et playmobils étaient le centre d’intérêt du plus grand nombre de nos lecteurs, CELTIC FROST tirait un trait sur sa carrière.

Et pourtant, s’il est un groupe qui a définitivement marqué son époque c’est bien celui-là. Né des cendres d’HELLHAMMER, Tom G. Warrior, Martin Ain ont transfiguré le métal extrême en l’espace de quelques disques repoussant les limites à chaque enregistrement. Plus obscur que les plus sombres, plus novateur que les plus avant-gardistes, plus téméraire que les plus audacieux, plus inquiétant que les plus sinistres, CELTIC FROST a ouvert la voie dans bien des domaines qui seraient sans doute demeurés inexplorés sans l’intervention du groupe helvète. Précurseur dans le black métal comme dans le métal gothique, qui alors ne nécessitait pas systématiquement la présence d’une vache sacrée aux vocalises, CELTIC FROST est le groupe de tous les superlatifs jusqu’à ce qu’il ne se saborde lui-même en 1990 par un disque « Vanity/Nemesis » qui plongea ses admirateurs dans l’incompréhension la plus totale. Il est d’ailleurs amusant de constater que dans la bio du groupe, les deux derniers albums en date n’apparaissent que sur le plan discographique. Un peu comme si le groupe voulait oublier ces écarts en arrêtant ses références au grandiose « Into the Pandemonium ».

Aucun risque de voir un mythe se ternir avec le retour annoncé d’une légende qui avait mis un terme à sa carrière par un album rejeté du plus grand nombre. Cependant l’annonce d’un hypothétique album de CELTIC FROST avait de quoi attiser la curiosité.

Et le voilà donc ce « Monotheist » après seize années de silence et plus de trois années de travail intensif, CELTIC FROST reprend les rênes de son destin avec un nouveau disque qui en impose. Le groupe prend de nouveau des risques avec une œuvre fleuve dépassant les 68 minutes dispensées sur onze titres.
Fidèle à une ligne de conduite qui voulait que chacun de ses disques soit différent du précédent, « Monotheist » n’opère pas de retour aux sources des « Morbid Tales » ou « Emperor’s return » ni aux expériences baroques d’ « Into the Pandemonium ». Toutefois, « Monotheist » s’inscrit dans la logique musicale du groupe.

Si les rythmiques ronflantes et les riffs majestueux qui avaient toujours caractérisé le style inimitable de CELTIC FROST sont toujours de la partie, le trio suisse a choisi de s’orienter ici vers un genre de dark métal aux tempos lourds inhérents au doom. Loin de chercher à recoller au mythe des jours anciens, CELTIC FROST poursuit son voyage avec un disque à l’ambiance pesante lorgnant parfois sur le rock gothique des années 80. Ainsi, la voix de Fisher soulignée par un chant féminin à la pureté sibylline d’« Obscured » laisse pointer un petit côté SISTERS OF MERCY loin d’être désagréable qui contraste à la perfection avec l’impérieux « Domain of decay » qui suit.

Tom G. Warrior, étant devenu Tom Gabriel Fischer, ne nous prodigue plus ses célèbres « Hough » mais son chant donne toute sa dimension sur « Monotheist ». Des psaumes impies de « A Dying god coming into human flesh » aux textes volontairement dédaigneux de « Drown in ashes » en passant par les nombreux passages hargneux qui ponctuent une grande partie du disque, le charismatique chanteur guitariste n’a rien perdu de sa superbe.

Comme c’était souvent le cas jadis, CELTIC FROST mise tout sur une musique minimaliste presque hypnotique et des ambiances magistralement, minutieusement élaborées qui trouvent leur point culminant sur les 14 minutes de « Synagoga Satanae » et l’enchaînement presque lyrique de « Winter (Requiem, Chapter Three) ».

La seule faute de goût réside probablement dans « Totengott » un titre expérimental aux voix distordues, où CELTIC FROST s’auto-parodie et se prenant à nouveau pour HELLHAMMER, digne d’un mauvais groupe de black métal.

Enfin, difficile de terminer cette chronique sans évoquer le son énorme co-produit par Peter Tägtgren et le groupe lui-même qui donne une approche très contemporaine tout en laissant au groupe ses sonorités caractéristiques notamment au niveau des guitares.

Le nombre grandissant de groupes atmosphériques ou dark métal ne permettra pas à CELTIC FROST de se distinguer au milieu d’une scène métallique qui n’a pas attendu le retour des Suisses pour atteindre de nouvelles dimensions. Il est fort à parier que les vieux fans ne seront pas forcément convaincus par ces retrouvailles avec le mythe. Tout au plus, « Monotheist » permet à CELTIC FROST de redorer son blason, de remonter quelques marches vers son piédestal et de prendre contact avec un public jeune qui ignore peut être encore que « Circle of the Tyrants » n’est pas un morceau d’OBITUARY mais de CELTIC FROST.


Rédigé par : Tonton | 15/20 | Nb de lectures : 17609