Des usurpateurs. Des putains d'usurpateurs. Comment les quatre Lyonnais de Celeste ont-ils pu prendre un patronyme aussi trompeur? Ha les fourbes, images mentales et compagnie, on croit qu'on va tomber sur un truc post-rock éthéré à la Sigur Ros, et on se retrouve avec un véritable bloc monolithique de noirceur, en train de compter nos dents au sol. Vous imaginez, vous rentrez de chez votre disquaire avec sous le coude un jeune groupe inconnu au bataillon du nom d'Anal Vasectomy (cherchez pas, je viens d'inventer, quoique, ça doit bien exister...) et découvrir avec stupeur qu'il s'agit de chants de marins? Vous comprenez ma torpeur?

Mais en même temps, je raconte un peu des balivernes, car je savais déja plus ou moins à quoi m'attendre en téléchargeant ce disque. Oui, vous avez bien lu, téléchargeant. Car ce disque n'existe qu'en version digitale pour l'instant, et est mis à disposition par le groupe sur le site de son label, Denovali Records. La raison est simple et logique: le groupe recueille actuellement des pré-commandes pour payer le pressage du disque. Et il estime, à très juste titre, que l'on n'a pas à passer de pré-commande pour un disque que l'on n'a pas écouté. Honnête, et classe. Encore plus classe, la pochette de "Nihiliste(s)", du moins dans sa version LP, la plus belle que j'aie vue depuis une paye. Tout simplement magnifique.

En attendant, il faut avouer que j'ai le nez dans la merde. 'Font vraiment chier les Celeste. Car la moindre des choses pour un chroniqueur, c'est de savoir apposer une étiquette sur le front d'un groupe. Et ici, l'infâme scribouillard que je suis est tout décontenancé, perdu, déboussolé. Parce que les gaziers ont pris le soin de brouiller les pistes, de dissoudre les codes de leur bile. Screamo? Non. La présence de l'ex-hurleur de Mihai Edrisch ne suffit pas. Hardcore chaotique? Non plus. Trop pesant, trop massif, pas assez incisif. Post hardcore? Pas vraiment. Lourd mais pas assez profond, trop compact, trop dissonant.

Si vous devez retenir un mot de cette chronique, retenez dérangeant. C'est le sentiment qui se traîne d'un bout à l'autre du disque. La faute à ces guitares nauséeuses, au son plus typé metal que trucs-en-core. L'impression d'être face à une masse sonore informe, inquiétante, malléable, flottante, très dense. A ce niveau-là, les parallèles qui ont été faits avec Blut Aus Nord tapent dans le mille. Ces nappes de guitares qui traînent, traînent jusqu'à n'en plus finir... Et que dire de cette batterie au son mastoc et au jeu décharné, tout dégingandé, mais qui n'hésite pas à envoyer de la double voire du blast à en faire trembler les murs ? Passons au chapitre vocal. Le chant hurlé monocorde, c'est de la merde. C'est chiant. C'est plombant. Mais uniquement lorsque c'est fait sans conviction. Et heureusement, ce n'est pas le cas ici. Pas une seule variation du timbre de Johan sur l'intégralité du disque, ça crache son fiel de bon coeur, sans jamais s'arrêter, jusqu'à s'époumoner.

Ce qui fait la force de ce "Nihiliste(s)", mais qui fera peut-être également son point faible, c'est le bloc qu'est ce disque. Et Bloc avec un grand B, s'il vous plaît. On baigne constamment dans les mêmes eaux stagnantes dégueulasses, d'où la difficulté d'isoler un titre. Mais c'était l'effet escompté, et ça me convient très bien ainsi. Pas de mélodies, torchez-vous avec. L'idée de bloc est également soutenue à travers les paroles, livrées sans espace entre les mots. Dans le but d'être indissociables de la musique, qu'ils disent. En attendant, je me suis bien cassé le cul à coller des espaces sur le fichier avec les paroles. Oui, couillon que je suis, mais mon ophtalmologue les remercie. Heureusement ça en valait la peine, sinon je serais passé à côté de quelque chose. Autant on peut être fourvoyé par le nom du groupe, autant le nom de l'album prend tout son sens à la lecture des textes, véritables glaviots de haine magnifiquement bien écrits. Comme quoi il reste des groupes qui savent faire sonner le français (non, j'ai promis de ne pas citer de noms). Rien qu'à la lecture des titres, on sent qu'on va se faire happer le pied incessament sous peu ("Au feu le savoir", "Abandonner tout espoir à vingt ans", j'en passe et des meilleurs), et cela ne s'arrange pas en se plongeant dans les textes. Relisez le titre. NIHILISTE(S). Et ils ont oublié de faire semblant.

Pour résumer, prenez ce disque comme la bande-son idéale d'Irréversible. Nauséeux, dérangeant, cru. Représentez-vous Shora et Will Haven qui iraient casser du clodo gratuitement dans l'arrière-cour dégueulasse de Blut Aus Nord. Celeste empruntera aux premiers ce goût de la dissonance (époque "Shaping The Random" of course), et aux seconds ce bloc de noirceur ultra-compact qui les caractérisait, tout en produisant une musique d'une personnalité rare. J'ai quand même bien morflé pour faire des rapprochements, j'avais jamais rien entendu de tel auparavant. "Nihiliste(s)" n'est pas une expérience mais presque, tout amateur de sonorités lourdes et dérangeantes se doit d'y poser une oreille. Le monde se doit de savoir. Et quand l'album est en téléchargement intégral en sus... Mais après, n'oubliez pas, si vous aimez... je vous refais pas le speech, y'a marqué Crown_me en bas de cette chronique, pas Pascal Nègre. Mais en hommes de goût que vous êtes, prenez au moins le vynil, ne serait-ce que pour la demoiselle de la cover...


Rédigé par : Crown_me | 16/20 | Nb de lectures : 13299