Houla, Cebren-Khal. Voilà qui me ramène quelques années en arrière, jusqu'à leur très bonne démo Charon's Path sortie en 2005. Le groupe n'a pas donné énormément de nouvelles depuis, subissant quelques changements de line-up et préparant la suite des hostilités. Surprise, j'apprends dans la bio que l'enregistrement de A Mass of Despair a débuté en février 2007! Officiellement sorti en 2009, il est plus que temps que Cebren-Khal rattrape le temps envolé pour promouvoir son nouvel EP. Car il le vaut largement.

Pour ceux qui ne connaissent pas le groupe, il est difficile de faire une description de leur metal protéiforme en quelques mots. Sur la démo, Cebran-Khal mêlait un black à la Cradle avec des déviances tout aussi metalliques comme le thrash d'un Slayer ou le dark/doom mélancolique d'un Yearning. N'allez pas croire que le décès du Finlandais frisé remet son travail sous les projecteurs, je vous assure que les voix plaintives et les structures évolutives des titres de Cebren-Khal me font penser à son œuvre depuis longtemps (écoutez le premier titre de la démo, tout y était déjà).

C'est sur ces bases que peut démarrer une écoute des cinq titres de A Mass of Despair. Grosse satisfaction, la longue introduction du mini, "Mortshaped", nous plonge bien dans la lente montée d'un univers complexe à la Yearning (un truc dur à étiqueter, en somme), avec une insertion très lente des instruments et des voix larmoyantes qu'on retrouvera de temps à autre au fil des morceaux. Puis le mini décolle pour déployer les trois actes de la "Lunar Tragedy" et une seconde facette de ses riffs, à savoir un black mélodique et introspectif auquel le clavier et la production signée Xort (Anorexia Nervosa) donne des airs de black sympho des 90's. Le mélange se fait au fil de l'évolution des titres, comme dans une étreinte endiablée entre les deux styles. Et cela fonctionne très bien, les transitions étant amenées avec grâce, justesse et un désir de pousser l'exploration plus loin.

Cebren Khal ne revendique pas une haine débridée, ce n'est pas le propos. Mais la formation propose des titres à tiroirs qui donnent au fil des mesures l'impression de gravir les degrés d'une pyramide, atteignant à chaque instant un niveau inconnu. La promesse d'une mort douce à son sommet est l'unique fil conducteur, le moteur qui donnera envie à l'auditeur d'être pris par la main par ce guide si mélancolique, si triste. Les Rennais usent de tous leurs artifices instrumentaux et de la palette vocale d'Yves, avec une maîtrise technique toute au service de l'émotion.

Nos contrées recèlent des formations en dehors de toute mode, de tout calibrage, qui suivent leur instinct et leurs envies d'écrire. S'ils ne correspondront pas aux goûts communs, Cebren Khal font partie de ces groupes qui composent et accouchent de leur musique... et ne sont probablement pas les meilleurs pour la diffuser. Cela ne devrait pas empêcher des débrouillards comme vous d'aller y jeter une esgourde et de soutenir si vous aimez. Et pour ça, il suffit de prendre le temps de s'immerger dans leur univers et de se laisser porter par une écoute entière (j'insiste sur ce point) de ce mini. Pour les mélancoliques, voilà une grosse sortie qui ne mérite pas de sombrer dans l'oubli. Avant de vous flinguer, pensez à en acheter une copie.


Rédigé par : Prince de Lu | 8,5/10 | Nb de lectures : 12847