D'aucuns pourraient se plaindre des cinq années qui nous séparent du précédent album des Anglais de Cathedral, une longue attente au regard de la régularité avec laquelle ont émergé leurs parutions, neuf depuis ces vingt dernières années. Pour autant je serais plutôt de ceux qui se satisfont de ce délai, ne serait-ce qu'à cause de la surabondance de disques excellents dont nous sommes les victimes consentantes mais également pour jouir de l'exceptionnelle durée de vie d'albums de la trempe de « The garden of unearthly delights ».

Deuxième parution chez Nuclear Blast qui permet à Cathedral, compte tenu de leur notoriété qui excède largement le strict cadre du british doom, de se payer le luxe d'un double album alignant pas loin d'une heure et demie de leur mélange jubilatoire de stoner-rock, de heavy et bien entendu du doom qui les a révélés. Est-ce à dire que le groupe se complaît à répéter une énième fois la formule qui a contribué à asseoir durablement leur succès? Oui mais non dira-t-on.

Le pari de Lee Dorrian et sa troupe est de synthétiser les audaces de leur dernier album pour les porter à leur acmé, c'est le propos du premier CD de « The guessing game » qui propose sept titres évoluant dans un registre qui emprunte autant au Hard-rock 70's -« Painting in the dark » et cette basse énorme qui porte le titre- qu'au rock psyché nourri d'occultisme directement hérité de King Crimson ou du space-rock des furieux de Gong -et là je pense au titre « The guessing game » et à sa mélodie hypnotique au mellotron.
Chaque membre de Cathedral tient ici son rôle à la perfection, en tête desquels Lee Dorian qui nous gratifie de performances surprenantes ; tout en conservant son timbre caractéristique à la limite de la justesse, le hippie du doom déploie un éventail de capacités et une capacité à émouvoir qu'on lui soupçonnait à peine jusque là. Gaz Jennings se révèle comme d'habitude à travers ses soli psyché gavés d'auto-wah, mais avec moins de créativité que de brio. La surprise c'est surtout Leo Smee dont la présence devient indispensable sur les titres les plus typés Hard et dont le son de basse énorme et put**n de groovy fait des merveilles sur tous les morceaux.
Bref, je ne peux qu'enrager de chroniquer ici un album promo qui fait l'impasse sur le dernier titre de ce CD1 afin de faire tenir l'intégralité de « The guessing game » sur un seul CD standard.

Le CD2 contient six titres supplémentaires dans une veine plus proche du Cathedral qui nous est familier, mais le groupe ménage ses effets et propose notamment un titre très punchy où Dorrian insuffle une énergie inhabituelle dans son chant - « La noche del buque » mais c'est pas un retour à Napalm Death non plus hein!- et surtout deux pièces de pur doom magistrales en fin d'album aux riffs denses et abrasifs dans un rappel éloquent des jeunes heures du groupe, on ne les avait pas entendus dans une tonalité aussi glauque depuis un moment.

Quelques remarques cependant. Vu la durée de l'album, on est en droit de se demander si Cathedral ne faiblit pas ici par péché d'orgueil. Selon les affirmations de leur leader, la raison d'être de ce double album repose uniquement sur l'incapacité du groupe à se séparer d'un seul titre de la session d'enregistrement. Le résultat c'est un album hétérogène qui fait quasiment office de rétrospective des vingt années de carrière du groupe (c'est fou le nombre de groupes qui fêtent leur anniversaire en ce moment) mais présente aussi des titres hallucinogènes -voir « Funeral of dreams » et son refrain empreint de psychédélisme hindou- qui mettent dans l'ombre les quelques morceaux moyens parasitant l'ensemble.

Je ne vous parle même pas de l'artwork de Dave Patchett qui constitue depuis longtemps le cinquième membre du groupe avec ses illustrations surréalistes qui naviguent entre Dali et Bosch ; j'ai d'ailleurs abandonné à regret le projet d'entoiler les livrets sur-usés de mes autres albums.
Au final pas grand-chose de plus à rajouter, « The guessing game » est peut-être l'album le plus audacieux de Cathedral depuis le virage stoner amorcé avec « The carnival bizarre » en 95. En tous cas c'est sûrement la clé de voûte de tout leur édifice et au minimum la promesse de ma religieuse fidélité à leur sanctuaire.


Rédigé par : #Guillaume# | 17/20 | Nb de lectures : 17421