Dans ma quête éternelle de sensations se rapprochant le plus possible de CYNIC époque "Focus" (ambiances mystérieuses, complexité, technique, challenge), Canvas Solaris a toujours eu une place particulière (au même titre que les Australiens de ALARUM), bien que n'ayant aucun élément extrême dans leur musique, tant les similitudes sont nombreuses à un point près qu'ici la technique des musiciens est mise en avant pour créer une musique mutante, ultra personnelle aux frontières donc de CYNIC, KING CRIMSON (pour le côté expérimental), du techno-death ou encore du jazz fusion. Ah oui, CANVAS SOLARIS est un groupe instrumental avec un univers qui leur est propre et il en est très bien ainsi, car il serait dommage de gâcher de telles oeuvres avec du chant. La chance que l'on a en plus avec ce groupe, c'est que les Américains sont très prolifiques, avec pas moins de cinq albums en l'espace de 6 ans et une qualité toujours au rendez-vous qui ne cessent d'étonner. Il faut dire que le groupe, mené d'une main de maître par le duo/têtes pensantes Nathan Sapp (guitares variées) et Hunter Ginn (batterie et percussions), a connu un changement salvateur en 2007 avec l'intégration d'un nouveau guitariste en la personne de Chris Rushing, d'enfin un vrai bassiste avec Gaël Pirlot (un Français ?), mais surtout l'ajout de Donnie Smith chargé de triturer ses nombreux synthétiseurs analogues dont on a pu constater tous les bienfaits sur le surprenant "The Atomized Dreams" sorti en 2008. Bien loin du brut mais fantastique "Sublimation", ou du très CYNICesque "Cortical Tectonics" (ah ces parties de guitares...), CANVAS SOLARIS délivrait un album plus posé, dense en textures, fouillé où l'exploration sonore était le maître mot, tout en étant leur album le plus accessible malgré la complexité de l'ensemble !!!

Alors que l’on aurait pu penser que le groupe pousserait la recherche encore un peu plus loin, il est plutôt surprenant de constater que "Irradiance" est en fait dans la parfaite continuité de "The Atomized Dreams" à quelques exceptions près, preuves de leur nouvelle orientation. Pas de doutes dès les premières secondes de "Adaptive Optics" avec son énorme riff d'intro que l'on croirait sorti du "Spheres" de Pestilence, on reconnaît de suite la patte unique du groupe: magma sonore où s'entrelacent les deux guitares (avec toujours des parties différentes pour chacune) dans des joutes qui tissent l'univers spatial du groupe avec ces riffs vaporeux si particuliers (vous ne trouverez pas ça ailleurs), les solos qui débarquent à toute vitesse, les changements à tire-larigot qui vous perdent, les passages planants mystérieux, des lignes de basse voluptueuses (hum ce son !), les divers sons synthétiques et étranges qui sortent du magicien Donnie Smith et cet énorme batteur qui met sur le cul. Du morceau typique de CANVAS SOLARIS, technique et vraiment schizophrénique comme d’accoutumé avec "Null Proximity", d’autres mêlant gros riffs accrocheurs brise-nuque et passages délicats comme "Conveyance Of Flux" ou encore "Soliton", du frénétique aussi avec "Accelerated Testing Phase" qui vous plonge dans un univers parallèle, le tout étant plus mélodique et efficace que jamais.

La différence avec ses prédécesseurs étant que le songwriting a encore progressé, les nombreuses transitions sont toujours aussi travaillées malgré la densité de l'oeuvre ("Glacier"), les morceaux sont de suite identifiables et nombre de mélodies, solos, riffs restent en tête ("The Horizon Feasts On Stars"). Les solos sont plus travaillés que d’habitude, plus marquants, plus mélodiques ("Accelerated Testing Phase"), ils savent toucher là où il faut. Grande satisfaction, même s’ils sont toujours aussi courts. Contrairement à l'album précédent qui était une première dans l'utilisation des synthétiseurs, ils sont mieux intégrés, moins en avant mais tout aussi primordiale dans la variation des textures et apporte un supplément de richesse à des compos qui n'en manquent déjà pas à la base comme le fantastique "Glacier" (un des meilleurs titres du groupe). De même que la basse est audible, ce qui n'est que justice tant le travail de Gaël Pirlot est remarquable comme sur le luxueux "Threads Of Dead Space" (quelle mélodie grandiose) ou l'apaisant "Vapor Chasm" où la basse fusionne avec la finesse des guitares acoustiques et les subtils percussions, qui créent une ambiance plus intime. Magique.
D’ailleurs les morceaux moins démonstratifs et résolument calmes sont clairement une grande réussite, on savait le groupe capable de petites merveilles (le progressif "Photovoltaic"), mais sur "Irradiance" l’intensité dégagée est plus forte et les mélodies plus prenantes que jamais.

Point de déception une nouvelle fois, aucun morceau bouche-trou, un album bien agencé qui termine de manière folle comme si le groupe voulait prouver qu’il ne se ramollit pas, des moments magiques à foison, une ambiance unique… Malgré un rythme effréné de sortie et 10 années d’existence dans un anonymat qui laisse pantois, les Américains sont toujours aussi inspirés et livrent tout simplement un grand album (leur meilleur ?) qui ravira sans problème l’amateur de metal technique, le musicien qui aime le challenge voire le curieux qui laissera une chance au groupe.


Rédigé par : Arnaud | CANVAS SOLARIS/ | Nb de lectures : 12879