Tel le petit poucet, les musiciens de C.H.R.Y.S.E.I.S. (acronyme pour ‘Consortium of Human Resistance from Yuggoth For the Search and Exploration of Irregular Systems’ au cas où vous vous posiez la question) ont laissé derrière eux deux ou trois cailloux pour que l’auditeur béat et un peu paumé trouve rapidement son chemin. Car en plus de leur patronyme alambiqué et de cette pochette très SF digne d’un bon vieux jeu de rôles des années 80, ces Auvergnats se sont amusés à inviter pas moins que Mike Browning (ex-MORBID ANGEL mais surtout ancien maître de NOCTURNUS) et Kaj Gornitzka des Norvégiens fous de SPIRAL ARCHITECT (et ce nouvel album meeeeeeeeeerde ???) à la curée (manquait que plus que Ralph Hubert de MEKONG DELTA et la fête était complète !), histoire de clairement pisser dans un seul et même sens…

En gros, tel un fan de foot se rendant au stade habillé de la tête aux pieds aux couleurs de son équipe favorite, C.H.R.Y.S.E.I.S. affiche clairement son appartenance à la caste réduite du techno-thrash, sorte de club VIP affichant peu de membres mais où chacun, une fois son admission acquise, vaut son pesant de cacahuètes. Condamné à se taper la file d’attente comme tout le monde il y a trois ans à cause d’un premier album (‘Presence Of The Past’) souffrant de trop d’inexactitudes et surtout de son côté ‘patchwork’, plutôt que de se barrer en râlant ‘tous des cons !’ et en jurant que l’on y reprendrait plus, ce jadis simple duo a eu l’intelligence de se poser au coin du feu avec une clope et les cookies au chocolat de grand-mère pour faire le point et surtout engager une auto-critique salvatrice. Et aujourd’hui, le résultat est là.

Ce n’est pas pour autant que ‘Planet Dead’ est exempt de défaut, mais on va dire que ces handicaps sont plus dus aux travers propre du style techno-thrash qu’au groupe en lui-même. Alors c’est vrai, comme sur ‘Presence Of The Past’, le choix d’utiliser une batterie électronique (non, pas une boîte à rythme mais une vraie batterie, sauf qu’elle est électronique, point) et globalement un son très (trop ?) propre, très typé années 90 et parfois à la limite du stérile, ce qui en gênera sûrement certains mais vu les références et surtout le style pratiqué, difficile de faire autrement. Et puis il y a ce chant death franchement faiblard, proche parfois du ton de Sakis de ROTTING CHRIST, manquant à la fois de coffre et de personnalité. Mais là où son prédécesseur hoquetait tout le monde et trahissait les 78,509 recoupes sur Pro Tools qu’il avait dû subir, ce ‘Planet Dead’ enregistré en quartet témoigne à l’inverse d’une meilleure fluidité, même si le choix (une nouvelle fois propre aux canons du genre) d’insérer trois interludes au milieu de tout ça casse un petit peu la dynamique. Et même si je n’ai pas compris grand-chose au concept nourri de science-fiction mais aussi de l’univers d’HP Lovecraft et d’un soupçon de civilisation précolombienne, pas besoin de se prendre le schtroumpf car comme justement le ‘Threshold’ de NOCTURNUS (sûrement la référence la plus voyante de ce disque) les instruments réussissent à suggérer naturellement l’atmosphère presque spatiale qui va avec. Et puis merde, accessoirement, cela fait plaisir de voir un groupe sortir un peu des clichés et d’offrir presque une saga prévue pour s’étaler sur plusieurs albums.

Ce qui fait plaisir avec C.H.R.Y.S.E.I.S., c’est de sentir ce bouillonnement constant chez ces nerds de ‘Focus’, ‘Out For Blood’, ‘Killing Technology’ et autres ‘Grin’, cet amour palpable pour un genre laissé en friche par manque de candidats et surtout de branleurs de manches (dans le bon sens du terme) digne de ce nom. Et puis si ‘Planet Dead’ prouve bien une chose, c’est que l’amateurisme de leurs débuts est désormais de l’histoire ancienne et que sur le plan strictement technique, les choses sont désormais aux petits oignons. Reste plus désormais qu’à s’affranchir de ses références un peu trop voyantes et surtout de réussir à trouver le bon équilibre entre respect des traditions en quelque sorte et cheminement personnel.

En fait, le mieux qu’on puisse souhaiter à C.H.R.Y.S.E.I.S., ce serait de rencontrer ZE producteur, ce personnage extérieur qui saura les comprendre, les conseiller mais aussi canaliser leur frénésie instrumentale en un concentré d’excellence pure. Dans une autre dimension (ou une autre époque ?), le groupe se serait payé un voyage en Floride, un producteur de la carrure d’un Jim Morris par exemple et un séjour prolongé dans un studio professionnel et ‘Planet Dead’ aurait alors tout défoncé en rang d’oignons avant d’enclencher son moteur à combustion et de s’évaporer à l’autre bout de la galaxie, le tout en faisant un gros doigt à la médiocrité ambiante…


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 14/20 | Nb de lectures : 13256