Dans le calendrier bien chargé des sorties, il cohabite (pour reprendre le cri d’amour du crapaud cher à Pierre Desproges) deux sortes de disques. La première concerne les mises en bac anecdotiques, ces disques dont on se cogne royalement et qui viennent engluer les jolis rayons de nos disquaires de leurs poncifs métalliques quand il ne s’agit pas tout simplement d’œuvres navrantes à vous faire regretter l’absence de poursuites judiciaires possibles à l’encontre des musiciens qui s’obstinent à jouer avec des moufles. La seconde relève de ces galettes rares qu’on attend fébrilement la bave aux lèvres, les papattes moites et tremblantes en gardant toujours à l’esprit que les génies d’hier peuvent toujours devenir des toquards sans préambule ni sommation.

Ainsi, BURST peut s’enorgueillir d’encore appartenir à cette seconde catégorie même si la sortie du brillant « Origo » trois ans plus tôt n’avait pas fédéré tous les fans du quintet suédois ; certains leur reprochant peut-être de s’éloigner de leur métalcore pour évoluer vers un style encore plus personnel.

L’attente fut longue mais voici donc « Lazarus Bird » digne rejeton de ses géniteurs suédois et cinquième album d’une carrière toujours promise à un vaste avenir. « Lazarus Bird » et ses huit nouveaux titres pour près d’une heure d’immersion dans l’univers chamarré et plus prog que jamais de BURST. Prévoyez vivres et sucres lents, la traversée sera mouvementée avec des morceaux dépassants parfois les 9 minutes.

On entre sans préambule dans le vif du sujet avec un titre comme « I Hold vertigo » qui déboule sans crier gare sur des bases assez rentre-dedans pour finalement se parer progressivement de trames plus aériennes ou plus remuantes quand le groupe ne décide pas de planter un énorme break qui donne presque l’impression trompeuse qu’on est passé au titre suivant mais ce n’est finalement que sur des sursauts d’agonies rythmiques surprenants qu’on enchaîne sur la suite d’un disque passionnant. Tiens les rythmiques parlons-en justement puisque Patrik Hultin développe sur ce nouvel album un travail des percussions exceptionnel dans la lignée d’un Brann Dailor au meilleur de sa forme. Les morceaux s’enchaînent et virevoltent reposant sur une savante alchimie, un subtil mélange entre groove, riffs assassins, plans hypnotiques, refuges atmosphériques éthérés qui nous embarque très haut pour invariablement nous frictionner la tronche avec un parpaing l’instant suivant.

On claque les mains comme sur un flamenco sur un plan rock. On improvise quelques phrases au saxophone sur « Nineteenhundred ». On laisse la basse s'exprimer avec tout le velours moelleux qui lui sied si bien. On est submergé par l’impact épique de certains riffs tellement simples et tellement classes tout à la fois. Rock, psychédélique, seventies, ambiant, musicalité de bande originale de film et métal se télescopent ici sur un disque délicieusement progressif qui garde toutefois un fond hardcore. Et si BURST chahute nos sens et notre attention dans une musique fouillée qui semble pourtant couler de source, on ne leur en veut pas trop, tout simplement parce qu’on se sent bien, comme des gosses assis en cercle, des étoiles plein les yeux, autour d’un exceptionnel conteur. Mais le véritable génie de BURST ne serait-il pas justement celui de savoir raconter des histoires au travers de sa musique, de nous tenir en haleine, de ménager les suspens et de nous surprendre… encore une fois ?

Je ne serais pas surpris que ce disque refasse parler de lui quand l’heure des bilans de l’année 2008 sera venue parce que, pour faire mieux…, faudra s’accrocher et sérieusement mouiller la chemise pour pondre une oeuvre pareille sans longueurs ni baisses de régime.

Du grand art…


Rédigé par : Tonton | 17/20 | Nb de lectures : 12843