L’avantage, quand on est un groupe établi, reconnu et respecté, c’est qu’on peut tout se permettre, ou presque. Sans perdre pour autant l’approbation (aveugle ?) des fans.
Evoluer sans perdre son identité est souvent un idéal couru par bon nombre de formations, tentative illusoire d’être adulé pour avoir su "changer sans changer".

2 ans après un très bon "Evolution Through Revolution", Brutal Truth nous propose une nouvelle facette de son Grind évolutif. Sans perdre son intégrité ni son identité, le quatuor new-yorkais accentue son côté atypique, luttant contre la stagnation, (ré)affirmant un peu plus son amour pour les déstructurations et autres ‘noiseries’.
"End Time" est un joyeux bordel, sans queue ni tête, un laboratoire d’expérimentation musicale, où se mêlent inventivité, chaos mal maîtrisé, violence expiatrice et incohérence.

Avec Brutal Truth, tout n’est évidemment pas mauvais, loin de là. Et "End Time" est globalement sympa.
Sympa... Voilà bien le problème. On n’attend pas de notre quatuor un album juste sympa, mais quelque chose explosif, monstrueux, dévastateur. Or, sur "End Time", l’absence d’harmonie ou de fil directeur, et les multiples changements stylistiques, nuisent au plaisir de l’écoute jubilatoire qui ravage nos tympans.

De nombreux morceaux – souvent les plus courts – sont pourtant excellents. A l’image de 'Swift And Violent', 'Small Talk', 'Twenty Bag' ou Addicted', pour ne citer qu'eux. Bien que les riffs ne soient pas tous aussi inspirés qu’à leurs débuts, cela suffit pour prendre son pied, sans perdre en intensité. Du bon Grind qui tabasse.
D’autres titres, intermédiaires, s’approprient le répertoire habituel du groupe, en y adjoignant une légère dose de dissonance et de déstructuration, à l’instar de 'End Time', 'Crawling Man Blues' ou 'Celebratory Gunfire'. Plaisant, mais saoulant au fil des écoutes.
Enfin, viennent les morceaux plus... évolutifs. Ceux qui surprennent à la première écoute, puis qu’on zappe inlassablement par la suite. Ceux qui copulent grassement avec le Noise ou le Sludge. Qui s’éloignent considérablement du Grind, dont la base Death Metal ne s’affirme que partiellement. S’avérant sans cohésion ni intérêt (pour ma part).
Et je préfère m’abstenir d’évoquer 'Control Room', dernier titre bruitiste de 15min, de peur d’être grossier.

La moitié de l’album est plaisante, bien que marquée par ce souhait de se réapproprier son style. Forme d’hommage non dissimulé à "Need To Control", voire même à "Kill Trend Suicide", sur les aspects plus décousus. Pas de bol, il ne s’agit pas de leur période que je préfère.
Le rendu sonore, en revanche, est adéquat, grésillant et brut, bien éloigné des poncifs à la mode. Quasiment parfait.

"Evolution Through Revolution" était pourtant doté de structures typiquement hachurées, mais préservait un aspect homogène et construit, tout en apportant au toxico du blast sa dose quotidienne de violence salvatrice. A contrario, "End Time" ne fait qu’accentuer le fossé entre déstructuration et musicalité, le groupe se trouvant du coup presque le cul entre deux chaises... Un peu comme s’il souhaitait se réapproprier son passé glorieux, tout en restant accessible et brutal. Mais c’est raté.

Comment résumer "End Time" ?
Un étalage des capacités du combo, l’éventail des expérimentations de Brutal Truth. Presque un album "synthèse" de la carrière du groupe. Prenez le Brutal Truth reformé, avec une gniak retrouvée. Piochez un peu dans tous les albums du groupe, mélangez, secouez, découpez. Et vous aurez une première vision de "End Time".
Le problème ne vient pas tant des compositions (quoique...), mais plutôt de l’assemblage, de la structure. Ou de l’absence de structure. J’aurais peut-être plus apprécié, si le groupe avait sorti 3 ou 4 EP aux styles distincts, regroupés dans un même support.

Je reconnais néanmoins cette incroyable capacité au groupe à se renouveler et à (essayer) d’apporter un souffle nouveau à une scène Grind, qui ne croule pas sous la nouveauté. Sauf quand ce souffle n’exprime plus rien, à part cette illusion d’être « à part » ou unique. A trop vouloir s’écarter de la norme, on finit par perdre toute cohérence.

Il est de bon ton d’aduler ou de glorifier Brutal Truth, car BRUTAL TRUTH est sans conteste un groupe dont l’aura dépasse les frontières du Grind. Mais désolé, je n’accroche plus.
Si vous recherchez du pur Grind décapant, inventif et attirant, jetez-vous plutôt sur "Hater", le dernier album de TOTAL FUCKING DESTRUCTION, l’autre projet de Rich Hoak, qui représente vraiment l’état d’esprit Grind, en privilégiant l’impulsivité et l’authenticité.


Rédigé par : ..::Ju::.. | 11,5/20 | Nb de lectures : 14668