Le combo de Pittsburgh du nom de BROUGHTON’S RULES évolue dans un univers Post-Rock (CODEINE, MOGWAI, SLINT), Indie Rock (SONIC YOUTH, MISSION OF BURMA voire YO LA TENGO) et Instrumental Rock (à la PELICAN). Le quatuor vient en effet pêcher le meilleur éléments des trois styles cités plus haut pour en régurgiter une musique inspirée, parfois trippante, parfois seulement dynamique, mais toujours bien pensée et surtout toujours accrocheuse. Ce qui nous vient également rapidement à l’esprit est le rapprochement avec une certaine école de Chicago, celle de Touch and Go Records: BROUGHTON’S RULES aurait pu en effet se trouver dans une écurie aux côtés de formations telles que SHELLAC, GIRLS AGAINST BOYS, THE JESUS LIZARD, BLONDE REDHEAD ou encore DON CABALLERO. C’est en treize titres que le groupe essaye de nous convaincre. Et il ne nous faudra pas la totalité du tracklist pour être persuadé que ce tout premier disque est déjà incontournable. La première plage «Bounty Hunter 1853» avec ses accents à la ISIS nous met l’eau à la bouche dès les premiers riffs…

Il faut préciser que les membres du groupe n’en sont pas à leur tout premier méfait. Et c’est sûrement ces expériences passées qui, ici combinées, nous font ressentir un certain vécu et une certaine maturité musicale. Jugez plutôt : Jeff Ellsworth (guitare) est un ancien membre de DON CABALLERO (tiens donc) et BLUNDERBUSS, tandis que Ben Matthews (guitare, harmonica) and Jim Nemeth (basse) ont précédemment travaillé avec Jeff dans le cadre de BLUNDERBUSS. Dennis Kern (batterie) a - quant à lui - martelé les fûts dans CRETA BOURZIA. Ce premier album sous le nom de BROUGHTON’S RULES a été enregistré par Al Sutton aux Rustbelt Studios (Al ayant travaillé avec vous savez qui). La somme de tout cela aurait pu simplement donner un énième groupe Math-Rock aux structures plus complexes qu’un KEELHAUL, couplé à la verve de DON CABALLERO. En fait, la réalité est autre. Au lieu de cela, le combo conjugue ses talents et nous présente une musique bien plus large et plus accessible que l’on aurait pu l’imaginer.

Repassons donc en revue les treize pistes auxquelles nous avons affaire. Nous démontrons ainsi la richesse et la complexité dans lesquelles BROUGHTON’S RULES a voulu s’immerger.

1. Bounty Hunter 1853
Le titre d’ouverture par excellence. Je parlais d’ISIS plus haut. Les harmonies de guitares confirment ce fait, bien que le groupe ne soit pas nécessairement influencé directement par ISIS. La rythmique est soutenue, le jeu de batterie incessant et excellent. La basse est mélodique et le tout s’accélère en fin de morceau, apportant un côté Noisy à la SONIC YOUTH.

2. Disaster of the Week
Changement de ton. Introduction presque ambiante et qui par la suite rappelle le KING CRIMSON de la période 90’s, en particulier dans l’aspect répétitif des guitares. Le tout prend l’ampleur après 2 minutes 30, le rythme reste pourtant mid-tempo. Le morceau évolue sur 4 plans maximum, bien que s’étirant sur un peu plus de 7 minutes. La fin est encore Noisy à souhait, avec une batterie qui ne cesse jamais de monter.

3. Broadside
Le seul titre pour lequel le combo perd sa singularité instrumentale (le seul titre chanté donc). La voix est assurée ici par un guest d’honneur: Mike Rhodes de BREAKING THE CIRCLE. Pas facile de poser un chant sur ce genre de musique. Pourtant, les lignes vocales collent parfaitement avec l’ensemble. Jeu d’harmonies des grattes, basse rentre-dedans. Encore un titre qui tue.

4. Childhood Sun
Le ton change quelque peu ici. L’un des titres les plus calmes de l’album. Après une intro carrément ambiante, la basse pose les bases du morceau par son jeu répétitif et presque envoutant.

5. Night Smoker
Des consonances à la EARTH dernière période avant de démarrer la chose sur un jeu presque Krautrock à la CAN avec toutefois des phrasés de guitares presque Bluesy. Un titre à part, mais tout aussi excellent que le reste.

6. Glass Eye
FUGAZI, es-tu là? Il ne manque plus que le chant de Guy Picciotto et Ian MacKaye.

7. Moonsick
Un titre très mélodique qui reprend les formules développées aux numéros 2, 5 et 6.

8. Coyote Eyes
Ce titre me rappelle une fois de plus EARTH, mais encore plus une formation un peu moins connues : HALA STRANA. Le mid-tempo est privilégié et les harmonies de grattes occupent l’espace.

9. Ghost Heavy Days
Reprise des festivités avec une plage un peu plus dynamique, mais tout aussi mélodique que les 8 morceaux précédents. Solos de grattes excellents, une batterie presque omniprésente mais sachant parfois se mettre en retrait.

10. El Indio
Un morceau un peu plus Math-Rock que le reste, quelques relents de DON CABALLERO devaient nécessairement ressurgir.

11. 15 Seconds Before Dawn
Mélodies hispaniques rappelant certains BO composées par Robert Rodiriguez, le ton et le tempo sont redescendus une fois de plus pour laisser libre cours aux harmonies posées simplement. C’est d’ailleurs un titre sans batterie au format assez court (un peu plus de deux minutes). Le calme avant la mini-tempête.

12. Silver or Lead
Ce morceau reste l’un de mes favoris. Tournant sur trois plans, la piste instru alterne passages réfrénés avec riffs groovy jusqu'à l’explosion finale. Simple, efficace.

13. Wheatfield With Crows
Le dénouement. Rien de plus que quelques notes de guitares jouées en boucles qui nous permettront difficilement de tenir jusqu’au prochain opus.

L’ensemble est loin d’être décousu et présente une homogénéité et une fluidité qui riment avec maturité et intensité. Un album que je ne cesserai sûrement pas d’écouter tout au long de l’année. Dans mon top 5 de 2011, c’est une certitude (même si cet album est sorti fin 2010, il m’en faudra en reparler dans la sélection VS de fin d’année). C’est le genre d’achat que vous pouvez faire quasiment les yeux fermés (tout comme l’écoute des treize titres, d’ailleurs).


Rédigé par : DeadStar | 18/20 | Nb de lectures : 14409