« Je suis le mal aimé.
Les gens me connaissent tel que je veux me montrer.
Mais ont-ils cherché à savoir d'où me viennent mes joies?
Et pourquoi ce désespoir caché au fond de moi. »

Il était temps de rendre hommage à ce philosophe mésestimé de l’école Yéyé/Disco qui passa sa vie à vouloir illuminer son audience et ce jusqu’à sa mort. Quel meilleur incipit que celui-ci pour évoquer le cas Brocken Moon. Cette lune germanique traîne dans les limbes de l’underground depuis 1999 et demeure un de ces projets qui attire autant qu’il repousse. Il vous suffit de lire la chronique dithyrambique du précédent album par mon maître le Prince du dessert. Oui, le mal aimé comme un grand nombre de one man band grésillant !

Personnellement, je trouvais le deuxième album plutôt sympathique avec ses riffs entraînants et son atmosphère bucolique. Excepté que notre Humanhater de son nom avait tenté une expérimentation finale fondée sur trois notes et durant facile trois ans. Un grand moment d’hypnose uniquement valable pour s’assoupir dans les transports en commun.

Après réédition des démos en 2009, notre Allemand nous sort cette année son troisième album. Pour l’occasion, notre misanthrope a finalement décidé de s’entourer de partenaires pour nous pondre ce nouveau voyage aux confins de la tristesse. Première surprise, le périple ne dure que 38 minutes, il n’y a donc point d’instrumental à rallonge sur trois accords.

Autre changement, les riffs sylvestres ont laissé place à une inspiration plus Rock’n’Roll, plus « roots » ! On est toujours dans un dépressif alternant arpèges en suspens et accélérations en trémolos mais le registre se fait plus terrien moins atmosphérique. Une sorte de retour vers l’origine du genre. Ainsi, les trois premiers titres nous happent assez rapidement au sein de leur désespoir surtout que l’ensemble est rehaussé d’un clavier sombre distillant des chœurs fantomatiques et que les vocaux paient toujours leur tribut à Silencer.

Tout cela est plutôt agréable mais relativement classique. Le changement intervient à compter du quatrième titre, le bien nommé "Krieg" où nos Allemands vont clairement lorgner vers le blastage de leurs compatriotes d’Endstille excepté que notre lune cassée enveloppe l’agression dans une ambiance mortuaire grâce toujours à ce clavier spectral et à un break Ambient qui permet de faire le lien avec la suite de l’album car les deux titres qui suivent vont se montrer bien plus surprenant encore.

En effet, le bien nommé "T12 Ritual" s’aventure dans l’Ambient ritualiste constitué d’un chant liturgique grave, d'une rythmique tribale et des accords lourds d’un piano solennel. Loin de l’interlude qui ne sait pas trop ce qu’il fout là, il s’agit d’un titre à part entière déployant une ambiance vraiment réussie. Le titre suivant est tout aussi iconoclaste puisque même si les vocaux criards reviennent, les guitares, elles, ont pris des vacances ; juste un leitmotiv de piano, le côté glacial de nappes Electro/Indus, une rythmique de plomb et un abattement désenchanté personnifié par des sonorités de cordes… Quel titre ! On pense aussi bien à ce qu’avait réalisé lors d’un titre Gris et Sombres Forêts sur leur album commun qu’à des projets Martial/Indus. Un morceau à part qui étonne autant qu’il séduit et qui vous vrille la cervelle jusqu’à vous faire répéter Einsamkeit toute la journée.

On passera sur le dernier morceau qui évolue dans une veine plus atmosphérique et vaporeuse sur fond d’arpèges façon vieux Rock.

Mais il est temps de jouer au père fouettard car il reste quelques cadavres nauséabonds dans les beaux placards de cette misanthropie. Oui, je vous le rappelle ça reste étiqueté « trve » de ce fait la prod n’est pas foncièrement probante et en particulier le son des grésillements. Mais surtout, le batteur est assez souvent à la ramasse et notamment sur les blasts bien poussifs. Arthrose du poignet ? Sinon, oui c’est un peu court mais au moins pas lassant. Certes, il y a un côté un peu hétéroclite mais ça ne gène pas pour autant l’homogénéité portée par l’ambiance sombre.

Bon alors… alors, vous le savez maintenant les lapins ça a des goûts de chiottes et du coup moi je l’aime bien cette petite galette à la carotte. Et puis, il y a ces deux étrangetés qui confinent au génial. Une ébauche pleine de charmes et de défauts qui réussira à rafraîchir les amateurs du genre durant la canicule annoncée.


Rédigé par : Dark Rabbit | 13/20 | Nb de lectures : 12899