Dix ans, ça fait long. Ca fait deux quinquennats, une garantie décennale ou une scolarité de la 6ème à la licence. Dix ans, c'est tellement long que peu de monde pensait qu'un second album de Bran Barr verrait le jour. Le corbeau psychopompe avait donné des signes de vie en décembre 2007, au Cernunnos Fest premier du nom à Paris. Mais quid de l'album enregistré fin 2006 et qui devait voir le jour à l'automne 2008? Le groupe a avoué avoir pris grandement son temps pour trouver un label. Et le temps a continué de s'écouler entre les occupations de chacun et les aléas d'un album qui ne pointait toujours pas le coin de son boîtier chez Det Germanske Folket où le groupe avait pourtant signé pour quatre albums. Alors qu'on rêvait enfin de Sidh en 2009, suivi du réenregistrement bienvenu des Chroniques de Naerg, le groupe annonçait la fin de son deal avec le label allemand.

Et finalement, c'est Trollzorn qui a annoncé en novembre 2009 les sorties simultanées d'un nouveau Nydvind (la chro arrive, les bichons) et du second Bran Barr pour février 2010. Trollzorn fait tout à coup reluire un catalogue bien boueux, et tant mieux pour eux. Au moins, le label est correctement distribué, ce qui devrait aider nos Frenchies qui ont failli rater l'apogée de la vague pagan dont ils défendent les mélodies depuis fort longtemps et surtout bien avant le plus grand nombre.

Du line-up qui a enregistré Les Chroniques de Naerg, il reste les deux membres d'origine du projet, à savoir Yoltar (chant, également dans Nydvind (oui, oui, on en reparle)) et Aed Morban (batterie). Les guitaristes ont cédé leurs places à Llyr et Nesh Keltorn (également dans Nydvind (OUI, on en reparle (arrêtez d'être lourds (non, mais là c'est chiant)))). Le bassiste est désormais Hades (ex-Aes Dana, piou-piou dans Heol Telwen). Même si elle vient donner un coup de main sur l'album, la donzelle qui soufflait dans les pipeaux Amorgen (ex-Aes Dana) a été remplacée par le plus pileux breton Kraban (Heol Telwen, ex-Nydvind (bon, ça suffit! C'est la baffe maintenant!)). La seule représentante féminine sera donc la dernière venue Ahes, au violon. Ne vous inquiétez pas, tout cet échangisme sur la scène celtic/pagan metal parisienne n'a pas nuit à Bran Barr.

D'entrée, le digipack est déjà fort joli. Autant en parler, car c'est le premier truc que vous aurez dans les mains. Les peintures qui illustrent le livret donnent un cachet particulier à l'album, et sont bien mieux réussies que les infâmes gribouillages de Svartby. Et si j'aborde le livret c'est qu'à ce stade de la découverte, je l'ai parcouru et j'ai hésité à glisser la galette dans la platine. Est-ce que trop d'attente n'allait pas transformer l'album en soufflé tout retombé? Est-ce que Bran Barr n'allait pas soudainement souffrir d'une concurrence qui s'est bien établie ces dernières années? A quel étage erre?

Hé bien non, cet album est excellent. Bran Barr n'y réinvente pas la formule du "celtic metal", mais fait parler la poudre en mélangeant avec brio les mélodies bretonnantes avec un metal fondu à blanc. Ca envoie du petit bois, dans lequel souffle allègrement Kraban. Et ce qui donne encore plus de vie à cet album, c'est sa grande vitalité et son aussi grande variété. Sidh volète de rythmiques puissantes sur lesquelles s'envolent des flûtiaux dignes de Pan jusqu'à des cavalcades thrash dévastatrices. La mue de l'extrait "Celebration" en assaut dévastateur dans sa partie centrale devrait vous donner une bonne idée des évolutions que Bran Barr n'hésite pas à insuffler à ces morceaux. De l'interlude vocal très tradi "Profediez" (qui me donne envie d'écouter un Denez Prigent) jusqu'au déchaînement rythmique de "Fury", de titres nerveux comme "Celebration" à l'épopée épique de douze minutes intitulée "Journey", Bran Barr utilise toute la palette d'émotions que lui autorise son style. La formation livre un album qui multiplie les accroches pour nous faire vivre au plus près la destinée tragique de Fearg un héros né bien avant Les Chroniques de Naerg. Et comme toute belle histoire, celle-ci ne lasse finalement jamais et on prend plaisir à réécouter cette saga, magnifiquement mise en musique. Une belle histoire, qui me fait même oublier la reprise de Stille Volk, "Ode aux Lointains Souvenirs", qui clôture l'album. J'ai jamais pu piffrer Stille Volk (chacun son truc), c'est peut-être pour ça que je trouve les parties metal du titre insipides. Ca sera ma seule petite fausse note de l'album (et je vous proute (fallait pas faire chier avec Nydvind)).

Si Bran Barr a composé, les morceaux sont également très bien mis en valeur par les bons soins du Hybreed Studio (Glorior Belli, Heol Telwen). Avec un espace sonore très bien défini, laissant chaque instrument vibrer sans se chevaucher, et une mise en place impeccable, Sidh est juste un putain d'album. Il sort finalement avec près de quatre ans de retard, mais il tombe quand même à pic pour allumer de sa ouache les refrains mielleux d'Eluveitie et consorts. L'alchimie est ici toute trouvée, entre la superbe des mélodies celtes et la puissance de feu des instruments électriques. Quel pied, mes amis, quel pied! A headbanguer comme ça devant les enceintes, c'est un coup à choper mal Ankou!


Rédigé par : Prince de Lu | 17,5/20 | Nb de lectures : 16121