Qu'on ne se méprenne surtout pas sur la teneur de la prose qui va suivre : je ne suis pas critique littéraire et je n'aurai jamais la prétention de l'être. J'interviens uniquement en tant que simple lecteur habituel de romans divers et en tant qu'auditeur occasionnel de la musique de Eros Necropsique. Pourquoi Eros Necropsique me direz-vous ? Tout simplement parce que ce livre est le premier roman de Olivier Déhenne, leader de cette atypique formation, qui a su gagner au fil des années sa réputation sulfureuse à grands renforts de paroles excentriques, provocatrices ou décalées sur fond de musique gothico-médiévale-minimaliste. Bref, tout ce qu'il faut pour désorienter le métalleux de base et faire éructer de bonheur les goths de tout poil.
Je vois déjà les mauvaises langues affirmer, comme ils l'ont fait avec Eros Necropsique sans n'en avoir jamais écouté plus de deux minutes, que ce livre est à nouveau une apologie du n'importe quoi. A ces teigneux, je réponds volontiers que, si ce livre garde évidemment le style littéraire propre au groupe d'origine de l'auteur, j'ai rarement eu l'occasion de goûter une première oeuvre d'une maturité aussi saisissante.
Sur un scénario somme toute classique, à savoir l'interné qui raconte sa vie civile dissolue, Oliver Déhenne arrive à captiver le lecteur avec ses tournures de phrases tantôt cruellement réalistes tantôt imagées à outrance, son vocabulaire à la fois riche et cru et une histoire dont les travers peuvent nous rappeler les périodes les plus sombres de nos propres vies.
Je ne sais pas si cela vient du fait que le "héros" ainsi que l'auteur ont mon âge, mais j'ai été interpellé par des nombreuses situations relatées dans le livre. "Les miasmes de la claustration" raconte la vie de Louis, un trentenaire marginal et profondément alcoolique, qui vit reclus dans un appartement insalubre au milieu des cadavres de bouteilles et des reliques de sa vie ratée. Il est un rêveur, un Diogène des temps modernes, un Baudelaire du 21° siècle ayant oublié au fond d'une bouteille ce qu'était la poésie, un magicien qui fantasme sur un amour sur mesure, un amour qu'il voit trop exigeant pour satisfaire ses besoins primaires, un amour refusant paradoxalement toute bestialité liée au coït, un amour fait de senteurs, de chaleur et de sensations platoniques.
Au cours de sa vie, Louis aura connu trois grands amours. Lucas, son alter ego avec lequel l'amitié et l'amour ne sont pas cloisonnés; Chloé, l'inconnue rencontrée dans un bar et surtout Léa, adolescente pure et perdue qu'une erreur téléphonique a mis sur sa route. Le destin de ces trois personnes influera directement sur celui de Louis. En dire plus serait trahir l'âme de ce livre.
Olivier Déhenne a su, dans ce premier ouvrage que je trouve malheureusement un peu court mais qui en gagne en intensité et en profondeur, raconter avec brio une histoire qu'on imagine forcément personnelle, qui se lit rapidement et qui nous permet de retrouver un peu de notre propre folie dans les mots qui la composent. Bravo à lui.


Rédigé par : Loufi | Roman/ | Nb de lectures : 11507