Après m’être chargé de la chronique de Urd par charité satanique (coucou aux intransigeants), il est somme toute logique que je boucle la boucle de BORKNAGAR en me chargeant de la réédition de leur premier album éponyme, initialement sorti en 1996 par Malicious Records. Hammerheart s’occupe de cette réédition et pour le coup, gratte un peu les fonds de tiroir. Surtout que cet album de BORKNAGAR n’est pas introuvable non plus. La précédente réédition date de 2004, par Displeased Records, et est facilement trouvable dans toutes les bonnes crémeries. D’autant que cette nouvelle édition semble avoir un package identique à celle de Displeased (surtout que le livret propose une bio qui… s’arrête en 2004), avec une pochette dans des tons de couleur un peu plus glaciaux (le logo gris y compris) que l’horrible rose/violet d’origine. Le seul apport à priori notable de cette v.2012 par Hammerheart est un remastering. Mais il est peu évident et de toute manière assez inutile dans l’absolu, car l’album d’origine possède un très bon son (pour du Black, bien entendu) qui n’a pas pris beaucoup de rides, avec une basse très audible, en dépit de grattes assez sèches. Bref, Hammerheart fait preuve d’un peu de mercantilisme, mais a le mérite de remettre sur la table les débuts de BORKNAGAR qui tranchent nettement avec le Viking-Metal progressif sabordé par Vintersorg (moins sur le dernier album) d’aujourd’hui. Retour sur une époque révolue…

BORKNAGAR est formé en 1995 par Øystein Garnes Brun, qui faisait partie du groupe de Death MOLESTED, auteur d’un unique album en 1995 (Blod-Draum) et de quelques démos. D’emblée, le groupe enregistre un premier album éponyme, sans passer par la case démo. Et BORKNAGAR avait un sacré line-up sur le papier à l’époque : Garm au chant (ARCTURUS, ULVER), Ivar Bjørnson aux claviers (ENSLAVED), et deux membres de GORGOROTH dont le trublion Infernus qui tient ici la basse, et le regretté batteur Grim décédé en 1999. Rien à voir avec la fine équipe de 2012, dont Øystein est le seul rescapé. Et à l’époque, Borknagar penchait beaucoup plus vers le Black-Metal. On s’en rend compte dès les premières secondes de "Vintervredets Sjelesagn" : blasts, trémolos furieux et chant agressif sont de rigueur. Le chant Black de Garm est d’ailleurs identique à celui qu’il pratiquera la même année sur Aspera Hiems Symfonia, premier album d’ARCTURUS. Sur Borknagar, BORKNAGAR pratiquait alors un Black classique mais travaillé, notamment dans les superbes mélodies, et de par le côté un peu épique. L’originalité du groupe se trouve alors dans son aspect Viking, avec les incursions de chœurs et de chant clair, qui n’avait d’ailleurs rien à voir avec celui que pratique Garm aujourd’hui (même si on reconnaît à l’aise son style sur "Dauden") ; mais aussi dans ses nombreux interludes ou breaks d’obédience acoustique, réussis et très bien intégrés à l’ensemble, ainsi que les ambiances au clavier (notamment lors des deux instrumentaux "Tanker Mot Tind", et "Svartkogs Gilde" ainsi que "Fandens Allheim"). Le seul défaut de l’ensemble est un côté un peu répétitif et quelques longueurs ici et là, mais cet album a très bien vieilli, n’est peut-être pas un culte absolu mais se réécoute avec grand plaisir.

Après ça, BORKNAGAR continuera dans le même style un an plus tard avec The Olden Domain, mais les changements de line-up incessants, notamment au micro, conduiront le groupe à progresser vers une musique plus progressive, qui atteindra sa quintessence avec Quintessence (2000), avant -à mon goût- de s’enfoncer d’album en album dès l’arrivée de Vintersorg pour Empiricism (2001), même si le groupe aura su rebondir avec le très bon Urd. Comme toute réédition, ce disque est donc destiné aux catégories « je ne l’ai pas encore », « je me fiche bien d’avoir le first press qui est à 66.6€ sur la bay », « je suis un fan collectionneur de toutes les éditions » et « je ne connais pas les débuts du groupe », reste plus qu’à éventuellement choisir la vôtre. Quoi qu’il en soit, il est bien utile de remettre en lumière ce très bon album qu’est Borknagar, témoin de l’époque où le Black norvégien était en pleine bourre et où les groupes s’éloignant du pur BM comme BORKNAGAR sont apparus.


Rédigé par : ZeSnake | Réédition/ | Nb de lectures : 13073