La route de Borgia, j'ai eu l'occasion de la croiser à des concerts parisiens (Hanternoz powa!!) et par le biais de la double-démo MMVII chroniquée en ces pages (et qui date donc d'il y a deux ans, pour les gens un peu lents). Deux ans, autant dire une éternité pour un groupe francilien qui se bouge le popotin et joue par monts et par vaux. Première surprise, Ecclesia est un vrai album sorti sur un vrai label, et non une autoproduction mitonnée à la maison. Plus précisément, l'album a vu le jour chez le label anglais Paradigm Recordings (c'est l'occasion de vous rappeler l'existence de Decrepit Spectre). Seconde surprise, l'album en jette même beaucoup, avec un digipack luxueux, un livret très épais et magnifiquement illustré selon la thématique du groupe. Du très bel ouvrage au niveau visuel!

Musicalement, les progrès sont conséquents depuis les démos de MMVII. Officiant toujours dans un black/death dense et sombre, la composition du groupe s'en trouve plus aérée et appréhendable, tout en gardant une bonne densité. Le bond en avant vient pour ma part du chant de Géraud de Verenhe (dit la bête du Géraudan). Le chanteur a abandonné le côté trop théâtral et décalé de ses interventions pour se fondre bien plus dans l'instrumentation. Certes, cela fait moins "barré" et original, mais l'ensemble gagne grandement en cohérence et le groupe avance désormais comme un seul homme.

Le black/death oppressant et chaotique du combo francilien s'avère séduisant et les dissonances nombreuses tout au long des neuf titres. La lumière est au rendez-vous dans des titres comme "Le Bûcher des Vanités" ou "La Litanie du Misanthrope", très dynamique et franchement très bon. Mais il faut reconnaître que la suite de l'album n'arrive pas au niveau de sa terrible ouverture. Face à une concurrence chaotique très rude, Borgia ne fonce pas dans le terrorisme sonore et refuse de verser dans une écriture plus standard. Du coup, le groupe peut faire pâle figure face à un Arkhon Infaustus ou un Portal qui vient récemment de relâcher une bouse céleste digne du veau d'or (ceci est un compliment). Malgré une composition qui réussit à bien errer au long des mesures, Borgia ne parvient pas à éviter un effet de redondance au fil d'un album très long pour le style (54 minutes). A ce titre, la production sourde n'aide pas vraiment, même si elle colle parfaitement au genre, avec son mixage et son mastering réalisés par Neb Xort (Anorexia Nervosa).

Borgia exploite son attirance pour la facette la plus sombre du monde médiéval au travers de textes originaux en français, italien, espagnol et latin. Des textes qui attirent fort bien l'oreille du francophone. Si je soutiens toujours la démarche de chanter dans sa langue maternelle, je me demande aussi comment la chose sera perçue à l'étranger. Par contre, je reste un peu sur ma faim que Borgia n'ait pas plus exploité le formidable terreau dans lequel le groupe fait pousser son concept. Les références sonores au monde médiéval restent rarissimes, quelques samples tout au plus. C'est presque dommage, d'autant qu'un "Te Deum" apporte pas mal en ambiance.

Ecclesia s'avère un projet ambitieux dans lequel Borgia s'est donné à fond. Si la forme démontre que le groupe a approfondi ses idées au fil des années, le fond musical ne semble pas encore à la hauteur malgré sa bonne qualité. Le manque de réelles surprises au long des neuf titres ne me donnera pas envie de réécouter cet album toutes les quatre aurores. Néanmoins, les amateurs de black/death dense pourront trouver leur bonheur dans ce premier album déjà bien abouti.


Rédigé par : Prince de Lu | 13,5/20 | Nb de lectures : 15122