A trop attendre la suite si anticipée de "Memoria Vetusta I - Fathers of the Icy Age", on s'exposait à une surprise. Elle est de taille si l'on juge que cet album brise le vecteur évolutionnel sur lequel on croyait Blut aus Nord engagé avec la poésie de l'enclume lâchée de quinze étages sur une toile d'araignée. Enterrées les longues charges enfiévrées de "Fathers of the Icy Age", entre la rage suintante de guitares montées en murs de feu et des mélodies furtives mais marquantes qui imprimaient le sceau d'un savoir-faire semi-brutal, semi-mystique très affirmé pour l'époque. Le retour de Blut aus Nord attaque par en-dessous, au gré d'un black metal plus noir qu'un puits sans fond, une cérémonie de misanthropie faite son comme on n'en rencontre de plus en plus rarement dans un monde musical où le besoin de séduire par ajout pas toujours judicieux d'artifices intéressés broie bien souvent le noyau dur, l'essence naturelle, l'idée vaginale: l'antémusique.

Blut aus Nord nous replonge au long de ces six titres homogènes dans ce que quelques notoriétés du black scandinave savaient faire mieux que quiconque (et mieux qu'eux-mêmes au jour d'aujourd'hui surtout...), à savoir glorifier la puissance du moment par la saine répétition de mesures simples mais délibérées, hisser le riff le plus primitif jusqu'à un effroyable pic d'intensité, renoncer à l'harmonie du pauvre pour mieux asséner la vérité dépouillée des justes. Les guitares sont devenues plus fines, mais pas pour autant squelettiques car la production reste suffisamment percutante et corrosive. A force de synchronisme et de froideur pragmatique, voici un album enfin propre à secouer les instincts, pas seulement des pulsions d'excitation spasmodiques à l'image de Marduk et de leurs suiveurs apôtres de la violence pour la violence, mais les ténèbres latentes qui somnolent plus ou moins profondément en chacun, le sourire sadique et figé qui accompagne ces numéros d'équilibriste entre conscience et démence, la sauvagerie à l'état brut. Bien que la comparaison reste relative, je placerais bien "The Mystical Beast of Rebellion" au niveau de "Rebel Extravaganza" de Satyricon en terme d'aura maléfique pure, pas de négativisme en soi mais au contraire une aspiration visionnaire, détruire pour mieux reconstruire, davantage par une forme de terrorisme intellectuel que par les armes.

Même si j'attends à l'avenir un soupçon d'implication personnelle supplémentaire dans l'aspect création originale, dans le côté donc purement technique qui manque tout de même trop de renouvellement au bout d'un moment, je m'incline bien bas devant autant de conviction et d'opiniâtreté à concrétiser ce qui me semble être une bulle d'états d'âme prête à crever. Il y a beaucoup à aller chercher là où s'étirent les racines qui rongent un esprit touché par le malaise d'une civilisation oublieuse de toute humilité car trop sourde à l'écho de ses pathétiques origines. Ces quelques morceaux, en renfermant une barbarie sans nom, anti-mélodique mais au charme pas moins magnétique, s'élèvent en parodie de jugement dernier. Un réquisitoire impitoyable contre tout ce qui n'entre pas dans le cadre de valeurs de l'auteur de cette campagne sonore à ériger en exemple, s'il y en avait, dans toutes les écoles de musique spécialisées dans le metal extrême, pour l'édification de la jeunesse indécise.




Rédigé par : Uriel | 14/20 | Nb de lectures : 8149