Tel est le regard du mortel perçant l’infini…, mystique et introspective, cette trilogie 777 l’aura été et pas qu’un peu. L’ambitieux tryptique de BLUT AUS NORD va enfin trouver sa juste conclusion, avec un troisième volet qui se sera fait désirer, sortant un peu moins d’un an après The Desanctification qui suivait pourtant de peu Sect(s). Dénouement qui va donner au tryptique toute sa cohérence. Si Sect(s) restait sombre et décharné comme toutes les sorties de BLUT AUS NORD hors-Memoria Vetusta, The Desantification nous extirpait des ténèbres pour nous emmener progressivement vers la lumière, et Cosmosophy va enfoncer le clou en nous emportant carrément vers l’infini et l’au-delà (comme dirait Buzz l’éclair).

Cosmosophy va donc se présenter comme l’album le plus atmosphérique de BLUT AUS NORD, encore plus qu’un Memoria Vetusta II, et logiquement d’un The Desanctification. 5 épitomes sont au programme, les 5 derniers de ce concept 777, les numéros 14 à 18. On s’attend donc à des morceaux développant pendant de longues minutes leur aspect atmosphérique et on ne s’y trompera pas, vu que nous avons ici des pièces allant de 6 à 11 minutes. Mais dans le fond, rien ne change. BLUT AUS NORD égrène toujours son style de Black-Metal unique aux grattes dissonantes, au martèlement aliénant de batterie et aux ambiances très travaillées, malsaines et morbides sur la plupart des sorties, radieuses et lumineuses sur d’autres dont Cosmosophy y fait son entrée avec brio. Cependant, quelques petites nouveautés vont se rajouter à l’édifice. Le plus remarquable étant la pleine utilisation assumée du chant clair. Il y en avait déjà des bribes par le passé, notamment en forme de litanies incantatoires sur The Desanctification, mais ici il s’impose en force. Disque très atmosphérique et mélodique, chants clairs… BLUT AUS NORD se mettrait-il à faire du Black à casquette ? Si on peut le croire aux premières écoutes, au final BLUT AUS NORD parvient à garder sa personnalité, et même à se réinventer grâce à un disque audacieux et réussi.

Dès l’intro de "Epitome XIV", on se laisse emporter par les magnifiques mélodies que nous a concocté BLUT AUS NORD, qui vont illuminer de leur son cristallin l’ensemble de Cosmosophy. Ce 14ème épitome s’avère donc très prenant d’emblée, pour un album plus cohérent que The Desanctification (que j’avais tendance à trouver trop hétérogène, non pas en qualité mais en variété), qui se laisse apprécier dans sa globalité. Les dissonances tournantes et les vocaux clairs mixés en seconde couche, bizarres et mêmes discutables au premier abord, vont vite poser l’univers cotonneux et résolument contemplatif de Cosmosophy. Les mélodies vont pourtant reprendre une tournure inquiétante, et dans ce voyage vers la lumière blanche nous allons faire une petite escale dans la cave avec "Epitome XV" : la première partie de cet épitome est 100% noisy, probablement un des morceaux les plus purement industriels pondus par BLUT AUS NORD. Sur ces bruitages glauques à souhait, s’ajoute un chant récité en français à la manière du "Dearth" de DEATHSPELL OMEGA, en plus noir encore. Le reste de cette plage s’avère plus classique mais nous montre encore un BLUT AUS NORD particulièrement épique, avec des chœurs libérateurs, avant un final à nouveau malsain qui va trancher avec la suite…

Dès son intro somptueuse, on comprend qu’avec "Epitome XVI" nous tenons ici du grand BLUT AUS NORD. Probablement un des meilleurs morceaux du projet, si ce n’est le plus beau, avec des mélodies enivrantes et des montées de clavier éblouissantes, pour 10 minutes tout simplement fantastiques, ponctuées par un final plus torturé qui évoquera Sect(s), avec une discrète incursion de vocaux Black. La suite de Cosmosophy va continuer sur le chemin menant à la lumière céleste, avec un "Epitome XVII" où le goût de BLUT AUS NORD pour les mélodies libératrices et aériennes atteint son paroxysme, s’éloignant carrément des dissonances décharnées propres au projet (avec un chant clair ici omniprésent), même si un nouveau jeu de contrastes se fait remarquer dans la dernière partie du morceau, à la manière d’"Epitome XVI". Il est alors temps de s’extirper de l’univers avec "Epitome XVIII" qui va conclure la trilogie 777 de manière très mystique, retrouvant ici le martèlement industriel qui émaillait certains morceaux de The Desanctification, avec toujours ces mélodies apocalyptiques entêtantes et une ambiance de fin du monde, le tout s’étiolant progressivement en un final dronesque d’un vide glacial.

Au final, cette trilogie 777 est parfaitement goupillée, tout en ayant donné naissance à 3 disques bien distincts. Si The Desanctification était l’opus le plus original, Cosmosophy est le plus bluffant et finalement, le plus réussi. Ce disque reste l’album le plus accessible de BLUT AUS NORD, mettant en exergue les mélodies prenantes et les atmosphères lumineuses sans verser dans l’ambient, mais s’éloignant du BM morbide qui a fait la gloire du groupe pendant la décennie passée. Du haut de ses 46 minutes, Cosmosophy n’est pas exempt de reproches, à savoir une légère redondance de l’ensemble parfois (l’aspect mélodique suivant un chemin très balisé), un chant clair qui aurait pu être plus travaillé, et le fait qu’il n’y a rien de révolutionnaire bien que la trame de cet album soit inédite, BLUT AUS NORD conservant la majeure partie de ses sonorités habituelles. Mais cet album a tout pour convaincre ceux qui comme moi n’ont jamais pu encadrer l’excès de dissonances avec ces fichues guitares « couineuses » à gogo, et qui s’attendaient à quelque chose de plus introspectif comme Memoria Vetusta. Un album souvent superbe et touché par la grâce à défaut d’être 100% convaincant, vite digéré mais qui s’écoute avec grand plaisir grâce à son ambiance singulière. Et le chaos se tut…




Rédigé par : ZeSnake | 16/20 | Nb de lectures : 16093