Rogga Johansson, douzième.

Si l’on prend dans son ensemble l’œuvre du stakhanoviste number one du death-metal scandinave, on pourrait presque dire que chacun de ses projets est en fait un exercice de style à peine caché : si PAGANIZER est un peu son hommage (même pas) caché à GRAVE et au death suédois de bûcheron du début des années 90, RIBSPREADER est sa façon à lui de saluer notre père à tous, DEATH. Et si DEMIURG est sa vision de ce que pourrait être dans un monde parallèle du death dit ‘grand public’, à l’inverse PUTREVORE reste underground de chez underground alors que BONE GNAWER et THE GROTESQUERY sont avant tout taillés sur mesure pour les growls de l’ex-MASSACRE, Kam Lee. Or si l’on suit donc ce schéma, alors BLOODGUT représenterait un peu le bout de la ligne d’un jusqu’au boutisme poussé dans ses derniers retranchements.

De son propre aveu placé sous l’influence d’AUTOPSY (je rajouterais même également une pincée de NUNSLAUGHTER) ‘Nekrologikum Evangelikum pt.1’ serait donc selon son auteur la définition même de ce qu’il entend par un ‘death primitif’ à la limite du doom/death. Pour le péquin moyen, cela reste quand même du 100% Johansson dont on reconnaît la patte immédiatement. Mais c’est aussi il faut l’avouer le son de guitare le plus dégueulasse que l’on ait entendu depuis la création de la pédale de distorsion. C’est très simple, c’est si (volontairement) saturé et accordé plus bas que terre que les riffs dégoulinent de matière fécale et se traînent comme des limaces géantes écrasées par la chaleur en laissant de grosse marques maronnasses derrière eux. Vous vous souvenez le break de « Mindsnare » sur ‘Harmony Corruption’ de NAPALM DEATH où l’on entend au détour d’un break la basse thermonucléaire et saturée à mort de Shane ‘Benny Hill’ Embury ? Ou de la machine à laver qui servait de quatre cordes à Danny Lilker sur le premier BRUTAL TRUTH ?! Eh bien voilà le genre de son de gratte que Johansson exhibe ici, qui parfois va mettre se confondre avec la basse dans une seule et même convulsion plus granuleuse qu’un hectolitre de goudron mélangé à de la mousse au chocolat. Plus cracra tu meurs ! Tant mieux, c’était l’idée numéro un derrière BLOODGUT et ces dix morceaux simplistes et basiques ont été entièrement construits autour d’elle.

Sauf qu’une bonne idée ne fait pas un bon disque. Et passé les quelques morceaux d’ouverture et l’admiration que suscite le beau livret plein de zombies (la thématique très originale du disque) signé par le Hongrois Peter Sallai (guitariste de BORNHOLM), le tout tourne en rond, même si derrière à la batterie, Matthias Fiebig de PAGANIZER essaye de temps en temps d’en rajouter dans la dégueulasserie et dans la lourdeur alors que Dan Swanö a encore été recruté pour booster tout cela au mastering. C’est certes anti-technique à mort et par moments assez malsain (même les rares solos laissent un sale arrière-goût dans la bouche) mais c'est aussi assez rapidement redondant et pas des plus mémorables. Le pire est que le tout est resté dans un tiroir pendant presque quatre ans et que comme le ‘part 1’ du titre l’indique, un second album pour l’instant donc encore inédit a également été mis en boîte pratiquement dans la foulée…

Malgré les clins d'oeil (cf le morceau qui ferme le ban "March Of The Bloodgut": arf!), le tout est donc conseillé uniquement aux fans ultras de Mr Johansson et à ceux qui aiment bien mélanger leurs tripes à la sauce de Caen avec de la sauce tomate. Les autres, une fois de plus, rabattez-vous plutôt sur le dernier DEMIURG. Conseil d’ami…


Rédigé par : Olivier 'Zoltar' Badin | 11/20 | Nb de lectures : 12621