Stickskiller: Blind Guardian est un faux-ami total. Eh oui, fer de lance du heavy teuton, ou allemand dans un langage ordurier, la plupart des gens imagine un groupe chimère constitué du squelette d'Helloween, avec la tête de Grave Digger et la queue de Running Wild (tant que c'est pas la queue de Type O' Negative, ça reste raisonnable). Que nenni mon ami. Oh il est vrai que les deux premiers albums s'engouffrent allègrement dans cette voie sûre et efficace s'il en est. Mais dès le 3ème opus "Tales From The Twilight World", nos gardiens mal-voyants (oui, on n'a plus le droit de dire aveugle il paraît) ont pris une direction tout à fait étonnante et personnelle. A base de complexification de style, d'élargissement musical et d'univers bien ancré dans l'heroic-fantasy. Depuis les bougres n'ont cessé de gravir les échelons de leur échelle musicale, chaque album apportant une nouvelle pièce dans le puzzle de leur style, le rendant plus complexe, plus produit, plus varié, bref, une évolution comme on aimerait en voir plus souvent.

C'est ainsi qu'on en arrive à leur nouvelle galette, galette composée bien sûr de pain elfique. "At the Edge of Time" est le 2ème album du groupe après le seul changement de line-up de son histoire, le départ de leur batteur, Thomen Stauch, pour cause de différends musicaux, celui-ci étant remplacé par Frederik Ehmke à partir de l'album "A Twist In The Myth". Attardons-nous un peu sur ce départ car il traduit assez bien ce que je ressens par rapport à l'évolution du groupe. Stauch a déclaré ainsi qu'il n'aimait pas la tournure trop complexe et progressive que prenait le groupe. A ce titre, le dernier album où il joue, "A Night At The Opera", est sûrement le plus complexe du groupe, pas de bol pour lui. Il est vrai que la musique de Blind Guardian a toujours été de plus en plus complexe. Mais je suis d'accord avec Thomen Stauch pour dire que sur "A Night At The Opera", c'était trop. Non pas que c'était un mauvais album, mais le nombre d'écoutes innombrables nécessaires pour l'appréhender a dû empêcher pas mal de gens de l'apprécier à sa juste valeur. D'ailleurs, l'album suivant fut bien moins compliqué, mais pour ma part, je n'y ai jeté qu'une oreille discrète, n'ayant pas été emballé plus que ça par cette sorte de régression. De plus le fait que j'appréciais grandement que le groupe n'ait jamais changé de line-up depuis ses débuts a été brisé par ce changement de batteur.
Bon, d'accord, mais bon au bout d'un moment, c'est gentil de se réécouter "Imaginations From The Other Side" (sûrement leur meilleur album, exemple parfait d'équilibre entre compléxité, énergie et mélodie), mais le groupe commence à nous manquer. Alors quand sort ce nouvel album, on se dit "aller, laissons-lui vraiment une chance".
Et mazette, on a raison.

Première constatation: le line-up n'a pas changé, ce qui est toujours de bon augure. Deuxième constatation, pour la première fois le groupe s'est loué les services d'un véritable orchestre. Intéressant ça. Et troisième constatation, comme d'habitude à la première écoute, je suis déçu. Déçu car je ne distingue pas vraiment de refrain fédérateur comme à la grande époque (hormis peut-être sur "Tanelorn (Into The Void)", mais c'est pas encore du niveau de "A Script For My Requiem" hein), et comme d'habitude sur les derniers albums (depuis "Nightfall In Middle Earth" en fait) je suis paumé par la complexité de la chose.
Mais qu'à cela ne tienne, aujourd'hui, je dois le chroniquer, donc laissons faire le temps et les écoutes.

Et la magie fût.
Car oui, encore une fois, la magie opère au bout d'une dizaine d'écoutes. On commence à comprendre les méandres mélodiques des morceaux, l'absence de refrain fédérateurs est remplacée par une richesse harmonique incroyable. Le groupe revisite son répertoire en nous proposant des morceaux tantôt speeds ("A Voice In The Dark"), ou tantôt calmes ("Curse My Name") le tout agrémenté d'une nouveauté donc, les morceaux symphoniques. Une nouvelle corde à l'arc heavy de nos gardiens albinos. L'album s'ouvre ainsi sur un "Sacred World" tout simplement magistral. Il y a quelques années, le groupe avait grandement espéré faire la bande originale du "Seigneur Des Anneaux", demandant même à Peter Jackson, au cas où... Eh bien on peut voir ici ce qu'aurait pu être le résultat si cela s'était fait. Une pièce imposante de presque 10 minutes, à écouter bien sûr de nombreuses fois pour en capter toute l'essence. L'album se conclue comme il a commencé, par un nouveau morceau orchestral, la boucle est bouclée. Saluons tout de même la maturité du groupe qui n'a pas cédé à la tentation de faire la totalité de cet album dans ce style, cela n'aurait fait qu'enlever de l'impact à ces deux morceaux.
Je pourrais comme ça vous décrire chaque morceau, son ambiance, etc, etc. Mais bon, on va éviter de trop spoiler. Parlons plutôt de la production de la chose. Comme d'habitude depuis quelques albums, elle est monstrueuse. Chaque instrument sonne superbement, les guitares sont puissantes, ainsi que la batterie, d'ailleurs mention très bon au "nouveau" venu Frederik Ehmke, qui possède effectivement un style comparable à son prédécesseur, mais arrive quand même à se démarquer légèrement grâce à une plus grande diversité dans son jeu. Et que dire du chant de Hansi Kürsch? Sûrement une des causes principales du succès du groupe, son chant reste égal à lui-même. Enchaînant avec aisance parties chantées calmes et parties hurlées typiques du groupe, c'est vraiment un des points forts du groupe.
Rien à redire donc sur la forme de la chose, c'est pro, c'est propre, c'est propropre.

Au final, cet album est encore un chef-d'oeuvre pour un groupe qui en compte plus que d'albums médiocres. Blind Guardian arrive encore à se renouveler après un album un peu décevant et passe-partout. C'est la marque des grands. Toutefois, malgré cette avalanche de louanges méritée (ce n'est pas BozKiller qui me contredira), il convient quand même de regretter que le groupe n'est pas réussi à composer un morceau vraiment fédérateur, comme il le faisait sur des albums comme "Somewhere Far Beyond" ou "Imagination From The Other Side". L'intention est là, mais on ne peut s'empêcher de se dire qu'il manque la fougue d'antan, remplacée par la maîtrise et la dextérité. Si ça avait été le cas, on aurait été en présence du meilleur album du groupe, mais du coup, mon coeur restera toujours attaché à ces deux vieux albums.
Cela ne m'empêchera pas toutefois d'apprécier ce "At the Edge of Time" comme il se doit, c'est-à-dire comme un album de heavy metal allemand qui n'a rien à voir avec du heavy metal allemand, et qui transcende encore une fois les limites du style.

BozKiller: BLIND GUARDIAN est un groupe à part pour moi, et je chéris leur musique comme autant de fixateurs de précieux moments de vie, notamment de mon année allemande où je me suis totalement plongé dans leur histoire musicale. Maintenant, j'avoue que comme beaucoup, "A Night At The Opera" ne m'avait pas laissé le meilleur souvenir. Le départ de Thomen fut aussi une grande désillusion, qui ne me donna guère d'envie de me plonger dans "A Twist In The Myth", même pas écouté.
Alors pour recoller les morceaux, il me fallait ce nouvel opus. Et, un peu à la manière de PARADISE LOST avec son dernier album, c'était bien avec ce "At The End Of Time" que ça allait se faire.
Dès les premières secondes, il apparait clairement que BG renoue avec ce qu'il sait faire de mieux, c’est à dire ce heavy-speed hyper mélodique, bourré d'un feeling prenant aux tripes, basé sur une multitudes d'éléments: des mélodies, des mélodies et encore des mélodies, qu'elles soient électriques ou acoustiques; un gros travail de rythmique, mené par leur nouveau batteur, tout simplement parfait, et au fort mimétisme avec Thomen; un énorme travail de composition et d'arrangement pour les parties orchestrales, qui sont somptueuses - on notera à ce niveau l’enregistrement de tout un orchestre symphonique pour les morceaux « Sacred World » et « Wheel of Time »; et enfin, le chant. Cette partie fait la réputation du groupe, et à juste titre. Hansi Kürsch est un monstre, ses parties sont énergiques, multiples variées, trippantes... parfaites. Et enfin les chœurs ne laisseront personne indifférents!
Enfin, on retrouve les thèmes de prédilection du groupe, le médiéval fantastique, l'univers de Tolkien, la quête de Tanelorn,... le tout sur une musique tantôt énergique, tantôt folk. "Somewhere Far Beyond" et "Nightfall in the Middle Earth" ne sont pas loin. Le temps a passé, et ils ont peaufiné leur science de la composition. Alors peut-être ne peut-on plus être surpris par leur musique comme dans nos jeunes temps, mais l'œuvre ici distillée fait montre d'un tel niveau que l'on ne peut que s'incliner devant les Gardiens! Chapeau-bas!

Sticksounet me demande si j'y trouve un titre vraiment fédérateur, eh bien je pense que "Curse My Name" est le nouveau "The Bard's Song". Il suffit de s'approprier sa structure, sa montée de rythme, basée sur les claquements des chaussures de danseuses (c'est énorme, et ça fonctionne à merveille), son refrain en canon... Même si ce n'est pas un titre speed, c'est génial, et je rêve de voir ce titre en live rallongé de quelques minutes qui seraient extraordinaire avec des danseurs sur scène.

Note : 18/20


Rédigé par : Stickskiller + BozKiller | 18/20 | Nb de lectures : 15548