De nombreuses études s'accordent à le dire : les Danois sont le peuple le plus heureux de la planète. Dès lors quoi de plus étonnant que de voir émerger sur le port de Copenhague un groupe de funeral doom assez cafardeux pour donner des envies de suicide à la petite sirène?
Black Wreath est composé de musiciens aguerris de la scène locale (Saturnus ou Of The Wand And The Moon devraient parler à certains) soucieux de délivrer leur contribution aux formes les plus sépulcrales du doom contemporain. Composé en 2006, enregistré deux ans plus tard pour une sortie fin 2009 « A pyre of lost dreams » singularise immédiatement son propos en offrant aux amateurs de tranquillisants sonores trois titres d'un quart d'heure chacun assortis d'une longue outro minimaliste.

On l'aura compris, le groupe n'entend faire aucun compromis aux codes du genre, poussant même les conventions jusqu'à leur point de rupture. Il faudra tout le talent de compositeur de Kim Larsen -un patronyme prédestiné- pour maintenir l'attention au cours de la progression des morceaux monocordes qui constituent ce premier album. Et c'est précisément la grande qualité de Black Wreath : le soin tout particulier accordé à l'ascension de la musique vers cette forme de dénuement sonore et émotionnel où une mort symbolique donne tout son sens au funeral doom. Du coup je parle d'ascension mais il s'agit tout autant d'une chute vers cet hypothétique point D.(oom) où l'épuisement des coups de caisse claire évoque un battement de coeur qui pourrait aussi bien être le dernier. Alors oui, je suis certainement à la limite de la surinterprétation mais franchement ça se tient à l'écoute de ce « bûcher de rêves perdus ».
Chaque morceau suit un cheminement analogue, démarrant sur un bon gros riff doom/death rehaussé d'une mélodie imparable qui tourne tranquillement sur la moitié du titre avant qu'un break amorce une partie instrumentale et/ou acoustique en prélude au final macabre qui se déroule jusqu'à l'infini -ou en tous cas la fin de la piste. A l'exception donc de ce dernier titre que j'évoquais plus haut, longue plage d'ambiant un peu chiante dont le seul mérite est de prolonger la rêverie de l'auditeur qui ne s'est pas endormi en route. Notez que cette dernière remarque n'est pas une critique tant il m'arrive fréquemment de m'endormir en musique (y compris les plus extrêmes allez savoir ma bonne dame les jeunes aujourd'hui). Un disque bien écrit en somme mais également bien enregistré. En effet la production ne propose rien de trop limpide, on reste dans des eaux troubles à l'image du chant qui est presque exhalé tel un puissant râle aux accents expressifs.

Bref la formule paraît plutôt bien rodée et si elle est réservée en priorité à un public féru du genre n'en réserve pas moins une belle leçon de song-writing. Le grand paradoxe de ces rythmiques interminables et monotones est bien de conserver un intérêt constant grâce à la puissance sous-jascente déployée par d'invisibles courants telluriques. Le tout est astucieusement structuré par une alternance de ruptures et de reprises qui ballotent l'auditeur de belle manière. Gageons que nos Danois ne s'arrêteront pas en si bon chemin et bonifieront leur musique sans sacrifier la moindre once de leur extravagante déprime.


Rédigé par : #Guillaume# | 14/20 | Nb de lectures : 12285