Je bosse dans un bureau, entouré de trois femmes d'âge mûr.
Là, normalement, j'ai accroché le lecteur. Coquin ! Allez, on se calme. Elles sont plus proches du gros matou de cheminée que de la couguar griffue et n'ont finalement pour moi de féminin que le côté maternel, vu la différence d'âge qui nous sépare. En échange d'un bon café le matin, je les autorise à écouter la radio. Peu importe la station, la technique utilisée par le Cartel (les majors alliées aux grands sociétaires de la SACEM) est la même pour fabriquer le bon goût du congénère et partager les bénéfices entre Elus de l'Exception Culturelle Française. Pour imposer un nouveau single, rien de plus simple, diffuser d'abord un des morceaux les plus connus d'un artiste puis glisser l'air de rien la nouvelle daube dans la foulée. Puis la repasser. Encore.
D'habitude, ma capacité à m'extraire de ces notes nauséabondes fonctionne. Mais ce matin, un peu plus mal réveillé que d'habitude, j'ai laissé par une imprudente inadvertance, traîner une oreille sur un bourdonnement acoustique produit par Zaz… La punk à chien de la variét' hexagonale, celle qui chante la positive attitude entre deux solos de kazoopette : « Nous sommes les étoiles, nous sommes l'univers ». Einstein, Planck, Schrödinger ?
Non, Zaz ! Et ces mots visqueux sont restés agrippés à un neurose, un neurone cirrhosé, forcément trop imbibé pour rejeter la mélodie pourrie. Impossible de s'en défaire !

Arrive la fin de journée. J'embarque dans le C3 Picasso, très éloigné du bolide de la pochette de Black Water Rising, mais tout aussi cliché pour quiconque transporte deux sièges enfants et leurs accompagnateurs. Le Boss m'a envoyé du Cd à chroniquer. Je me dis qu'a priori, ce groupe américain qui donne dans le Power Rock, façon Black -Label Society, -Stone Cherry, -Country Communion, devrait pouvoir m'aider à dissiper les vapeurs de Zaz et à dompter le neurose récalcitrant. Dans le cas de l'infection auriculo-cérébrale qui me ronge, il ne faut pas lésiner pour éliminer la ritournelle. Je pousse le son façon lobotomie sans doliprane. Le décibel, c'est comme la bière, il faut commencer jeune si on veut être « true » plus tard. Et comme je veux élever un Viking, Odin, assis à l'arrière, va en profiter aussi.

Les premiers titres de l'album introduisent de bonne manière le style pratiqué par Black Water Rising. Les guitares au son lourd mais pas surpuissant délivrent des riffs qui rappellent les licks aux accents sudistes de Dimebag Darell et structurent des morceaux groovy portés par une session rythmique au jeu simple et efficace. Les guitaristes ont le sens du riff et c'est clairement le point fort du groupe. Sur cette base, Rob Traynor, chanteur guitariste, leader et principal compositeur, déploie une voix intéressante, séduisante et personnelle, tantôt médium, notamment sur les couplets, tantôt plus aigüe et rock sur les refrains accrocheurs. Cette formule est respectée sur tout l'album et permet aux new-yorkais de livrer un album mid-tempo cohérent, agréable et bien ficelé. Parmi les morceaux qui sortent du lot, « Last Man Standing », au riff rampant et groovy s'insinue et laisse une belle empreinte. « Dance With The Devil », à la fois lourd et mélancolique, accroche l'oreille et confirme que le groupe a un potentiel de composition indéniable. Cet excellent titre me restera en tête et me délivrera enfin de mon syndrome Zazien. Enfin, « Fire It Up » ou « All Gone » sont de beaux exemples de la patte Pantera du jeu des 6-cordes et convainquent sans peine.

Comme beaucoup de groupes aujourd'hui, Black Water Rising a autoproduit son album. Globalement, le son est bon mais le mixage met un peu trop en avant la batterie et le chant au détriment des guitares, lourdes et en retrait.
Ce choix altère un peu la puissance des morceaux même si au fil des écoutes, ce n'est pas rédhibitoire. Au final, Black Water Rising confirme avec ce 2ème album qu'il est un groupe à suivre. « Pissed And Driven » plaira sans aucun doute aux aficionados du Hard Rock version Power tel que le pratique BLS, Nickelback ou encore Bukowski. Dans tous les cas, ils méritent d'être découverts, sur scène notamment, où l'énergie de leurs morceaux résonne certainement avec le public pour gagner en puissance et en efficacité.



Rédigé par : TheUgly | 14/20 | Nb de lectures : 12369