Les Black Tusk sont une chaîne de montagne en Colombie Britannique au Canada, mais aussi un combo américain. Le trio s’est formé en 2005 dans la très prolifique contrée de Savannah en Géorgie, sud est des USA. Ils proposent un métal hybride, qu’ils décrivent eux-mêmes comme du swamp (=marécage), terme que je vous laisse interpréter. Les commentaires à droite à gauche parlent de sludge, mais oubliez la crade-attitude et le je-m’en-foutisme d’un Eyehategod ou Grief et tournez-vous plutôt vers Baroness et surtout Kylesa. Perso, à l’écoute de cette galette, j’ai tout de suite pensé à Kylesa époque ”To walk a middle course” dans une version plus terre-à-terre, voire à un Baroness moins aérien. Il faut indubitablement se tourner vers ces 2 combos si l’on devait impérativement rapprocher Black Tusk d’un mouvement. Tous ces groupes sont potes, voisins, et forcément un son et une attitude commune s’en dégagent.

‘Taste the sin’, et ses dix nouveaux titres, ont été enregistrés aux Jam Room Recording Studio comme leurs petits copains de Baroness et Kylesa. Après leur premier album ‘Passage Through Purgatory’ qui n’a pas déchaîné les foules, ainsi que quelques split (ASG, The Holy Mountain, et Fight Amp), voici leur second album qui sort tout de même chez Le label au flair incroyable, les biens-nommés Relapse. Je vois déjà les mauvaises langues dire que le label n’a plus la qualité d’antan. Pour ma part, ça reste la plus haute marche du podium. Le footeux qui a porté le maillot de Manchester United une fois dans sa vie pourra dire à tout jamais que ce grand club a misé sur lui. Là, c’est pareil. Carte de visite exceptionnelle, point barre. Cependant, est-ce que Relapse reconnaît les qualités musicales réelles de ce groupe, ou a-t-il voulu tirer profit de la mouvance actuelle, de la bonne cote que cette scène southern possède de nos jours, au détriment de la créativité? A voir…

Black Tusk a fait appel à la star du moment pour l’artwork, le sieur J.D. Baizley, qui mine de rien, se tape tous les groupes de cette zone géographique. Il nous propose une fois du plus un emballage pur jus respectant les codes de ‘son’ style, et j’avoue que je trouve la pochette fort jolie et le livret sobre, mais quelque peu fade.
Quelques tournées par-ci par-là en compagnie de grands (Fu Manchu, Weedeater), et de plutôt bon (Zoroaster), suivies d’une bonne promotion de Relapse, tout est là pour lancer la machine.

Parlons musique maintenant. Je prends vraiment plaisir à écouter cet album. La musique proposée est énergique, des riffs très simples qui foutent la patate, accompagnés de percussions béton. On pourrait discerner quelques touches de trash, une furie aux relents punk, et un sens de la mélodie et du groove très southern. Oui, le groove est un mot-clef pour décrire ce ‘Taste The Sin’, car tapage de pieds et brisage de nuque il y aura. 3 mecs, 3 instruments, 3 chants. L’alternance des 3 voix donne du coffre à leur musique, mais à part celle de bûcheron du bassiste, aucune n’a une réelle personnalité. Celle du gratteux a même légèrement tendance à m’irriter, et je trouve son jeu de guitare trop basique. Une alternance des 3 voix est donc fort judicieuse, et voici comment contourner une faiblesse et en faire son point fort. La basse est à mon goût trop peu présente. Pour ce style de musique, on a envie d’une basse qui t’assomme, ce qui n’est pas le cas. Black Tusk prend le taureau par les cornes cependant en se concentrant sur des compositions ultra basiques, mais efficaces, qui sentent bon le barbecue, la bière, la paille et le bouzin. Le tout est très homogène mais on ne sort peu, voire pas du tout même, des sentiers battus.

Ces 3 mecs semblent simples, passionnés, motivés et intègres. J’ai eu une bonne claque en concert, et j’ai tout de suite eu un bon feeling avec Black Tusk. D’ailleurs, cet album est bon et a tout pour faire chavirer le petit cœur des mordus de ce style… Cependant, un truc me chiffonne. Quelle est la fonction numéro une d’un album? Divertir et faire tripper l’auditeur, ou apporter quelque chose de nouveau à une scène et la faire avancer? Les 2 vous me direz. ‘Taste The Sin’ me fait taper du pied, m’envoie quelques bons riffs dans les dents et son sludge/stoner burné m’envoie directement dans les Etats du Sud des Etats-Unis. Cependant, sa ressemblance trop forte avec ses potes de Savannah me fait tiquer. Ca sent Kylesa à plein nez, et seul le novice se fera surprendre. Le désagréable sentiment de ‘déjà entendu’ plane tout au long de l’écoute de cet album. J’adore découvrir l’univers d’un groupe et pour ce fameux ‘Taste the sin’, à la fin du 3ème titre, j’avais déjà cerné le groupe. Si j’étais médisant, je pourrais même dire que j’aurais pu ‘composer’ le reste de l’album, tant c’est prévisible. Suis-je trop difficile ? Je ne sais pas, mais je n’ai pas été surpris une seule seconde, donc une grande part de l’intérêt de l’album tombe à l’eau.

J’ai une certaine affection pour ce combo que je suis (verbe suivre), que j’ai rencontré, que j’ai en Tshirt, ou en poster sur mon frigo… et qui tape pile-poil dans mon style de prédilection. Sans méchanceté aucune, je suis au regret de penser que c’est le groupe choisi par Relapse records après étude de marché, que le label les a lancés pour surfer sur la vague et booster éventuellement leurs ventes. Je ne trouve pas qu’ils révolutionnent quoi que ce soit pour le moment, à défaut de proposer une musique plaisante. Un bon second couteau en quelque sorte. Pour ceux qui ont lu le live report de leur concert donné en avril dernier à Toronto en 1ère partie de Weedeater, je donnais une description valorisante de leur prestation de la soirée, annonçant même que Black Tusk sur album, c’est plutôt bon, mais que Black Tusk en concert, c’est gigantesque. Eh bien je maintiens cette remarque. Black Tusk est un bon groupe, extrêmement trippant à voir en live, mais qui aujourd’hui, sur CD, ne déplace pas les montagnes.


Rédigé par : Bras Cassé | 13,5/20 | Nb de lectures : 13710