Tandis que sous nos latitudes bourgeonnent les arbres et raccourcissent les jupes voilà que nous arrive de la lointaine Suomi un double album consacré à l'interminable hiver finlandais. « Routa » est l'œuvre de celui qui se fait humblement connaître sous le nom de One-man-army : Tuomas Saukkonen, qui en dépit de ce pseudonyme de catcheur se révèle un multi-instrumentiste sensible dévoué depuis plus de dix ans au metôl à travers ses multiples projets gothic/doom -Dawn of Solace ou Before the Dawn.

Ce sémillant jeune homme possède une force de travail qui impose le respect. Seul maître à bord de la plupart de ses groupes, il semble peiner à canaliser une créativité débordante au sein de toutes ses productions, si bien que Black Sun Aeon voit le jour en 2008 afin de développer des compositions dans une vision subtilement plus virulente de son genre de prédilection. « Darkness walks beside me » voit donc le jour il y a un an à peine, superbe pièce de doom/death accueillie comme il se doit par la critique.
Quand je vous dis que le type ne tient pas en place, quelques mois plus tard le revoici avec ce double album dont chaque CD décrit une facette de l'hiver : Winter morning et Winter night. Compte tenu du puissant tropisme que doit constituer l'hiver sur l'âme scandinave, l'approche de ce thème sur « Routa » me paraît déjà d'une banalité affligeante. Enfin bon, pourquoi pas. Là où ça passe moins c'est que la transcription de cette dialectique ne débouche sur rien d'autre qu'un CD1 doom atmosphérique lumineux et un CD2 death/black plus sombre. C'est précisément le type d'opposition un peu simplette qui ne porte pas l'ensemble vers le haut, mais voyons voir comment ça sonne.

On aurait pu s'y attendre l'album est un peu déséquilibré. C'est la première partie « Talviaamu » qui est de loin la plus convaincante, les sept titres renvoient vers le meilleur du précédent album, un doom distingué quoiqu'un peu convenu qui privilégie l'aspect émotionnel et l'efficacité à défaut de prendre des risques ou d'imposer des qualités techniques. La présence de claviers souligne avantageusement la tendance atmosphérique de cette première partie, tandis que les nombreux leads égrènent des mélodies qui font souvent mouche. Les growls du maître d'œuvre se marient à merveille avec les chants clairs des guest de l'album, notamment sur « Dead sun aeon » avec l'intervention de Janica Lönn (Lunar Path). Sûrement le meilleur titre de cette première partie avec le morceau éponyme, « Routa » qui met un coup d'accélérateur dans la quiétude de ce CD1 à renfort d'influences black bien amenées.
Passons rapidement à « Talviyö » et les sept titres suivants qui ne cessent malheureusement de décevoir. La faute au manque de profondeur des compositions qui étalent des plans death vus et revus sur de longs morceaux qui n'ont pas grand-chose à dire. C'est loin d'être mauvais, très bien exécuté et servi par une production labellisée finnish death mais ça ne suffit absolument pas pour satisfaire des auditeurs rendus exigeants par la profusion d'albums excellents jalonnant la brève histoire du death. Je retiendrais quand même le mid-tempo « River » dont la mélodie m'a accompagné un bon moment.

En résumé ce qui me dérange le plus sur ce double c'est l'absence de surprises qui s'en dégage : on sait exactement comment ça va se finir et comment il va nous y emmener. Pas très excitant même si « Routa » permet de passer un bon moment. Un double album pour les apéros ensoleillés de ce début d'été? Bizarre pour un hommage aux heures froides de l'hiver.


Rédigé par : #Guillaume# | 13,5/20 | Nb de lectures : 12527