Bingo!!! Plus besoin de m'emmerder à chercher pendant des lustres, car vient de débarquer de nulle part mon nouveau mètre-étalon de la lourdeur. Alors certes, après écoute, tu pourras toujours m'arguer que des groupes comme Monarch et autres Corrupted sont aussi lourds, mais moi je te parles pas des doomeries avec un coup de caisse claire tous les quarts d'heures, je te parles de la lourdeur au son hyper compressé, celle qui reproduit le délicat effet d'un coup de batte de base-ball en pleine poire et à cadence appuyée. Pense Will Haven, pense Meshuggah, et ce que la parfaite copulation des deux pourrait donner. En attendant, va falloir songer à rebaptiser l'échelle de Richter en échelle de Black Sheep Wall… T'as vu Cloverfield au ciné? Voici sa putain de bande-son...

Car mine de rien, c'est ma meilleure découverte depuis une paye. Enfin, avec l'incroyable prétention qui m'est inhérente, je dirais plutôt que c'est Black Sheep Wall qui m'a découvert. Si, si, je m'explique. Tout est parti d'une friend request anodine qui est parvenue sur mon profil d'un site communautaire bien connu appartenant à ce sacré Rupert Murdoch. Habituellement, il s'agit de grognasses blondes vivant dans l'Arkansas qui s'exhibent en string (je valide en toute innocence) ou de groupes de metalcore avec une moyenne d'âge de 12 ans et 37 modèles de t-shirts à vendre alors qu'ils n'ont pas sorti une seule démo (je refuse, pas envie de recevoir un bulletin à chaque fois qu'ils vont aux chiottes). Mais dans tous les cas, je passe y faire un très bref tour au cas où, on sait jamais, on est jamais à l'abri d'une bonne torgnole de derrière les fagots. Et là, à peine arrivé, le titre "Modest Machine" se lance. Dans la seconde, j'ai eu l'immense loisir de sentir mes réservoirs d'amour se contracter à en faire des raisins secs. Et de me réveiller le lendemain avec d'effroyables courbatures aux cervicales. Grand Dieu, mais quelle puissance!

Et je ne l'ai pas invoqué à tort, car le premier album en provenance de Californie de ces brutes (très) épaisses se nomme "I am God". Au menu, du lourd, du très lourd, de l'ultra lourd, au cas où vous ne l'auriez pas encore pigé, parce que dans "Black Sheep Wall" il y a... "Wall"! Et quel putain de mur! Y'a pas à mettre l'impact sonore des chansons sur le dos de la production, quoiqu'ils ont un peu une prod' d'enculés pour un groupe aussi jeune, mais cette puissance monumentale vient du son des guitares, pas de bidouille post-enregistrement pour gonfler le son, c'est du naturel, c'est sain, c'est bio. Mange donc sans modération ce rempart de guitares d'une épaisseur absolument dantesque, le genre que tu regardes en levant les yeux au ciel sans arriver à voir le sommet, à l’image de l’artwork. Grâce à une grosse corde en acier trempé qui doit être accordée à l'aise 4 tons et demi en dessous, et d'une puissance sismique qui ferait aisément remonter Carlos à la surface en deux accords. C'est elle qui fait le gros du boulot sur l'album, et elle est à proprement parler jouissive. Chacune de ces putains de syncopes monstrueuses te donne un sentiment de puissance rare (ma philosophie de comptoir y verra une analogie avec le titre…), à te faire gonfler le torse et à t’emmener jouer à Zidane vs Materazzi avec tous les passants que tu croises.

Je parlais plus haut d'une alliance parfaite entre Will Haven et Meshuggah. D'une pour le son donc, et de deux pour les compos. On y rajoutera Botch pour les enchevêtrements intelligents des structures. Techniquement, pas la peine de venir chialer "bouh y'a pas tout plein de notes partout", si t'y trouves quelque chose à redire, retourne écouter Children Of Bodom et fais pas chier. Trois notes ? Oui, mais les bonnes, mon gaillard, c'est pas donné à tout le monde... Les compos sont idéalement épurées pour que le mur sonore crée une énorme ambiance de désolation urbaine, comme sur le terriblement lent "Nihility". Un double fist ne saurait mieux te prendre les tripes. Les plans saccadés sont absolument terribles (toujours pas remis de cette intro de porc sur "Modest Machine") et donnent l'envie immédiate de jouer au pivert humain sur le mur le plus proche, avec un batteur qui a dû récupérer les baguettes des Tambours du Bronx. Et ces breakdowns de fin du monde, rhaaaaa, mon coeur a failli s'arrêter à plusieures reprises... Résultat: il y a quelque chose d'incroyablement couillu qui se dégage des compos. Crowbar derrière ? C'est Indochine qui joue à touche-pipi avec Madina Lake! Le démarrage de "Xiomara" (nommée "Lambgayy" sur leur myspace) illustrera à merveille ce dernier propos, avec notre jovial camarade beugleur qui prend sa respiration avant de nous asséner une volée de massues à travers la tronche.

Parlons-en du coco, il n'est pas pour rien dans l'affaire, avec cette grosse voix éructée à 200% dans un créneau hardcore tirant légèrement vers le death. Des époumonnements qui me rappelle sur certains points ceux de Josh Scogin sur les premiers albums de Norma Jean ou de The Chariot. Image mentale : entraîneur de football gaëlique, joueur de soûle. Cet ours a des beuglements assez impressionants, auxquels il a pris le soin de rajouter un peu de saturation. Petit bémol, il y a quelques plans où il a foutu vraiment trop de saturation, heureusement que ça ne dure pas parce que ça use vite l'oreille. Mais le bestiau a aussi des sentiments sous son poitrail poilu, en témoigne l'unique plan en chant clair (pas trop dégueulasse au passage) à la Deftones sur "Myolden". Titre qui dégage également des atmosphères à la Cult Of Luna, mais toujours sur fond de pilonnage intensif, c'est une putain de constante chez eux. Les titres avoisinent les 7 minutes, mais, avec le cul vissé sur sa chaise, les yeux grand écarquillés et la mâchoire grande ouverte, ils passent comme du petit lait. Et retenez quand même que le mélange des influences produit ici une musique avec sa propre personnalité, Black Sheep Wall est bien plus qu'un Subutex aux formations citées dans cette chronique. Tandis que les pompeurs ne reprennent que les ingrédients, eux reprennent les tripes et se baladent avec les couilles des premiers en bandoulière.

Bon, vous avez dû comprendre que cet album est une boucherie sans nom, et ça fait d'autant plus mal quand le groupe débarque de nulle part. Seul vrai regret, le fait qu'il ne reste que 6 vrais titres au compteur, une fois qu'on y a enlevé l'intro Merzbowisante, l'interlude dispensable et le n'importe quoi final qui a pour seul intérêt de nous apprendre comment sonne une basse ultra lourde quand on y rajoute un Octaver. Enfin les 6 titres de malades font quand même 40 minutes au total, ça vaut 100 fois le coup, et ça le vaudra 1000 fois plus pour vous une fois que je vous aurai révélé que l'album coûte la somme astronomique de...5$, soit même pas 3 euros 50, moins cher qu'un Audispray! Qu'est-ce qu'on nous raconte pas comme conneries sur le pouvoir d'achat, 60 millions de consommateurs vient de perdre toute crédibilité! Un investissement bien plus judicieux qu'un placement estampillé Jérome Kerviel, meilleur rapport qualité/lavage d'oreille/prix de l'année... Mais bordel, qu'est-ce que vous foutez encore là, filez les écouter!


Rédigé par : Crown_me | 17.5/20 | Nb de lectures : 16341