Si vous êtes un amateur averti de Black atmosphérique décharné que chez VS, on aime bien appeler le « Black à casquette », vous avez forcément déjà dû entendre parler du label italien Dusktone. Avec notamment COLD BODY RADIATION qui est devenu un des noms remarqués du Black « shoegaze », et peut-être des autres formations moins connues (dont certains stuffs ont également été chroniqués ici même), toutes œuvrant plus ou moins dans un Black/Doom atmosphérique voire dépréssif ou « post ». Le roster est plutôt orienté vers l’Europe, même si on note la présence de deux combos américains. Mais pour cette fois-ci, Dusktone est allé chercher un peu plus loin en dénichant BLACK HATE (nom très original s’il en est…) de la capitale mexicaine.

Il faut bien avouer qu’on a du mal à imaginer un groupe venant du pays des sombreros, des tacos et de la plage de Cancún, faire du Black tristounet et résolument dépressif. C’est pourtant dans du pur DSBM à vocaux déchirants et à prod grésillante qu’a commencé la carrière de BLACK HATE. Formé en 2006, cet ex-one man band (comme toujours pour le DSBM) devenu un groupe à part entière courant 2012 avait été particulièrement prolifique en sortant pas moins de 6 splits entre 2008 et 2011, discographie complétée par une démo, un EP, une compil de raretés et un premier album en 2010 (Years Of Solitude). Après ce premier album ô combien lambda de DSBM (et plutôt inécoutable, pour le peu que j’en ai écouté), B.G. (Beau Gosse ?) a choisi d’évoluer et pas qu’un peu. Le fait de retrouver une cover de LIFELOVER sur le split Shadows Of Tragedy précédant la sortie de ce second opus donne déjà une petite idée du virage, pleinement assumé, que va prendre BLACK HATE vers un Black-Metal plus expérimental, désormais taxé de « Avantgarde Bleak Black Metal ». B.G. a alors encore composé tout seul Los Tres Mundos, mais le projet bénéficie désormais de l’apport d’un line-up complet pour ses futures sorties. Mais même sans camarades de jeu, B.G. a su faire évoluer BLACK HATE avec un Los Tres Mundos plutôt créatif, surtout par rapport au DSBM d’avant.

Derrière cette pochette Metastazisienne (mais réalisée par Antithesis de Cold Poison) se cache donc un album au concept apocalyptique, où 3 dimensions permettent aux visions et rêves de B.G. de devenir réalité, néanmoins ce dernier désire que le nom de l’album soit sujet à l’interprétation de l’auditeur. Fini le DSBM à longs trémolos saturés de 12 minutes, place à un BM un peu plus couillu dans l’ensemble, mais toujours dans une optique décharnée et résolument négative. LIFELOVER bien évidemment, mais aussi BETHLEHEM, NYKTALGIA, FORGOTTEN TOMB et les premiers SHINING viennent à l’esprit en écoutant Los Tres Mundos, bien que BLACK HATE démontre un touché assez personnel. La production est très bonne, il faut certes se farcir les vocaux criards souvent hallucinés mais on s’y fait vite, et il y a un sacré gouffre sur la forme entre Years Of Solitude et Los Tres Mundos. Outre les trémolos mélodiques omniprésents, BLACK HATE va aussi nous proposer quelques passages rythmiques assez efficaces et de très bons solos, ce qui constitue vraiment le petit truc en plus du projet. L’album démarre d’ailleurs en trombe avec le très bon "Lians-Per-Ti" qui aligne assauts rapides et riffs plus lourds, avant d’enchaîner sur le percutant "Ika-Nun-Na", qui surprend avec sa partie centrale incantatoire qui évoque un BLOOD OF KINGU voire un HATE FOREST de par le final furieux !

La suite de l’album s’oriente davantage vers un Black/Doom très bien torché, avec comme points d’orgue le plus atmosphérique et prenant "Subconsciente", et le single suicidaire "La Ultima Solución". Los Tres Mundos est un album ambitieux, mais qui du haut de ses 57 minutes et de son aspect « premier essai longue-durée dans un nouveau style » souffrira logiquement de quelques longueurs, notamment au sein du semi-acoustique "Glorious Moments" et de l’interminable et répétitif morceau-titre. On déplorera aussi le chant clair un peu foireux ici et là, et les interludes inutiles (les samples de guerre et sirènes d’incendie sur "II", un peu trop hors-sujet musicalement avec le reste de l’album, ou encore le 100% acoustique "Revelación" cool mais sans intérêt). Mais emballé dans un digipack très classieux, ce second album de BLACK HATE vaut vraiment le détour. Loin de tous ses confrères Post-Shoegaze-à-casquette de Dusktone, le projet mexicain fait mouche avec son Black dépressif original et très varié, qui propose des choses plus qu’intéressantes au fur et à mesure que l’album progresse. Probablement la meilleure sortie du label italien d’ailleurs (voire le premier truc de qualité un minimum honorable dans leur catalogue). Un disque surprenant, qui n’est pas seulement destiné aux amateurs de Black tristounet qui se taillade les veines dans la cave et aux autres hipsters à lunettes qui surfent sur Pitchfork. En attendant de voir ce que B.G. va faire avec d’autres contributeurs, ces 3 mondes unis de BLACK HATE sont à explorer sans plus attendre.


Rédigé par : ZeSnake | 15/20 | Nb de lectures : 12888