Le Subutex n'est censé être qu'un traitement de substitution à l'héroïne, mais son usage est fréquemment détourné histoire de pouvoir aisément entretenir son addiction. Pour les mecs comme moi qui seront toujours trop pauvres pour pouvoir se droguer, métaphorisons sec: Gaza=héroïne. Le genre de groupes qui te fait te relever la nuit, qui te plante dans des états seconds, qui te procure des montées incomparables. Mais du Gaza, y'en a pas tous les jours, et en attendant depuis bien trop longtemps la sortie d' "He Is Not Coming Back" qui annihilera 95% des groupes se voulant menaçants, faut bien ronger son frein.

Don du coup, faut bien qu'on essaie de pallier ce manque. Alors on se tourne vers d'autres produits du coin. Les tranquillisants pour chevaux avec Jument, très efficaces, l'opium assommant avec Black Sheep Wall. Et puis apparaît "Utah", premier EP de Bird Eater. Le Subutex. Ca a quasiment la même composition que Gaza (même hurleur, même guitariste, et l'ex-gratteux), ça a quasiment le même goût que Gaza (chaos+hardcore+sludge), et ça a quasiment le même effet sur l'organisme.

Parce que c'est censé être prescrit par les médecins hein, ils vont pas te coller un truc aussi costaud... Donc le tout va être délayé avec de la bonne ambiance désertique from l'Amérique paumée (ça vient toujours de Salt Lake City) pouvant rappeler les atmosphères planantes de la clique Old Man Gloom, Zozobra et cie. Mais il n'y a pas de quoi roupiller pour autant. Car Bird Eater ne sait que trop bien comment planter un bordel monstre en deux coups de médiators. Bien qu'étant moins tarés que ses guillerets gazouillis chez Gaza, les brutaux growls monolithiques de Jon viennent t'expédier à l'autre bout de ta piaule, à grands renforts de refrains à chantonner la bouche en coeur ("BOVIIIIIINE/FLESH/DANCE!"). Ses acolytes viennent faire part de leur goût très prononcé pour les riffs ultra dissonants et totalement tarés ("The Crying Witch"), de rythmiques finement ciselées à la machette émoussée, et n'oublient pas de venir t'asséner quelques coups de massues méchamment sludge qui t'expédient mordre la poussière sans que tu puisses rien faire. Ouch.

Voilà donc un excellent traitement de substitution, qui devrait être reconduit à l'échelle d'un album durant ces douze prochains mois. On déplorera juste les intro+interlude+outro instrumentales, qui ne laissent que quatre véritables titres sur les sept que comporte ce EP, sinon c'est du nickel, du monstrueusement poutrant, du méchant, du fatal. Rien d'étonnant quand on sait que le groupe tire son nom de la Theraphosa blondi, soit la plus grosse mygale existante, qui prend un malin plaisir à se planquer dans les nids d'oiseaux vides en attendant de pouvoir se faire un petit apéro. Y'a pas à s'interroger sur l'utilité de ces Bouffeurs de Piafs malgré leur très étroite proximité avec G*z*, puisqu'ici ça joue quand même plus droit dans ses bottes (à éperons). Et puis que voulez-vous, face à l'addiction, il est toujours plus facile de se laisser replonger...


Rédigé par : Crown_Me | 8/10 | Nb de lectures : 10876