BETRAYING. THE. MARTYRS. Trois petits mots. Mais trois petits mots qui font toujours énormément jaser en ces pages et ailleurs aussi. Pour quelle raison ? Tout un tas. A tort ou à raison ? A raison. Ou pas. A tort. Ou pas. Mais malgré les polémiques, les critiques, le buzz, les avis tranchés, le groupe continue son chemin en tenant bien la barre de son navire et suivant son credo. Presque deux ans après une première démo ratée et sortie plus ou moins à la hâte, le groupe revient avec une signature sur un label ricain (Sumerian) et un album censé représenter au mieux la musique et l'identité du groupe. Plus question de t-shirts, d’internet, de jeans slim ou de fer à lisser, sur un album, un groupe se met à poil. Il est maintenant temps de parler musique et juste de musique.

C’est toujours compliqué de chroniquer un album comme celui-là car on a beau jouer les bravaches et les indépendants on est toujours plus ou moins influencé par ce qu’on lit et entend tout autour de nous. C’est donc avec un mélange de sadisme et d’excitation qu’on enfourne le skeud et qu’on ouvre grand les oreilles. La première plage n'est pas d’une grande utilité, une introduction pompière et grandiloquente qui donne pas super envie au premier abord. Le reste de « Breathe In Life » est plus engageant et passé les cinq premiers titres, on se dit qu’on tient enfin en France, un album de « deathcore » capable de rivaliser avec les grosses machines ricaines. Et oui. Les titres « Martyrs », « Man Made Disaster » ou « Because Of You » sont vraiment bons dans leur style. Bien composés, bien écrits, bien joués. Avec de la brutalité à revendre et un son vraiment maousse. Presque trop maousse même, du coup, je trouve que sur certains passages de « Martyrs » les guitares sont un peu trop en retrait, gommées du premier plan par les claviers et la basse trop grondante, alors qu’avec leur qualité, les riffs méritent d’être mis plus en lumière. On pense beaucoup à toute la vague death(core)/black sympho avec une petite touche edgemetal ricain. Niveau guitare j’ai souvent pensé au groupe floridien Undying, capable de balancer des riffs habités et imagés, presque christiques, sans mauvais jeux de mots. Et c’est cette vibe que, sur cet album, BTM a réussi à capter là où sur leur premier EP ils tombaient toujours à côté. On notera aussi une petite influence Heaven Shall Burn sur « Tapestry Of Me » et une vraie volonté de proposer une musique violente et brutale, quand le groupe part en blast et en growl, il ne le fait pas à moitié. L’évolution qualitative est flagrante et on sent que le groupe s’est énormément investi dans cet album.

L’arrivée du nouveau brailleur n’est certainement pas innocente à cette évolution positive du groupe parisien. Ses capacités vocales, bien qu’encore insuffisamment exploitées sur cet album, sont énormes et avec de meilleurs automatismes et une vraie symbiose avec le noyau dur du groupe, il devrait apporter énormément au groupe grâce à la profondeur de son organe incomparable avec celle de son prédécesseur. Malheureusement cet organe n’est pas assez mis en avant et cède souvent la place à la voix claire. Une catastrophe si celle-ci n’avait pas été maîtrisée et appliquée. Moi qui suis tout sauf friand d’envolée de vocalises claires, j’avoue avoir été surpris par la qualité de celles-ci. La voix de Victor est très placée et écrite sur les titres « Man Made Disaster » et « Because Of You » si bien qu’on se surprend à les fredonner sans même s’en rendre compte au premier rayon de soleil venu. Certains trouveront ça gay et un peu facile, moi le premier habituellement, mais ici je dois baisser les armes et avouer que tout ça passe parfaitement bien et amène une vraie ambiance aux morceaux, une identité de groupe même. Maintenant si niveau justesse et placement, y’a pas grand-chose à redire, va falloir un peu travailler l’accent english parce que sur certaines phrases de « Because Of You » par exemple (Zère is now escaïïpe) ça sonne trop Jean Paul Gaultier.

Tout ça, ce concert de louanges, c’était pour la première moitie de l’album qui est excellente. Tout simplement. Le groupe maîtrise son sujet, voit clair dans sa musique et s’arrache afin de proposer un travail propre et de qualité. Les claviers sont présents mais pas trop, sonnent juste et beaucoup moins grandiloquents cheap que par le passé. Sur la deuxième moitié de l’album, à partir de « Leave It All Behind » c’est moins convaincant, les claviers sont moins bons, les lignes de chant plus banales, les riffs plus passe-partout. On croirait entendre du sous Behemoth, du Winds Of Plague ou encore du deathcore basique. On ne ressent plus cette vie qui animait tout le début de « Breathe In Life », comme si BTM se reposait sur ses acquis et partait en roue libre. L’exemple le plus parlant est « Love Lost », titre de deathcore classique et banal déjà entendu en mieux un peu partout et sur lequel la voix claire n’apporte cette fois rien du tout et pue un peu le gimmick pas frais. Alors qu’il débutait si bien, « Breathe In Life » sombre peu à peu dans la banalité. Pas que les morceaux soient affreusement ratés, non, ça reste correct mais bien en deçà de ce que peut produire le groupe quand il s’en donne les moyens. Maintenant vient le titre « Azalee », petit aparté mélodique de l’album qui peut être vu comme une « ballade » construite au piano rehaussé de quelques effets électronique. Un titre sur lequel je suis partagé : certains jours je le trouve très bon et le lendemain je le trouve mielleux et gluant. Si la voix n’est pas à remettre en cause, excepté la petite remarque sur l’accent anglais pas toujours au top du hip hop, je pense que ce qui déstabilise sur ce titre ce sont les effets un peu inutiles. Le titre gagnerait à être dépouillé et simplement exécuté autour d’un piano/voix tout simple. Niveau lyrics et thématiques le groupe, chrétien assumé et revendiqué, ne s’en sort pas trop mal en évitant le piège trop évident du prosélytisme préchi-précha et autres bondieuseuries du même goût rance. Les thèmes abordés sont souvent positifs et parfois un peu ésotériques tranchant avec le nihilisme en carton de la plupart des groupes du style. Je ne dis pas que c’est mieux, c’est juste différent. Et pas trop stupide en plus.

Que conclure au final de ce premier effort de BETRAYING THE MARTYRS ? Que le groupe, car oui, c’est un vrai groupe, surprend par la qualité de certains de ses morceaux en démontrant un vrai potentiel de musiciens mais qui ne convainc pas sur la durée d’un album entier. Maintenant, « Breathe In Life » est un album plus que correct et situé largement au-dessus de la moyenne du groupe de deathcore lambda. Aux attaques, le groupe répond par la musique. Alors désolé pour les esprits chafouins mais il va maintenant falloir se trouver de nouvelles victimes à caillasser. Je vous conseille d’aller chercher du côté de chez Victory Records, y’a une belle brochette de tronches de vainqueurs par là-bas.


Rédigé par : Seb On Fire | 13.5/20 | Nb de lectures : 17132