Bethlehem fait partie de ces groupes pour lesquels j'ai une affection toute particulière. Sans me considérer comme un fan, je prends plaisir à suivre l'orientation de leur carrière, à écouter consciencieusement chaque nouvelle sortie qu'elle soit bonne ou mauvaise, en me moquant éperdument du battage médiatique, du bouche à oreille ou d'un quelconque effet de mode. J'avoue ne pas aimer tout ce que les allemands ont fait depuis leurs débuts en 1991. Comme je l'avais déjà relaté dans la kronik de leur cd-rom (si, si !) "Suicide radio", j'apprécie beaucoup quand le groupe officie dans le dark-metal sombre qui les a "révélé" à la face de l'underground mais déjà moins quand ils se sont perdus en circonvolutions folkloriques ou en expérimentations bizarroïdes comme sur une bonne moitié du pourtant très bon "Schatten aus der Alexander Welt". Dans tous les cas, cette formation reste un groupe atypique, à la personnalité très marquée qui ne peut clairement laisser l'auditeur de marbre.
Ce cinquième album m'a plutôt surpris lors des premières séances d'écoute. Tout d'abord la production est énorme. D'une clarté exceptionnelle, puissante et qui sied à merveille à mes oreilles convalescentes, elle tranche avec les sonorités souvent plus spartiates d'antan. Ensuite, le style abordé est plutôt spécial. Ce disque de metal gothique est vraiment très mélodique, chargé d'harmonies très recherchées, de lignes de guitares chiadées, de vocaux masculins clairs limite lyriques tout en restant terriblement oppressant. Sur la base d'un metal lourd, Bethlehem pose son empreinte et a conçu "Mein weg" comme une oeuvre piège. Telle la toile tissée par une perfide araignée, on se retrouve tout d'abord englué par naiveté dans une douce soie qui nous hypnotise par sa mélancolie et sa beauté. Ensuite, l'animal emprisonné prend conscience du traquenard dans lequel il est tombé et se retrouve enfermé dans un univers noir, désespérément pessimiste mais d'où l'on se résigne à ne plus vouloir sortir. On se rend compte rapidement du côté obscur de Bethlehem avec la fausse ballade "Frl.Deutsch" dont le break est extrait du film "Shining", le trop doux morceau "Felbel Fittlich" ou carrément avec des morceaux plus violents comme le génial "Cinsargen" et ses gros vocaux , le vicelard "Dr.Miezo" qui renoue l'ombre d'un instant acec l'hystérie d'autrefois ou bien le très sabbathien "Knochenkorn" et son ambiance propre à trucider toute sa famille, Fluffy le cochon nain compris.
Ce disque a pour grand avantage d'être incroyablement varié tout en restant parfaitement homogène. Pour preuve, je l'écoute depuis trois mois très régulièrement sans éprouver la moindre lassitude. Il est évident que les vocaux en allemand (avec les roulements de "R" de rigueur), le concept complètement hermétique et les refrains très lyriques rebuteront tous ceux qui ne feront pas un effort d'intégration au trip de Bethlehem ou qui découvrent le groupe avec cette oeuvre si particulière. Si "Schatten aus der Alexander Welt" est l'album le plus proche de "Mein Weg" dans la discographie du groupe, on atteint ici un degré supérieur dans tous les domaines, que ça soit dans la recherche mélodique bien moins sommaire qu'auparavant que dans la mise en place d'une atmosphère d'une noirceur presque inégalée dans le genre. Clin d'oeil ultime à la fin de l'album : le ghost track qui suit "Maschinensatan" (la suite du génial "Maschinensohn" ?) est une reprise du "My way" de Sinatra. Souhaitons que la voie du succès leur soit enfin grande ouverte avec cet album. J'adore.


Rédigé par : Loufi | 18/20 | Nb de lectures : 11506