Qui oserait reprocher à Behemoth son travail acharné ? Le consciencieux Nergal a poussé son groupe dans une pente ascendante depuis "Thelema 6", atteignant le panthéon du métal extrême à la force du poignet et s'ouvrant les portes de la reconnaissance sans jamais négliger le moindre détail. Mais, Nergal a aussi su ouvrir grand les oreilles et les yeux et il intègre continuellement des éléments qui perfectionnent encore plus sa machine de guerre.

Alors oui, la tourné avec Nile a eu un impact énorme après le transitoire "Thelema 6", poussant Behemoth vers un death de brutausore à poils durs dans un "Zos Kia Cultus" brutal et sans concession. Mais ces concerts ont aussi inspiré les Polonais pour leur mise en place des ambiances qu'ils vont bien plus développer dans "Demigod". Logiquement, "The Apostasy" porte son lot de cuivres vrombissants et de thèmes mélodiques graves, sombres et absolument renversants. N'allez pas dire que j'accuse Behemoth de plagiat. Pas du tout, Nergal écoute, décante et intègre chaque chose à SA vision, gardant toujours son originalité et sa patte furibarde.

Encore une fois, "The Apostasy" est un album hyper préparé, fignolé aux petits oignons, mais qui porte totalement la marque personnelle du dieu de Gdansk. Nergal ne veut pas être associé à la scène death, mais cela fait maintenant un septennat que son bébé nous traumatise les tympans à coups de gros death teinté black. Pour un néophyte y jetant une oreille distraite, voilà du Behemoth dernière époque pur jus. Du Behemoth pur jus, mais qui n'empêche pas les amateurs d'avoir quelques surprises dans ce successeur longue durée de "Demigod".

D'entrée de jeu, on peut parler des voix. Nergal a voulu revenir à quelque chose de plus naturel et moins forcé. Ses parties vocales sont donc moins variées mais le rendu final est excellent et sied parfaitement. Nergal éructe ses textes avec une haine viscérale et gutturale, à faire tomber les papiers peints. La surenchère de chœurs de "Demigod" semble pourtant terminée et c'est tant mieux tellement l'effet devenait convenu. Warrel Dane, le chanteur de Nevermore, vient aussi placer quelques lignes de voix claire sur le surprenant et mélodique "Inner Sanctum", titre excellent dans sa variété avec un final à en manger ses chaussettes de contentement. Les chœurs de voix claires peuvent encore rappeler les ambiances égyptiennes posées par Nile, mais ils figurent avec justesse dans cet album et sont dévastateurs de puissance dans une ambiance de fin du monde.

Les rythmiques death si caractéristiques sont évidemment de la partie, lancées à pleine vitesse et faisant fuser leurs harmoniques artificielles. Comme d'habitude, pas mal de passages viennent calmer la colère par leurs accords plaqués. L'équilibre entre riffs de transition "plombier polonais" et rythmiques bulldozer "déménageur breton" est impeccable, dans des morceaux très variés entre les titres sautillants et rentre-dedans (comme "Pazuzu") ou les morceaux grondants et plus lourds d'ambiance. Le tout est relevé de pleins, pleins de petits effets accrocheurs, pleins de gâteries planquées dans le spectre sonore. Encore du très beau boulot, fignolé main par un artisan orfèvre qui maîtrise son art. Et même sans la dissection musicale, cet album est dans son ensemble une méga-baffe. Quitte à choisir un tank pour se faire rouler dessus, les Chinois de la place Tien An Men vous conseille un Behemoth.

La production est monumentale, comme on s'y attendait, avec des grosses guitares bien en avant. Les Polonais détiennent la recette magique pour faire sonner leur démesure, pour faire trembler les vitres tout en gardant le glissement des doigts sur les cordes. Le jeu de batterie est évidemment thermo-nucléaire et Inferno démontre encore une fois la place essentielle qu'il tient dans le groupe. Et ce line-up si ultime est bien stable : le trio s'est à nouveau fait épauler par le guitariste Seth qui les accompagne en tournée et qui a déjà participé à "Demigod".

La vraie différence avec l'album précédent est finalement visuelle : la pochette est une photographie travaillée à partir d'une vraie sculpture. Encore une fois, Nergal a voulu évolué et se détacher des tripatouillages numériques "que tout le monde fait maintenant". Le rendu peut laisser dubitatif au premier regard mais il a vraiment son charme. Les photos du groupe tout de cuir vêtu et portant des bannières noires frappées de l'aigle polonais pètent grave. Rien n'est jamais laissé au hasard et il faut avouer que ça le fait et qu'on va se prendre avec joie notre lot de poses dans les démastiquages en live.

Quarante minutes et l'anti-messe est dite. La durée de ces onze titres (dont une intro) est idéale, ne tombant pas dans une surenchère qui pourrait être lassante sur la longueur. Au contraire, l'album est un pitbull ultra-efficace, serré comme un expresso italien. Et la galette se termine alors que je ne suis pas encore rassasié. Ah les coquins, ils me tiennent !! Encore !!

Le dieu polonais siège depuis un moment sur son trône. Behemoth reste LE fer de lance de la scène polonaise, jusqu'à l'étouffement mais tellement au-dessus de la meute de suiveurs. Et ce n'est pas près de s'arrêter.

Je vous conseille une visite sur leur superbe site. Un second extrait vous y attend.


Rédigé par : Prince de Lu | 18,5/20 | Nb de lectures : 18234