Depuis quelques années Behemoth fait figure de leader de la scène death polonaise, pourtant l’histoire du groupe est longue et prend ses racines dans le black. Le réel changement s’est opéré avec "Satanica", album avec lequel Behemoth nous a dévoilé sa nouvelle personnalité. "Satanica" album de la révélation, suivi de "Thelema 6" album de l’affirmation et "Zos kia cultus" album de la confirmation. Aujourd’hui Behemoth est une machine bien huilée qui continue sa route sans trop se soucier d’éventuels concurrents. Fidèle à la ligne de conduite qu’il s’est fixé depuis maintenant 5 ans, le groupe nous livre une nouvelle offrande certes moins choquante et innovante pour les aficionados que ne l’avait été "Satanica" mais tout aussi jouissive. On peut donc définir ce "Demigod" comme l’album de la concrétisation ; servant à la fois de bilan puisque nous y retrouvons tous les éléments des trois derniers disques et de tremplin puisque le groupe à changer de son et de label.

Musicalement le nouveau line up est très en place et n’a rien a envier à l’ancien, l’énergie et la vivacité du combo sont présentes dans chaque riff ; en témoigne l’agressivité du titre d’ouverture « sculting the throne ov seth » qui après une intro acoustique lamine les oreilles de l’auditeur avec une batterie impressionnante. On pense déjà au futur carnage sur scène. La technicité, autre marque de fabrique du groupe est également plus que jamais présente, la linéarité semble être un terme banni tant les morceaux regorgent de changement de rythme, la jonction entre blast beat et mid tempo se faisant avec une déconcertante facilité. Les ambiances ésotériques incarnées par une guitare sèche, outro de « the nephilim rising », ou par des cuivres comme sur l’intro de « demigod » sont toujours de la partie, mais ce n’est rien en comparaison du dernier titre de plus de huit minutes. Présentant une intro et une outro très épique « the reign ov shemsu-hor », s’il est plus « calme » que le reste des titres, clôt l’album de façon magistrale et montre un nouveau visage de Behemoth, plus nuancé et moins furieux. Mais l’essentiel de cet album est le bloc homogène que constituent les 9 autres titres sans concession, véritables brûlots death.
Que dire de ce Demigod si ce n’est que tout y est chirurgical, mais attention, on ne parle pas de la chirurgie des blocs opératoires sensée réparer, mais plutôt de la chirurgie militaire, celle des frappes réglées au millimètre et destinées à anéantir un point bien précis. Ici la victime, pour le coup consentante, est l’auditeur. A l’image de combos comme Nile ou feu Septic flesh, Behemoth a sa propre vision du death métal. Bien que différent des deux groupes précités, il a en commun ce mélange de puissance et de mysticisme qui transcende la simple brutalité. A la fois violente et hypnotique la musique de ces groupes offre une vision moins primaire du death. D’ailleurs l’influence de l’ange morbide qui fut le grand initiateur du style est toujours bien présente. Et quand Behemoth rajoute par dessus tout ça un soupçon de thrash (le riff de « conquer all »), on ne peut qu’acquiescer.
Difficile en effet de résister à la puissance de feu de cet album ou foisonnent blast beats et riffs redoutables. Comment ne pas s’extasier sur la puissance rythmique d’un titre comme « towards babylon » avec sa double grosse caisse frénétique ? Comment résister au chant guttural parfaitement maîtrisé de Nergal ? Ce dernier crache sa rage à la face du monde avec une telle conviction ! Et que dire de ces solos de grattes d’une pertinence et d’une sensibilité rare ? Jamais superflus ils apportent indéniablement un plus surtout au niveau de l’ambiance de chaque titre.

Personnellement j’adhère en totalité à ce Behemoth 2004 qui s’affiche ouvertement plus conquérant que jamais. Je peux toutefois comprendre qu’on lui reproche une certaine « frilosité » dans la prise de risques puisque le groupe se contente de faire ce qu’il sait faire ; mais il le fait à merveille justement. La remarque est aussi valable pour la production (signé bergstrand) qui, si elle est excellente, rend le tout peut être un peu trop propre. En tout cas Behemoth ne déçoit pas avec cet album et s’affirme pour le coup comme leader de la scène death européenne. Après l’Europe, le monde. Après le demi dieu pourquoi pas le trône suprême puisque les anciennes idoles sont en perte de vitesse, on verra ça sur le prochain album.
Quand on pense que Behemoth décuple sa violence sur scène, on se dit que quelques séances de remise en forme vont être nécessaire pour se jeter dans la fosse surchauffée. Nul doute que le nouveau line up sera tout aussi performant que l'ancien.


Rédigé par : dark tranquilou | 17/20 | Nb de lectures : 14604