Si vous avez un groupe vous vous êtes sûrement dit un jour : "oula faut pas qu'on soit plus de 5 membres sinon ma part de pognon si ça marche sera minable". C'est sûr que faire comme Slipknot n'est pas un modèle, les parts sont séparées en huit pour payer deux branques qui tapent juste sur des tonneaux, c'est pas rentable. Et bien faites comme nos comparses germaniques de Beehoover qui ont trouvé la parade pour gagner plus de pognon, être que deux !!
Bon vu que leur musique est ultra étrange et peu abordable il semblerait que ce ne soit pas encore la solution. De toute façon si vous voulez gagner du pognon ne faites pas de stoner.

"The Sun Behind The Dustbin" est le premier album LP des Allemands Beehoover, le groupe ayant déjà sorti trois EP qui étaient jusqu'alors plus adaptés à leur musique. Le duo Basse/Batterie formé de Ingmar Petersen et Claus-Peter Hamisch, s'est échappé quelque temps de leur groupe doom Voodooshock pour nous livrer ce petit ovni musical sur le label Southern Records (Chrome Hoof, Prong, Trencher...). Et à l'instar de ces confrères du label, le résultat est tout aussi étrange et expérimental, les duos complémentaires basse/batterie ayant pas mal de succès ces temps-ci : Black Cobra, Om...
Dès les premières mesures du titre "Yellow Mile" qui ouvre l'album, une pensée va vous venir en tête : "mais qu'est-ce que c'est que cette voix de merde !!". Oui je sais elle surprend au départ mais au bout de quelques minutes seulement elle devient familière et passe sans problème. Beehoover développe un stoner ambiant plutôt psyché, heavy et vintage mais avec des parties planantes, progressives et jazzy très prenantes. L'influence Krautrock, Primus et Black Sabbath est bien là mais il y quelque chose de plus, quelque chose de Toolien !
Outre le jeu de basse de Petersen proche de celui de Justin Chancellor, les structures même des chansons ainsi que la mise en place des parties chant et du phrasé (au-delà de la voix particulière de Petersen) sans oublier l'intelligence de composition se rapprochent de Tool. Les titres "Paraffin Oiler", "The Hospice Inn", "The Sun Behind The Dustbin", "Erebus" auraient très bien pu être des squelettes d'un album de Tool, mais ils se suffisent à eux-mêmes, et c'est là le tour de force de Beehoover. Les guitares ne manquent pas une seconde. Le son est ample, profond, il a ce côté Toolien tout en ayant la chaleur, la lourdeur et les tonalités basses et heavy propre au stoner.
Les échanges avec la batterie sont d'une fluidité et intelligence qui forcent le respect, le tout s'égrenant sur plus d'une heure sans une once d'ennui. Deux titres marquent une petite pause dans l'exploration doom/stoner des Teutons : "Nice Romantic Evening" où Ingmar Petersen laisse sa basse pour saisir une guitare acoustique et jouer une sorte de blues moderne planant et progressif à l'ambiance mélancolique, et "Spinster" qui est un blues tout ce qu'il y a de plus classique, c'est à dire un bonhomme inspiré, une gratte acoustique, une rythmique faite en tapant du pied, le tout sûrement enregistré dans l'instant et dans une pièce vide sans préparation.
Un troisième titre qui lui est plutôt un interlude inclassable nommé "Arrrgh!" se présente juste avant la dernière piste monumentale qu'est "Erebus". On y entend une prière ou psalmodie d'une jeune femme dans une langue que je ne peux pas identifier (peut-être de l'hindi) et qui rajoute encore un certain mystère à Beehoover.

Plus qu'un simple groupe stoner ou drone, Beehoover a un son, une ambiance et une image propre. Alors en effet, la voix est étrange et rappelle un Ozzy Osbourne enroué, mais si on se laisse un peu aller c'est un voyage que propose le groupe avec "The Sun Behind The Dustbin". Le dernier Sunn O))/Boris ne m'ayant pas emballé, ASVA ne me parlant pas plus que ça, Chrome Hoof étant dans un autre trip (c'est le cas de le dire), c'est avec grand enthousiasme que j'accueille ce p'tit-là.

Je ne saurai que trop vous conseiller de poser une oreille sur The Sun Behind The Dustbin, si vous aimez le stoner un peu barge et expérimental, si vous aimez les tonalités basses et les rythmiques progressives et si vous aimez Tool et la basse (bien que ce soit très différent, ne vous excitez pas en me disant que vous n'avez trouvé aucune ressemblance et qu'il ne faut pas faire de comparaison) je pense que ça va vous faire de l'effet.

Un groupe et un album intelligent, une musique mélancolique, très imagée et un peu avant-gardiste tout en restant dans le stoner classique. Moi j'en fais mon champion dans la catégorie "musique expérimentale" cette année. Allez qu'un concurrent se ramène je l'attends !!


Rédigé par : Layne | 16.75/20 | Nb de lectures : 11979