Approchez damoiselles et damoiseaux, et entrez dans le chapiteau lugubre qui voit soir après soir jouer Bawdy Festival, jeune groupe de clowncore qui vous présente avec une délectation malsaine son premier spectacle musical et sa première livraison discographique CD/DVD : « Tri Nox Samoni : Into The weird Side ». Venez redécouvrir les éternels calembours, l’impétuosité des numéros et la folle jeunesse d’un posse qui joue selon les règles et les codes d’une école qui fait le bonheur des petits et des grands depuis des millénaires.

Vous l’aurez compris, on va parler ici de tartes à la crème, de clowns faisant peur, de metal-hop-core et de mise en scène soignée. Les « Bawdy festival » sont un groupe actif depuis 2003 et nous propose donc ici, leur première offrande discographique.

Des « Clowns tueurs venus de l’espace » à « « Il » est revenu » en passant par « Evil Clown » et « Dead Clown » le concept du clown psycho et dangereux a beaucoup inspiré le cinéma d’horreur et donc le métal, le hardcore et le hip hop.
D’où vient cette fascination d’ailleurs ? Certainement de John Wayne Gacy, un sérial Killer américain qui avait l’habitude de se déguiser en clown pour amuser les enfants et du terrifiant roman de Stephen King « Ca » qui a marqué plus d’un adolescent.

J’aurais du mal à dire quel est le premier artiste qui a essayé de faire peur avec le concept du clown. Il y a bien sûr Shawn de Slipknot, Insane Clown Posse et les Béruriers Noirs qui sont parmi les plus connus, mais si on regarde bien, il ne sont pas des tonnes à s’être grimés en Bozo (car bien que certains le pensent, tous les mecs qui se maquillent ne sont pas tous des clowns).
J’ai quand même envie de dire que même si peu de personnes l’ont fait, ils ont défini les canons du genre et Bawdy Festival se balade donc dans un sentier bien balisé. Ceci étant dit, place au son et aux images.

La première des choses qu’il faut dire, c’est que Bawdy Festival ne se fout pas de la gueule du monde avec ce beau package. L’artwork est soignée, l’imagerie du groupe déjà bien travaillé, le DVD de très bonne qualité et la musique carrée comme une haltérophile slovaque.
Le groupe affiche donc un professionnalisme marqué et se donne les moyens de proposer un spectacle de qualité. Le groupe évolue dans un registre Nu-Métalo-Hop-core avec beaucoup de samples, des mid tempos et une voix abrasive qui hurle et crache un Flow nerveux.
Apparemment assez influencé par le Hip Hop West Coast, le groupe prend le risque de venir jouer sur un terrain où peu (aucun ?) de groupes français ont réussi à s’imposer, à savoir le grand guignol musical, coincé entre Alice Cooper et Rob Zombie.

Je me souviens que le chanteur d’un grand groupe de metal français (aujourd’hui dissout) m’avait dit qu’il ne pensait pas que Kiss, Marylin Manson ou Slipknot auraient eu du succès en France s’ils avaient été eux-mêmes des Froggy. Ce que le bougre oubliait, c’est qu’on n’avait jamais eu de groupe de la trempe d’Alice Cooper pour le vérifier.
Parce que quand on regarde le DVD du show des BF, il est clair qu’on ne s’ennuie pas. Le groupe a visiblement mis les petits plats dans les grands en invitant une pléiade d’invités qui interviennent dans le cadre d’une mise en scène soignée. Comme je le disais plus haut, le groupe œuvre dans un registre grand guignol et a les moyens de bien faire les choses.
Le show fonctionne très bien et la fosse composée de Kids grimés comme le groupe pogotte méchamment à plusieurs moments.

Les chansons usent d’artifices connus avec des recettes groovy hérités du milieu des années 90 mais le groupe a suffisamment de personnalité pour qu’on s’attarde vraiment sur leur musique. Le chanteur a une bonne voix, le clavier est un instrumentiste furieux, le batteur et le bassiste groovent et le guitariste a la bonne idée de ne pas s’accorder trop bas afin de ne pas sonner trop Néo. D’ailleurs, heureusement qu’il y a de multiples mélodies typées « cirque » car elles apportent beaucoup aux ambiances que développe le groupe. En outre, cela permet aussi à la musique de ne pas trop sonner trop « classique ».
A noter aussi que le groupe a créé de nombreux intermèdes ponctuant son show. On voit donc apparaître tour à tour le petit chaperon rouge, un tueur sadique, une petite fille perdue et un groupe expérimental appelé « All Angel gone » qui vient jouer une musique classico-bizarre alternant avec les passages ultra lourds des Bawdy. La track list est un poil différente entre le DVD et le CD, chose toujours un peu gavas quand ton morceau préféré disparaît de l’un des supports.

Le groupe évite les clichés franchouillards, et même si à plusieurs moments il est très ricain dans son approche, il a ce petit plus qui fait que l’ensemble fonctionne. Le « projet » comme le dit le chanteur, est une réussite. Le DVD, est en outre accompagné de nombreux bonus, notamment une partie « Freak Show » où le groupe fait étalage de son petit musée des horreurs et de sa galerie de bizarreries (la femme à barbe, le condamné à mort, la petite fille perdue, le maniaque à la batte etc). Le makin of permet d’apprécier tout le travail qui a dû être abattu pour en arriver au résultat final. Mais ce n’est pas fini, il reste un clip, un teaser et une galerie photo. Quand on voit comment certains « grands groupes » se foutent de notre gueule en nous proposant des DVD tout nazes, on ne peut que dire merci et bravo à Bawdy Festival.

Je ne peux que saluer ce type d’initiative qui, même si elles ne plairont pas à tout le monde, offre une alternative intéressante à un paysage musical français qui gagnerait à se diversifier. Au niveau du CD, le tout a été enregistré live au « Les Cuizines », tout comme le DVD d’ailleurs. Il est certain qu’après avoir vu le DVD, les images manquent à la musique, mais il demeure cette pêche qui réussit à transpirer des enceintes.
Du très « kiss Army » « Clown Soldier » et son appel au rassemblement, au furieux « Bawdy MotherFucker » le groupe défouraille avec une énergie communicative.
Le chanteur a un flow suffisamment bon et une voix suffisamment solide et rocailleuse pour écarter direct toutes les comparaisons avec d’éventuels MC connus du Néo américain (tout au plus, on rapprochera sa voix de Corey Taylor au niveau des intonations). On voit d’ailleurs que même si le groupe à de claires influences américaines, rien ne remplacera une voix à la Joey Starr pour muscler un flow.

De très bons moments se dégagent de ce CD avec notamment « Shake ta boulimie » et ses textes bien fun et « D.O.A.K » qui avec son rythme ternaire, invite les fans à « Pogo-Valser », ce qui a l’air de bien amuser la fosse. Le groupe accueille aussi des invités musicaux (Merka et Le Saint) qui viennent pousser la chansonnette sur le très améwicain « Get Clowned », titre fédérateur s’il en est.
Comme je le disais plus haut, le style du groupe déplaira à tous ceux qui sont allergique au Grand guignol et aux sonorités typées néo. Mais je persiste et signe quand je dis que ce genre de groupe est suffisamment rare pour qu’on y prête de l’attention et qu’on rende hommage à leur démarche, beaucoup plus courageuse qu’il n’y paraît au premier abord. Des clowns oui, mais attention, pas des bouffons. Longue vie à Bawdy Festival.


Rédigé par : pamalach | 14.5/20 | Nb de lectures : 11506