Combien de reformations de groupes cultes se sont conclues par la sortie d'un nouvel album studio ne faisant pas honte au reste de la discographie du groupe en question ?
Ne cherchez pas, il y en a bien peu, et en tant que spécialiste des reformations sans lendemains les Bad Brains n'ont pas fait mentir ce triste constat.

Pour les ignorants qui ne connaissent pas les initiateurs de tout le mouvement hardcore, des présentations s'imposent.
Les Bad Brains sont une formation originaire de Washington DC formée en 1977 par 4 Afro-Américains rastafariens qui ont influencé tant de groupes qu'il faudrait un livre pour en établir la liste.
Si vous n'avez jamais entendu parler de ce combo, c'est que vous avez moins de 20 ans, que vous avez découvert le métal avec "Chaosphere" de Meshugaah ou que vous lisez les chroniques de Cobra ou Prinçou habituellement ... non, je plaisante, si vous n'avez jamais eu écho de l'existence de cette formation, c'est tout simplement parce que les Brains n'ont jamais su gérer leur carrière correctement après avoir acquis le statut de groupe culte dès le début des années 80. Le désintérêt pour la musique hardcore de leur chanteur H.R. en étant la principale raison, chaque sortie d'un nouvel album étant malheureusement suivie par quelques concerts, un split et un silence prolongé.

Les dernières tentatives de nouveaux enregistrements studio ont de plus été ponctuées par des albums à la qualité réellement discutable, à savoir "Rise" où apparaissait un nouveau chanteur Israël Joseph I clonant le style vocal de H.R. et "God of Love" sorti sur le label Maverick ponctué par la séparation du groupe suite à une altercation entre H.R. et un fan lors d'un concert au Kansas ... HR était alors dans un état second ayant consommé des champignons hallucinogènes avant le show.

Bref, si les Bad Brains continuaient à se produire sur scène de façon sporadique depuis 10 ans (comme le témoigne leur excellent album live "Soul Brains - Live from Maritime Hall" publié en 2000), la sortie d'un nouvel album était évoquée à droite à gauche depuis 2 ans avant que tout s'accélère en janvier 2007, les Bad Brains annonçant la sortie de ce nouveau disque, nommé "Build a Nation", produit par Adam Yauch des Beastie Boys.

A la lecture des titres de l'album, il est difficile de ne pas sourire, en constatant que le côté socio-politique des paroles de H.R. a complètement disparu, le thème central étant aujourd'hui la dévotion à Jah Rastafari, le dieu de la foi Rastafari ("Jah People Make the World Go Round", "Universal Peace", "Let There Be Angels (Just Like You)" etc).
On se met donc réellement à douter de la tournure de ce nouveau disque, en se disant qu'à bientôt 50 ans, il faudrait un miracle pour que les 4 membres originels retrouvent le feu sacré qui les animait il y a 25 ans.

Et pourtant c'est ce qui se produit.

La magie opère dès les premières secondes de "Give Thanks and Praises", où on retrouve un son de guitare cru expulsant des riffs incisifs appuyés par une batterie percutante sur lequel danse une basse ronde si identifiable. Les riffs vifs possèdent indéniablement le trademark du jeu de Dr Know du début des 80s alors que les passages plus mid tempo rappellent les meilleurs moments de "Quickness" sorti en 89. Le son de basse de Darryl Jenifer n'a jamais été aussi bon avec une distorsion vibrante excellente. De son côté, H.R. reste fidèle à lui même abusant des "échos", changeant d'intonations sans toutefois se lancer dans des pics de rage comme il le faisait dans sa jeunesse, quelques chœurs judicieux et plus "rentre-dedans" renforcent son chant sur les titres les plus rapides.

"Build a nation" est composé de 14 titres, 9 brulots hardcore et 5 chansons reggae comme le veut la tradition. Côté hardcore, on passe du rapide "Pure Love" de moins d'une minute qui aurait pu être issu des "Roir sessions" à des titres fusion mid tempos comme "Expand Your Soul" qui dépasse les 3 minutes. Côté reggae, les vrais amateurs des Bad Brains seront ravis de retrouver des compositions variées et planantes où des orgues, cuivres et différentes sonorités accompagnent un H.R. en plein trip divin alors que la basse assène ses lignes rondes et souples.

Sans atteindre réellement le niveau des 3 premiers disques cultes du groupe, "Build a nation" est néanmoins un disque totalement inespéré qui comblera les amateurs du groupe .... mais qui sera rejeté ou complètement incompris par tous les habitués de la musique jetable qui règne en maître depuis le début des années 2000.

Un album indispensable en 2007.


Rédigé par : VsGreg | 17/20 | Nb de lectures : 12138