Hey toi le jeune! Oui, toi, la rockstar de la seconde B parce que tu brailles dans un groupe de metôl, juste pour info, tu chantes en français? Oui? Et ils parlent de quoi tes textes? Mmmh, la société de consommation, les politiques qui sont tous pourris et qu'en plus ils veulent pas légaliser la weed, la TV qui nous instrumentalise, les méchants patrons qui font rien que nous exploiter... T'es un rebelle toi, du genre qui a pas froid aux yeux, hein? Tiens voilà le nouveau catalogue Goëland, t'auras de quoi faire. Laisse-moi te donner un petit conseil. Le chant en français, si c'est pour beugler tes textes qui enfoncent des portes ouvertes, tu oublies. Va enrichir Harraps et traduis-nous tes véritables brûlots enragés en anglais, que mes oreilles n'aient pas la chance de les saisir directement. Mais te dispense pas de les soigner un minimum, fais pas comme dans Zuul Fx, où dans les remerciements ils auraient dû créditer Dora l'exploratrice pour les cours d'anglais. Capice?

Désolé pour le coup de gueule, c'était un avertissement à destination des générations futures. Vous verrez dans dix ans vous me remercierez. Bref...

Les sorties pleuvent du côté de chez Coriace en ce moment: entre les derniers rejetons d'Headcharger, d'Eths et le DVD retraçant la tournée Coriace 2006, nous arrive "Travaille, Consomme et Meurs" des Babylon Pression. Les Marseillais en sont à leur deuxième effort, après un premier album (Negative Generation) sorti en pleine vague néo frenchcore et cie, et qui n'avait pour seule originalité la présence d'un deuxième chanteur orienté ragga. Youpi hein? Il y a eu du mouvement depuis: arrivée de Roswell (ex-Eths) à la basse, exit le préposé au ragga, les Babylon ont délaissé leur LordKossitycore et diversifié leurs influences. Sur leur page myspace: Refused, Will Haven, The Mars Volta en tête de gondole. M'en voilà fort aise, on va pouvoir commencer à discuter...

Musicalement, la base néo s'est considérablement estompée, et on ressent une évolution indiscutable vers des contrées plus rock'n roll, plus hardcore. On songera dans une moindre mesure à toute la mouvance Refused, Every Time I Die pour le côté pied au plancher. D'ailleurs l'instrumental "Tellement de connards, si peu de balles" m'évoque irrémédiablement "In the Event That Everything Should Go Terribly Wrong" que l'on pouvait trouver sur le Hot Damn des Ricains (et je mets mes bijoux de famille à disposition de vos barbecues estivaux si le titre n'est pas pompé sur le "So many pigs, so few bullets" de The Hope Conspiracy). On retrouvera aussi les riffs plus planants/mélodiques que peuvent proposer les dernières productions de Poison the Well ou des Deftones (La vie sous vide). Le tout agrémenté de bonnes vieilles mosh-parts des familles assez efficaces... Bien joué.

Bon, maintenant, les mauvais points. Attendez, deux-trois étirements, craquements de doigts et de vertèbre et on y va. Allez c'est parti.

D'abord, ce qui va gonfler une bonne partie de l'auditoire, la justification de mon intro : les textes. Occupant une très grande place sur cette galette, ils sont innocultables. Et s'il y a quelque chose qui pardonne pas dans le rock au sens large en français, c'est les textes, ça plombe très vite un disque. Et ici, euh! comment vous expliquer... Bon je grossis le trait, vous voyez, j'adore matter Groland, mais si Moustic devait écrire des textes pour Every Time I Die ou Poison The Well... Y aurait comme une couille dans le pâté comme dirait l'autre. Et là, y'a même les deux. Quand t'entends brailler "la France recule, la France t'encule" (sur "La France a peur"), bah c'est un peu comme la fois où trop bourré, tu découvres arrivé au pieu que ta blonde conquête du soir a une pomme d'Adam, ça te casse le truc.

Et pour rester dans le registre "seau de glaçons dans le calbute", les samples. Un peu c'est marrant, mais là c'est carrément l'overdose. Entre les samples de discours de Raffarin, Chirac, Sarkozy, les faux discours patron-employé et même la pub de Quick (sur "Sandwich à la merde"), je peux plus suivre, je suis à genoux. L'interlude "Responsable mais pas coupable" est atrocement horripilant, avec discours de politiques sur fond de Bontempi. Allez-y, achevez-moi. Sinon, le timbre hardcore du chanteur est excellent et mérite d'être souligné, je reprocherai juste ses autres vocalises, gueulées ou non, assez moyennes. Encore plus moyens, les relents fusion d'il y a dix ans, surtout sur "Sandwich à la merde" (featuring d'Oneyed Jack oblige?).

C'est pas le côté engagé des paroles qui me plombe, c'est la forme. Je veux bien piger le côté "on débarque avec nos gros sabots" aussi, j'exige pas le niveau et la classe d'Amanda Woodward pour tous les groupes qui chantent en français, mais là c'est trop. On a trouvé un sérieux concurrent à Lofofora dans la catégorie "enfonceurs de portes ouvertes". Le pire étant que le texte ne colle pas toujours aux ambiances de la musique... C'est dommage, car quelques textes sont bien mieux foutus et intéressants, plus noirs et cyniques. Et, c'est ici un paradoxe regrettable, j'ai peur d'une longévité fast-food pour ce disque. Rien qu'à la première écoute j'avais un avis assez positif dans l'ensemble mais les textes et les samples m'ont gonflé au fil des écoutes et ont d'autant dégonflé ma note initiale. Dommage. Après musicalement rien à redire, c'est pas mal du tout dans le genre. L'ensemble de la galette est hargneuse et efficace ("Ne pars pas où je te tue" dépote méchamment), c'est quand même joué avec conviction et sans prétentions. Ca sera un 11.5 pour ma part. Allez, cadeau bonus d'un demi-point pour le "concept" autour du disque, la promo et le site internet sont énormes et m'auront bien fait marrer malgré tout...


Rédigé par : Crown_me | 12/20 | Nb de lectures : 11613