Une affaire de famille#2
Après la chronique du premier album de Lisa Cuthbert, voici le nouvel épisode des affaires familiales du label Music in Stone. Famille artistique dans une acception étendue, vu que Tim Fromont Placenti (guitares, chant, clavier) joue sur l'album de Lisa Cuthbert et dans AMBIENT TANKS, le nouveau projet de Vincent Cavanagh (ANATHEMA). Colin Fromont Placenti (batterie) peut, quant à lui, être entendu sur le projet de Cavanagh mais aussi sur le dernier ION de Duncan Patterson ou encore la compilation de ANTIMATTER ce qui nous amène à Mick Moss, patron du label Music in Stone sous lequel paraît ce premier album de AVERSE. La french touch dans un collectif exclusivement composé d'Irlandais en somme.

Est-ce à dire que ce premier album de AVERSE batifole avec les ballades bucoliques et la folk champêtre? Ce serait forcément réduire une œuvre mouvante à une seule de ces composantes, d'autant que le groupe porte en filigrane l'empreinte de son passé dans les territoires peu étudiés du black progressif. Il y a évidemment dans « the endesque chants » des choses très belles, parfois naïves; des pistes acoustiques toutes à leur épuration qui plongent en douceur dans des états seconds. C'est même le cœur de l'album, un axe flottant autour duquel gravitent les pièces maîtresses de l'album. Trois morceaux d'une vingtaine de minutes chacun qui ouvrent et closent le disque.
Autant dire que l'auditeur audacieux s'engage alors sur les escaliers de M.C Escher pour une excursion qui déjoue les lois de la perspective ; que dire, en effet, d'une musique qui ne cesse de monter et nous ramène pourtant à notre point de départ? Une ascension spiralaire qui successivement bouscule, cajole, possède ou brutalise au gré de ses embardées. Le mouvement est libre et se veut libérateur.
Progressif, le mot est lâché. Oui sauf que ce serait une gageure épuisante de faire rentrer « the endesque chants » dans un créneau trop étroit pour ses envolées rock psychédélique, sa face obscure qui émerge au détour d'une poignée de mesures trompeuses ou la générosité de ses mélodies. S'il y a bien un titre qui me fait fondre à chaque écoute c'est celui qui boucle l'album, « Aubes cendrées ». L'usage du français y introduit une fragilité supplémentaire, une dose de tragique dans les passages les plus typés black metal. La production d'une extrême sobriété ne cache rien ; toute à son impudeur elle laisse émerger la trame fiévreuse des guitares, la douceur de la clarinette, la densité des instruments à cordes, avec le moins d'artifices possible.

La structure de l'album et le degré d'exigence pour pénétrer l'ensemble pourra en rebuter certains. Après de nombreuses écoutes, je ne suis même pas certain d'avoir le même album entre les mains ; agirait-il comme une psyché aux reflets changeants? La seule certitude reste la puissance narrative de la musique de AVERSE, même si leurs histoires pourraient aussi bien être le fruit d'un aède dément.
On sait que les membres du groupe sont également très attachés à la dimension acoustique de leur travail, si bien que je ne peux que jalouser le public nordiste susceptible de participer à une session live unplugged qui, n'en doutons pas, pousserait l'expérience un peu plus loin. Qui a peur de se mouiller?


Rédigé par : #Guillaume# | 16/20 | Nb de lectures : 12591