AVA INFERI est le projet de Rune Eriksen, plus connu sous le pseudonyme de Blasphemer, ex membre du true MAYHEM.
Avec deux opus derrière eux, « Burdens » en 2006 et « The Silhouette » en 2007, AVA INFERI a déjà prouvé qu’il était un projet très solide et non un énième side-project sans consistance. La musique du quintet se place dans une sphère tout autre que celle des Norvégiens empaleurs de têtes de cochon et cette troisième livraison vient renforcer la réputation du combo et le placer en tête de liste des incontournables du gothic-doom.

Côté musique, rien de nouveau, ce « Blood of Bacchus » est dans la droite lignée des deux précédents, l’expérience et une excellente production en sus. La recette est presque identique.

Nous retrouvons avec plaisir la voix caractéristique de Carmen. Celle-ci passe avec une très grande aisance du médium au suraigu dans ce style semi lyrique qui lui est propre. Le chant, principalement vocalisé, est agrémenté d’interventions murmurées, de parlés, de rires hystériques, d’envolées tragiques modulées. Bref, AVA INFERI continue dans la direction théâtrale qu’il n’a jamais quittée.
Les textes sont en anglais ou en portugais. D’ailleurs, le portugais apporte véritablement une dimension toute particulière aux atmosphères du groupe. Le côté théâtral tragique est souligné, sans que je sache comment vous l’expliquer. Il y a également un titre français, « Appeler les loups », mais je ne saurai dire s’il contient du texte en français, à cause de l’accent.
Je noterai une intervention vocale masculine chantée sur le très posé et quasi a capella « Black wings ». Une guitare sèche et un violoncelle discret apparaissent sur la deuxième moitié du titre. Ce titre est d’une beauté extrême dans toute sa simplicité touchante.
Côté instruments, les guitares sont très présentes tout au long de l’album. De grosses nappes bien lourdes et grasses qui contrastent efficacement avec la voix lumineuse en avant-plan et avec les arpèges limpides en son clair. Ces guitares, associées à la section rythmique minimale et puissante, forment une trame d’obscurité trouble. Un ou deux plans jazzy ou bluesy apparaissent, nous prenant à contre-pied, mais sans jamais dénoter avec l’ensemble. Ou des accélérations arrivent toujours au bon moment, pour garder l’auditeur en haleine.
Tout au long de l’album, les ténèbres semblent se confronter à la clarté lunaire vacillante des arpèges et surtout de la voix, léger souffle d’air sur ces ambiances pesantes saturées.

La musique de AVA INFERI a un caractère presque sacré. Cet album m’a énormément rappelé le « Tears laid in earth » de THE 3RD AND THE MORTAL. Vous y retrouverez les mêmes caractéristiques : voix aérienne en avant, musique planante et puissante basée sur les percussions et des lignes mélodiques atmosphériques, et surtout, pratiquement aucune distinction couplet/refrain. Je pense que AVA INFERI nous propose une très belle interprétation d’un gothic-doom comme il devrait se faire, tout en y mêlant avec intelligence les touches tragiques et tristes du fado portugais, que l’on pourrait qualifier de « Doom de la musique traditionnelle ».
Au milieu de ces structures quasi arythmiques, vous trouverez quelques passages presque tribaux, se rapprochant parfois d’une danse d’invocation mystique. Ce qui nous amène au titre du disque, « Blood of Bacchus » : une sorte de célébration rituelle, les rires, la dance, le vin. Une grande mascarade très bizarre.

Les neuf titres de cet album (pour 54 minutes au total) s’enchaînent avec une grande cohérence. Tous les titres ont leurs qualités. Je citerai par exemple, « Be damned », avec son thème roulant perpétuel, et sa puissance dévastatrice, qui oscille schizophréniquement entre accalmies cathartiques sous tension et éclats tempétueux tragiques. Ou « Colours of the dark », le titre le plus représentatif de l’album, avec une structure plus conventionnelle, une ligne mélodique soutenue par un rythmique implacable, des arpèges suaves et aériens et des progressions étranges à la THE 3RD AND THE MORTAL, le chant en évidence variant à l’envi. Et enfin le titre final, « Memoirs », synthétise à la perfection les influences traditionnelles portugaises, le fado, les ambiances tragiques tendues, presque insoutenables, et la beauté du chant.

En plaçant ce troisième opus un bon cran au-dessus du précédent, AVA INFERI s’impose comme un incontournable du genre et réussit l’épreuve de la confirmation avec un obscur-clair d’une grande beauté.




Rédigé par : Matthieu | 15.5/20 | Nb de lectures : 10915