Comment réussir à concevoir et sortir un album de Death Metal technique en 2010, sans tomber dans la répétition ou le plagiat ? Comment réussir à sortir un album de Death Metal en 2010, qui réussisse à allier puissance, brutalité, efficacité et technicité, et qui surtout réussisse à captiver l’auditeur durant toute la durée de l’écoute ? Demandez aux Savoyards d’ATROPHY, qui en dépit d’un patronyme usité, ont produit un premier album percutant et réussi, nommé 'Lexical Occultation 1.618 : The Veil From Beyond'.
Après deux démos parues en 2002 et 2004, les Chambériens, formés il y a près de 10 ans, frappent donc un grand coup avec cet album sorti en réalité début 2010. Et si on ne peut pas encore parler de Grand Cru Classé, nul doute que le cépage savoyard se rapproche bien plus du Chignon-Bergerin que de l’Apremont de base.

Les influences du groupe sont relativement bien diluées et digérées, pour aboutir à l’agencement d’un Death Metal puissant, où les mamelles de l’opus ne sont pas la démonstration technique, mais plutôt la mélodie et la brutalité. Véritablement en osmose sur toute la durée de l’album, ces deux qualificatifs sont parfaitement représentatifs de la qualité de 'Lexical Occultation 1.618', et donnent à ces 10 titres un côté plaisant et accrocheur. Entre ATHEIST, DEATH ou encore SADIST pour l’aspect technico/mélodico/jazzy, SPAWN OF POSSESSION pour l’assemblage de Death Brutal et Technique, et SUFFOCATION ou MORBID ANGEL pour l’aspect purement brutal et accrocheur, mais à connotation "Old School". Et par-dessus cet enrobage, de légers soupçons de Pitbulls in The Nursery, de Messhugah, voire de Theory in Practice s’intercalent en toute fluidité.
Alors certes on pourra toujours reprocher au groupe une légère redondance, voire quelques passages moins inspirés ; mais ces légers écueils sont amplement surmontés par une efficacité et une accroche haut de gamme.

Alternant passages bestiaux et violents à base de Blast Beats rageurs, et Mid-Tempos accrocheurs typiquement Death, les 9 titres (hors intro) sont tous variés et néanmoins unis dans une logique musicale basée sur des variations rythmiques régulières mais pertinentes. Aucun 'Breaks' ni Mosh Part (au sens Core du terme), aucune variation rythmique épileptique ni aucune cassure rythmique déjantée. Les Savoyards se complaisent dans les agencements classiques des groupes de pur Death Metal, entre Blast Beats et Mid-Tempos, entre accélérations fulgurantes et ralentissements accrocheurs.
Et c’est cette dualité de tempos, terriblement bien agencée et associée à des riffs travaillés et mélodieux, qui permettent de maintenir une qualité d’accroche indéniable et de captiver l’attention de l’auditeur durant les 39 min de l’album. Car si l’absence de changement de rythmes hystériques évite toute lassitude, la pénurie de breaks lourds et clichés permet en contrepartie de rendre les morceaux fortement accrocheurs. L’atout du groupe est surtout de faire cohabiter ces variations rythmiques dans une cohésion sans faille, de façon très régulière, mais toujours soutenue par une violence musicale omniprésente.

Portés par les beuglements gutturaux mais intelligibles de Stéphane, qui hurle avec force dans les graves tout en modulant ses interventions vocales, Atrophy se repose également en grande partie sur un duo de guitariste qui enchaînent les riffs avec brio, sans jamais néanmoins verser dans la surenchère étouffante. Fortement teinté de technicité, notamment via de réguliers soli disséminés sur la plupart des titres, les riffs sont très accrocheurs, avec de réguliers allers-retours dans les sphères mélodiques, mais sans jamais négliger le côté agressif. Terrain propice à l’étalage des qualités techniques des musiciens, sans pour autant là non plus submerger l’auditeur sous une avalanche de notes biscornues, les riffs alignés par Mathieu et Julian révèlent pleinement le caractère à la fois brutal, mélodique et accrocheur de 'Lexical Occultation 1.618', et s’articulent parfaitement autour des tempos variés.
Doté d’une basse présente et aux accords parfois ‘jazzy’, l'album est en outre mis en valeur par une production légèrement "old-school", mais équilibrée, dont le seul défaut pourrait se résumer à un son de batterie parfois trop synthétique (mais non triggué en revanche).

Un petit aparté sur l’aspect textuel, trop souvent omis dans nos proses. Atrophy a développé une thématique personnelle et recherchée, axée sur un voyage philosophique et énigmatique autour du fonctionnement de l’esprit, de ses travers et de sa vision tronquée du monde qui l’entoure. Au travers de textes travaillés mais mystérieux, orientés autours des symboles et des codes créés par l’homme, et qui entraînent l’être humain à s’aveugler lui-même en essayant de connaître ou de comprendre le monde. Un voyage d’initié, mais accessible à tous, et qui mérite largement le détour.

Point d’originalité véritablement, mais une créativité et une qualité musicale à faire pâlir bon nombre de groupes de Death. 'Lexical Occultation 1.618 : The Veil From Beyond' possède un cachet et une personnalité qui ne résultent pas d’une recherche d’originalité absolue, mais plutôt d’une envie et d’une fougue communicatives. Atrophy joue avec passion, et avec ses tripes, et c’est peut-être finalement tout simplement la clé de la réussite, qui permet ainsi à cet album de posséder ce supplément d’âme permettant de faire toute la différence.
La qualité et la pertinence de l’album parlent d’eux-mêmes. Merci Atrophy !


Rédigé par : ..::Ju::.. | 16/20 | Nb de lectures : 13865