Pfffffff. Si chaque kronikeur devait à la fin de l'année élire l'album pour lequel il a eu le plus de mal à pondre quelques lignes, je crois que je tiendrais un beau morceau là. J'en suis même venu à souhaiter qu'il n'y ait pas "Atrocity" de marqué sur la pochette mais un nom le plus anonyme et inconnu possible histoire que je clôture ce chapitre le plus vite possible.
Ce "Atlantis" comme son nom l'indique est un concept-album sur l'Atlantide et je serais franchement heureux si j'avais pu lire les paroles. Mais comme mon promo est comme d'habitude livré sans les lyrics, vous n'aurez pas la primeur de savoir si l'Atlantide version Atrocity tient debout. En passant, le clip de "Cold Black Days" figurait pourtant sur ce CD et je ne déséspère pas de le voir également sur la version du commerce.
Je ne reviendrai pas sur la carrière du groupe allemand qui a été ponctuée de hauts et de bas mais qui, dans tous les cas, inspire le respect comme je l'ai déjà précisé dans la kronik du single "Cold black days" que vous pourrez retrouver dans nos colonnes. Le dernier signe de vie que la bande à Krull avait donné était donc ce fameux "Gemini" en 2000, album déconcertant, trop accessible mais parfois attachant, trop commercial mais néanmoins différent. Bref, beaucoup de "trop" et de "pas assez" pour un disque qui n'a pas convaincu grand monde. J'avoue même que je pensais que le glas du groupe avait sonné à ce moment là, impression confirmée par la bonne, et sûrement lucrative, réputation de Alex Krull en tant que producteur et les quelques échos sur sa vie privée qui se sont concrétisés par le mariage avec qui vous savez et un bébé dans la foulée. Il en faut parfois moins pour changer la destinée d'un homme mais il n'en a pas été question une seule minute. La seule différence avec auparavant est que Alex s'est empâté un peu (la cuisine norvégienne ?) et qu'il a rasé moustache et barbichette pour nous offrir un visage à nouveau immaculé de jeune homme.
Mon côté "presse people" a une fois de plus pris le dessus et je me rends compte que je n'ai pas encore parlé une seule fois de cet album. Vu le thème abordé, on pouvait s'attendre à quelque chose d'assez emphatique, l'histoire et l'épilogue qu'on connaît des Atlantes ne se mariant pas vraiment bien avec de la musique intimiste ou minimaliste. En tout cas, une chose est claire : fini le strass, le goth-metal décalé et les rythmes presque bavarois (j'exagère, je sais...) de "Gemini". "Atlantis" est un disque de métal à tendance death globalement violent, qui possède pas mal de passages intenses et même parfois des blasts. Le disque commence assez fort avec un "Reich of phenomena" brutal et majestueux où des choeurs féminins puissants viennent épauler la grosse voix de Krull. Un titre parfait pour annoncer la couleur : ce disque ne fera pas dans la dentelle. Les guitares forment un mur, les passages de double sont le crépis badigeonné par dessus et la finition est achevée par une production étonnament dense et sobre. Le mixage n'a à priori pas voulu donner une priorité à l'un ou l'autre des instruments et on écoute ce disque au départ assez étonné de la rudesse du son, Atrocity ayant pourtant surpris leur petit monde par le passé par leur approche assez particulière du mixage ("Todessehnsucht" et ses sonorités ultra-modernes pour l'époque). Pourtant ce "Reich of phenonema" est certainement le morceau le plus violent de l'album. Les autres titres fonctionnent souvent sur un concept rôdé pour Atrocity : on utilise des grosses parties de grattes, des rythmiques ronflantes et denses, des vocaux quasi-death pour ensuite calmer un peu le jeu, sortir une ligne vocale plus mélodique pour repartir ensuite de plus belle. On se contente simplement de rendre tantôt les refrains mélodiques, tantôt les couplets. C'est particulièrement audible sur les morceaux "Gods of nation", "Enigma" (est-ce Liv Kristine que l'on y entend ?), "Atlantean empire" ou "Ichor". Il faudra attendre les dixième et onzième morceaux "Clash of the titans" et le presque hystérique "Apocalypse" pour retrouver l'aspect quelque peu plus Wagnerien du titre introductif et c'est d'ailleurs un peu dommage car ce filon me paraît sous-exploité. Au fil des écoutes, on reste perplexe devant quelques morceaux plutôt moyens comme le très banal "Morbid mind" qui semble échappé des sessions de "Willenskraft" ou le mélodique et tribal "Aeon" qui montre une fois de plus les limites vocales de Alex qui se démerde pourtant correctement sur la grosse majorité des morceaux. Le single "Cold black days" aurait mieux fait de faire l'objet d'un mini-cd à part et ne pas figurer sur l'album tellement son côté optimiste et presque dansant fait tache au milieu du disque même s'il est très agréable. Seul "The sunken paradise" et son refrain presque analogue -et vraiment sympathique au demeurant- le sauve d'une solitude plutôt handicapante. Les trois interludes semi-instrumentaux ne sont pas folichons et, s'ils servent plutôt à délimiter les trois parties du concept pour les deux premiers d'entre eux ("Omen" et "Lost eden"), ils souffrent du même défaut que toutes les parties de synthé entendues sur le disque : c'est plutôt cheap dans l'ensemble (écoutez l'intro de "Clash of the titans"). Les orchestrations, heureusement encore assez bien protégées (camouflées ?) par l'épaisseur des grattes et par la production, n'ont pas bénéficiées d'énormément de moyens. C'est assez déplorable car certains titres auraient mérité des arrangements plus soignés. Il est aussi intéressant de noter que, par le choix osé de faire une oeuvre conceptuelle, l'intégralité des lyrics est en anglais pour une fois et que seuls quatre petits mots en allemand sont prononcés pour finir "Atlantis" : "Wir sind ein Volk" -"Nous sommes un peuple"- pour les teutonophobes.
Si la note que je vais mettre peut vous sembler un peu passe-partout, c'est parce que je reste persuadé que ce disque va changer dans mon esprit avec plus de recul -même si j'ai largement dépassé la douzaine d'écoutes-. En bien ou en mal, je n'en sais fichtrement rien. Atrocity a en tout cas eu le mérite d'étudier son sujet, de vouloir faire quelque chose de radicalement différent de "Gemini", de vouloir à nouveau se découvrir une identité et de montrer que le groupe va bientôt fêter ses 20 ans d'existence (ils se sont formés en 1985 quand même) avec encore une bonne paire de burnes dans le pantalon. Vous remarquerez que je n'ai volontairement pas cherché à trop disséquer le contenu de chaque morceau car "Atlantis", si on veut respecter la volonté de ses auteurs, se doit d'être écouté d'une traite. Tout au long de ses 55 minutes, ce disque réservera pas mal de surprises, mauvaises ou bonnes suivant vos attentes musicales, mais j'ose quand même affirmer que le pari est majoritairement réussi. L'ambition de la bande à Krull a été plutôt payante et si vous réussissez à passer le cap de la production pas vraiment calibrée sur les normes d'aujourd'hui (ce n'est pas un reproche, et c'est même étonnant pour un groupe signé chez Napalm) et sur les quelques défauts que j'ai souligné au cours de cette kronik, vous ne devriez pas être déçus par "Atlantis". Ce n'est certainement pas un chef d'oeuvre immortel qu'on nous présente ici mais on commençait à en avoir l'habitude avec Atrocity. C'est simplement un bon disque d'un bon groupe qui a su se remettre en cause et pondre à nouveau quelque chose de correct. Pour les fans, sachez qu'on retrouve sur cette galette un peu de l'ambiance étrange des deux premiers albums, beaucoup de la hargne de "Willenskraft" et un tout petit peu des mélodies de "Gemini". Mais dans tous les cas, on est bien loin du techno-death alambiqué pratiqué à la genèse du groupe. On tient de toute évidence ici un exemple probant du disque que l'on hésite à recommander à d'éventuels interlocuteurs tellement son contenu est particulier et sujet à discussions. Je recommande donc en conséquence une écoute préliminaire avant tout achat. Je pourrais bien évidemment dire ça pour chaque kronik mais ici, ça en devient carrément vital. Moi j'ai bien aimé en tout cas. Est-ce que ça sera encore le cas dans six mois ? Pour avoir la réponse, je vais me contenter de répéter la même phrase finale que lors de la kronik du single : qui vivra verra...


Rédigé par : Loufi | 15/20 | Nb de lectures : 8966