L'histoire d'ATHEIST est de celle dont on fait les meilleurs feuilletons. Entre rebondissements et événements tragiques, la discographie du groupe s'est constituée autour des multiples aléas ayant secoué la vie de ses musiciens. Serait-il déraisonnable dans la foulée d'ANVIL d'imaginer un long-métrage retraçant le parcours de nos anciennes gloires du techno-thrash? Car, après tout, en dépit du modeste buzz créé dans le fandom, qui se soucie du retour d'un groupe resté muet pendant dix-sept longues années? Étrange de songer que certains des auditeurs charmés par ce "Jupiter" ont pu être conçus sur des titres de "Piece of time"...

Dix-sept années de silence relatif, si l'on considère le retour du groupe sur scène en 2006 - immortalisé par le "live at Wacken" - qui renvoient à celui d'une autre formation floridienne, illuminée en 2008 par une heureuse renaissance. Est-ce à dire que, comme CYNIC, ATHEIST a secrètement nourri sa pratique artistique afin de porter devant nos oreilles incrédules le fruit de longues années de maturation musicale? La réponse est négative dès les premières minutes d'écoute de ce "Jupiter", cuvée 2010 de techno-thrash à l'américaine carrément régressive dans sa manière de lorgner vers les plus vieilles compos du groupe.
Difficile de déterminer ce qui est le plus surprenant ; le retour d'un groupe que peu de choses prédestinaient à revenir sur le devant de la scène ou l'apparente insolence avec laquelle ATHEIST se pose en rupture avec l'album ayant assis son statut de formation culte, "Elements". Faisant fi des ingrédients les plus progressifs de leur identité et des influences jazz évidentes de leur dernier album en date, ATHEIST évite finalement le piège grossier qui consisterait à reproduire un schéma identique. Il y a manifestement eu une rupture nette dans l'ère post-Elements et il serait maladroit de vouloir reprendre l'histoire du groupe là où elle a été brisée. De gigantesques tranches de vie qui voient se réunir des hommes logiquement altérés par le cours respectif de leurs existences. Piece of Time quoi.

Impossible de faire le bilan de cette interminable interruption, tout au plus peut-on en noter les faits connus, sinon marquants. Tony Choy qui n'en finit plus de faire son coming-out Latin pop et dont l'inévitable éviction (et les communiqués foireux qui la suivirent) ne constituent pas les heures les plus glorieuses du groupe. Sans se perdre en conjectures stériles sur son retrait progressif de la scène metal, on ne peut que regretter l'absence de son empreinte sur ce nouvel album dont les parties de basse sont l'œuvre du non moins talentueux Jonathan Thompson.
D'ailleurs, qui tient les manches des guitares depuis que Kelly Schaefer s'est niqué le canal carpien en regardant trop de videos sur Youporn (sources à vérifier)? En toute logique, on retrouve une partie du line up de GNOSTIC, nouveau groupe de Steve Flynn dont l'influence sur les compos de "Jupiter" semble incontestable. En effet, comment ignorer que la majorité des membres de GNOSTIC se trouve désormais aux commandes d'ATHEIST? Si une confusion demeure impossible entre le style des deux formations, "Jupiter" hérite néanmoins d'une dose supplémentaire d'agressivité et de vélocité qu'on trouvera au choix regrettable ou salvatrice. Si on ajoute que l'album a été enregistré en Georgie (Bye la Floride?) et produit par Jason Suecof (Chimaira, Devildriver, Job for a Cowboy, Whitechapel etc.) il y avait de quoi se faire du souci. On peut toutefois rassurer les amateurs de la première heure qui trouveront leur lot de tricotage guitaristique, de mesures rythmiques non-euclidiennes, de miaulements déchirés et de tout ce qui fit le charme du groupe vingt ans auparavant. Les temps ont beau changer, les thrasheurs résistent à tous ses outrages, fièrement campés dans leur Reebok pump et leurs slims délavés.
Technique, créativité, talent et un peu de morgue, tout y est pour inscrire cet album dans la brillante discographie du groupe, même si certains pourront se plaindre de la moindre prise de risque affectée ici par nos vétérans. Un album résolument trop court (huit titres d'une moyenne de quatre minutes à peine) mais surtout dépourvu du souffle lyrique qui imprégnait "Elements". La comparaison reste inévitable.

Enfin, la sortie de ce "Jupiter", à la suite du nouveau MEKONG DELTA et de l'annonce de la reformation live de CORONER laisse augurer la présence de superbes plateaux techno-death/thrash sur les scènes des festivals 2011. Qui prend les paris?




Rédigé par : #Guillaume# | 15,5/20 | Nb de lectures : 17540