AS WE DRAW est un groupe de « postmachin » originaire de Laval. Cette simple phrase de présentation, d’apparence anodine, met en lumière les deux plus gros défauts du groupe.
D’abord un manque flagrant d’originalité dans le choix de son patronyme, ben ouais les mecs les noms de groupe en « AS » c’est bien joli mais c'est pas ce qui manque en ce moment. Ensuite d’être originaire de Laval. Sérieux Laval. A part Sarreguemines et Dunkerque, y a-t-il une ville en France qui fasse moins rêver ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Maintenant si les deux pires tares d’un groupes sont son nom et sa ville d’origine on peut s’attendre à du lourd musicalement parlant. C’est le cas. AS WE DRAW ne révolutionne pas la scène « postmachin » mais savate sévère malgré tout. Puis l’étiquette « postmecouilles » est elle aussi un peu réductrice, le groupe n’hésite pas à mettre ses gros sabots dans le plat pour faire, un peu, avancer une bête qui a tendance, depuis quelques années, à dangereusement stagner.

« Shame » ouvre les hostilités. On a vu plus honteux comme titre d'ouverture. Attaque à la batterie soutenue par une basse grondante et plus rondouillarde qu’un ado ricain élevé au McDo suivi d’un son de gratte tranchant, direct et d’une voix arrachée juste ce qu’il faut. Rien de neuf jusque-là, mais du boulot propret et bien branlé. Le titre est aguicheur, frontal et habité d’une vibe presque crust dans l’esprit. L’oreille est appâtée, il faut maintenant ferrer la poiscaille. C’est « Sin Of Addiction » qui s’y colle en envoyant ses ambiances tellement résignées et mélodramatiques qu’on en aurait presque la larme à l’œil. Puis tiens c’est pas le fantôme de Cult Of Luna qu’on peut entendre là-bas, au loin ? Le morceau enfonce le clou de la partie « post » du groupe. On se croit en territoire conquis, plus rien ne peut nous arriver et on continue d’écouter un nouveau clone du combo d’Umeå. La routine quoi. Puis voilà qu’AS WE DRAW, décidément plein de ressources, vient chambouler tous les plans avec l’intégration de chœurs carrément youth crew ! L’impression est bizarre, étrange, comme si les fans de xChampionx étaient venus foutre le bordel pendant l’enregistrement. Le mélange des deux peut, a priori, sembler totalement abscons mais le résultat est déconcertant d’efficacité. Ça marche du feu de dieu et permet au groupe de prendre une nouvelle dimension. Et une nouvelle identité.

Maintenant ces chœurs sont utilisés avec parcimonie mais toujours balancés au bon endroit, au bon moment histoire de rendre les compositions encore plus habitées. L’écriture des différents titres frise l'excellence, que ce soit dans les titres les plus rentre-dedans qui ne sont pas sans rappeler Rise&Fall ou dans les parties plus longues, plus atmosphériques clairement orientées « postskevouvoulez » bâties autour d’un crescendo implaccable interrompu par un break cristallin sur l’énorme « Burst Of Colour » marquant la rencontre d’AmenRa et de Defeater. Pour n’oublier personne sur le bord de la route, je te balance un petit instrumental foutrement évocateur comme ça, tranquille. Ça tombe bien, au moment où j’écris ces lignes il fait tout blanc sur la banlieue, et ce morceau couplé à cette vision, me fait dire que « putain, c’est quand même beau la banlieue sous la neige » avant de m’emporter dans un tourbillon de notes chaotiques et d’émotions en tout genre. Suffit d’ajouter un gros son et un mixage made in Allan Douches pour que le tableau semble idyllique pour les Mayennais.

Maintenant tout n’est pas parfait, quelques titres sentent un peu la redite ou ne sont pas assez travaillés comme « Fault Lines » qui ne retrouve ni la grâce ni la classe de « Burst Of Colour » ou un « Drowned In Flames » trop téléphoné et tournant en rond malgré sa courte durée. Une fin d’album qui ne concrétise pas toutes les promesses aperçues dans la première partie mais qui comporte son lot de petites perles comme ce « Draft » abrasif et presque post-punk suivi de « Scum Of The Earth » qui termine l’album par une ambiance douce amère voire carrément aigre. Mais goûtue. « Lines Breaking Circles » est un (très) bon album auquel il ne manque pas grand-chose pour venir titiller les plus grands mais qui installe le groupe en bonne place dans la meute des jeunes loups français aux dents longues. A noter que l’album est en libre téléchargement sur le site du label et le myspace du groupe.


Rédigé par : Seb On Fire | 15.5/20 | Nb de lectures : 13441